« Les robinets du pétrole ne seront fermés que lorsque le dernier dollar sera extrait de cette ressource mortifère » écrit le sociologue Vishwas SATGAR (1). Pour lui, il ne faut pas se cacher que la logique du capitalisme contemporain ne relève pas seulement de la prédation des biens naturels, mais d’un écocide « c’est-à-dire d’un anéantissement des conditions nécessaires au maintien de la vie humaine et non humaine sur la planète Terre ».
Qualifier le pétrole de substance « mortifère » (qui provoque la mort) constitue un raccourci militant. Il exprime en un mot que l’exploitation et l’utilisation de cette énergie fossile, par les pollutions qu’elle produit, portent atteinte à l’environnement, détériorent la santé humaine, et dégradent le climat.
Vishwas SATGAR enseigne les sciences politiques et la sociologie à l’université de Witwatersrand en Afrique du Sud. Surnommée en abrégé « Wits University », c’est la plus importante université du pays (30 000 étudiants). Elle a été créée à Johannesburg en 1896. Le prix Nobel de la Paix Nelson MANDELA y a étudié et enseigné. Trois autres prix Nobel, Aaron KLUG (Chimie), Nadine GORDIMER (Littérature) et Sydney BRENNER (Physiologie/médecine), mais aussi Johnny GLEGG, y ont été professeurs.
Les analyses sur l’état économique et social du monde développées par les universitaires non-européens sont, d’une façon générale, moins frileuses, et plus déterminées que celles de nombre de « spécialistes » français et européens. Ils s’affranchissent plus librement d’un conformisme ambiant à l’égard des systèmes en place, comme si leur appartenance au continent africain, asiatique ou sud-américain, et aux réalités quotidiennes de leurs territoires en développement conjugués, les amenaient à prendre des positions militantes pour l’avenir, tirant des conclusions apportées par les sciences humaines et sociales qu’ils enseignent.
Il en est ainsi à l’égard de l’écologie et du réchauffement climatique qui ne saurait plus aujourd’hui constituer un sujet de débat – vous savez, la fameuse et imbécile question « le climat se réchauffe, ou ne se réchauffe-t-il pas ? » que nous entendons depuis si longtemps. Ces questions sont désormais entrées dans le domaine d’actions positives qui fait consensus. Ses fondements sont enseignés et ses implications pratiques sont déclinées par de nombreuses recherches universitaires dans diverses disciplines.
Le changement climatique s’accélère.
« Dans le monde contemporain du capitalisme centré sur le carbone, les voitures gourmandes en essence, les avions de haute technologie avancée, et les gigantesques porte-conteneurs et les gratte-ciels, tous consommateurs d’énergie, constituent des armes de destruction massive.
Plus les relations sociales basées sur une consommation intensive de ressources et centrées sur le carbone prévalent, plus le changement climatique s’accélère. » (p. 13)
Vishwas SATGAR propose une évidence que l’on ne peut rejeter : la logique du capitalisme contemporain, qui est fondé sur un mode d’appropriation et d’accumulation de biens, est un mode d’anéantissement progressif des conditions nécessaires au maintien de la vie humaine et non humaine sur la planète Terre.
« Il est sidérant de constater que le capital carbone conserve encore sa place dans le mix énergétique mondial,
• malgré tous les signaux d’alarme lancés par les sciences du climat,
• malgré le ralentissement de la demande lié à la pandémie Covid-19,
• malgré les évènements climatiques extrêmes qui se produisent chaque semaine sur la planète Terre. »
Les défenseurs de la justice climatique développent trois formes d’action de rupture :
- La rupture symbolique avec la normalité. Tout le monde pense à Greta THUNBERG et aux actions de protestation que la jeune génération mène autour de #FridayForFutur. Il est urgent de prendre en compte les données de la science sur le climat.
- La rupture tactique par le blocage de la production de carbone : extraction des combustibles fossiles, boycott de MacDonald’s, Walmart, Subway… qui ont des intérêts dans l’agriculture sur brûlis en Amazonie, blocage des mines de charbon en Allemagne…
- Rupture stratégique du capitalisme écocide en proposant des alternatives systémiques (« Green New Deals », Pactes verts).
La triple violence coloniale, néolibérale et impérialiste n’a pas réussi à détruire l’attente d’une relation désaliénée avec le monde, garanties par un humanisme positif et un monde lent, fondé sur les cycles métaboliques de la nature.
CONCLUSIONS
- L’éco-socialisme est une vision qui se pose à tous les niveaux des gouvernances territoriales. Aucune des gouvernances imbriquées ne doit attendre les autres. Chacune doit prendre sans tarder des initiatives.
- Les biens communs mondiaux (l’eau, la terre, la biodiversité, les océans, la biosphère…) sont impliqués dans la revanche de la nature contre l’écocide capitaliste : à l’infinité de la nature s’oppose, au-delà de la finitude individuelle des humains, cette autre infinitude qui est la croyance dans l’infini d’un destin partagé.
- Ces idées qui doivent s’imposer, internationalement, nationalement et localement et commander quotidiennement les actions concrètes d’une écologie intégrale.
RÉFÉRENCES
SATGAR Vishwas, « Après le capitalisme, l’éco-socialisme démocratique ? », Dialogue global, International Sociological Association (ISA), 2020/3, pp. 13-15.
Vishwas SATGAR est professeur de Sociologie à l’Université du Witwatersrand (Afrique du Sud). Membre du Comité de recherche de l’International Sociological Association (ISA).
SATGAR Vishwas, The Climate Crisis. South African and Global Democratic Eco-Socialist Alternatives, Wits University, South African Republic, 2018, ISBN: 9781776142071
(Subjects: Earth and Environmental Sciences, Climatology and Climate Change).
SATGAR, Vishwas The Climate Crises and Democratic Eco Socialist Alternatives, 1 March 2018. Video Youtube https://www.youtube.com/watch?v=dfxrZuG7nwI
COMMENTAIRE DES ILLUSTRATIONS
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Un sourire pour l’année 2021. Tag urbain. Plaque d’égout peinte à la bombe de peinture bleu, au milieu de la chaussée, rue de la Liberté (au droit de la rue Édouard Ferron) à Savigny-sur-Orge (Essonne), 30 décembre 2020. © Photographie Bernard Mérigot / CAD.
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SATGAR Vishwas (Ed), The Climate Crisis. South African and Global Democratic Eco-Socialist Alternatives, Wits University, South African Republic, 2018, ISBN: 9781776142071
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Vishwas SATGAR, The Climate Crises and Democratic Eco Socialist Alternatives, 1 March 2018. Video Youtube https://www.youtube.com/watch?v=dfxrZuG7nwI
© Sylvie MONNIOTTE-MÉRIGOT et Bernard MÉRIGOT. Article mis en ligne le 18 février 2021.
Portes de l’Essonne Environnement
http://portes-essonne-environnement.fr
Média numérique
ISSN 2495-1161. Dépôt légal du numérique, BNF 2021