Archives de catégorie : GEMAPI

Eau. Quelles seront les collectivités compétentes demain en matière d’eau et d’assainissement ?

« Qui fait quoi ? Et combien cela me coûte ? »
Telle est la question que le citoyen, l’habitant, l’usager d’un territoire pose aux élus, aux administrations locales et aux concessionnaires pour tous les services publics dont il est usager : eau potable, assainissement, déchets ménagers, très haut débit Internet, urbanisme, voirie, stationnement des véhicules, sécurité…

Les réponses sont loin d’être claires à un moment donné. Ce qui est dit un jour n’est plus valable le lendemain. Tout change dans une grande confusion. Exemple pour la compétence en matière de distribution d’eau potable et d’assainissement (c’est-à-dire le traitement des eaux usées).

Travaux sur le réseau d’assainissement de la commune de Savigny-sur-Orge, rue Joliot-Curie, le 16 août 2016. © Photographie BM/CAD pour PEE.

  • Premier scénario : les communautés de communes, c’est-à-dire les intercommunalités, sont compétentes. Selon la loi NOTRe, en 2020, les compétences eau et assainissement – respectivement facultative et optionnelle – deviendront des compétences obligatoires des communautés de communes. Cela devrait engendrer un transfert plus ou moins progressif de ces compétences depuis les communes selon les situations locales. Mais les choses sont en train de changer. Dans la précipitation et le flou.
  • Deuxième scenario : les communes sont compétentes. Le Sénat vient de revenir sur cette disposition. Avant la fin des travaux parlementaires, les sénateurs ont voté le 23 février 2017, une proposition de loi, déposée par des sénateurs « Les Républicains », qui vise à maintenir ces compétences optionnelles afin de « conforter la commune comme cellule de base de la démocratie locale » et « passer outre les difficultés que rencontrent les collectivités et les établissements publics dans la mise en œuvre de ce transfert de compétences ». 

On change tout
Le rapport du sénateur de l’Ardèche Mathieu DARNAUD, réalisé pour la commission des lois, précise que « Le classement de l’eau et de l’assainissement au sein des compétences obligatoires de ces intercommunalités ne figurait pas dans le projet de loi initialement déposé sur le Bureau du Sénat le 18 juin 2014 ». C’est lors du passage à l’Assemblée nationale que ces amendements ont été ajoutés.

« Il serait en effet peu opportun de retirer à des syndicats cette compétence au profit d’une intercommunalité n’ayant aucun savoir-faire en matière de gestion de l’eau et d’assainissement ne présentant parfois aucune cohérence en termes de périmètre », a justifie Jean BIZET, sénateur de la Manche auteur de la proposition de loi. «  En réalité, l’objet de cette proposition de loi est de permettre aux acteurs locaux de bénéficier de plus de temps et de plus de flexibilité dans l’exercice complexe de ces compétences, notamment en zone rurale ou de peuplement irrégulier », a-t-il ajouté.

Lors de la discussion, le champ de la proposition de loi a aussi été élargi par amendement aux communautés d’agglomération. De même, un autre amendement a été ajouté afin de « permettre, de manière pragmatique, de maintenir la répartition actuelle des compétences en matière d’assainissement et d’eau au sein de la métropole dans les cas où cette solution apparaît la plus satisfaisante ». (1)


Combien ça coûte ? Qui paye quoi ?
Le seuil à partir duquel les nouvelles intercommunalités devront équilibrer leurs budgets annexes eau et assainissement par les seules redevances des usagers a été rehaussé de 3 000 à 5 000 habitants. Enfin, un amendement prévoit de séparer la compétence eaux pluviales de la compétence assainissement. Pour certains sénateurs, il est plus logique de rattacher la compétence eaux pluviales à la compétence GEMAPI plutôt qu’à l’assainissement collectif.

Il est à noter que d’après l’Observatoire des services d’eau et d’assainissement (SISPEA), en 2013, avant la réforme de la loi NOTRe, 50,1 % des communes avaient transféré leurs compétences eau et assainissement à un EPCI à fiscalité propre.

Autant de décisions prises au jour le jour,  sans aucun débat ni aucune concertation citoyenne.

RÉFÉRENCE
1. REY-BRAHMI Pauline, « Loi NOTRe : Le Sénat favorable à ce que les compétences eau et assainissement demeurent optionnelles », Environnement magazine, 27 février 2017. http://www.environnement-magazine.fr/article/49087-loi-notre-senat-maintient-competences-eau-et-assainissement-optionnelles/
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© Marie LAPEIGNE, 14 mars 2017, 16 heures.

ISSN 2495-1161. Dépôt légal du numérique, BNF 2017.


Complément en date du 22 mars 2017

Une lecture instructive sur le sujet signalée par un fidèle lecteur du présent média et membre du conseil d’orientation de PEE : le dossier d’Erwann MANAC’H et de Patrick PIRO, « Public-privé : la guerre de l’eau », www.politis.fr, 15 mars 2017, en accès abonné sur Internet (https://www.politis.fr/articles/2017/03/public-prive-la-guerre-de-leau-36512/) ou en accès papier en achetant le n° 1445 de l’hebdomadaire.

La rédaction de PEE, 22 mars 2017, 14 heures.

MGP. Colloque sur la bonne gouvernance dans la gestion du fleuve et des rivières métropolitains

Comment gérer demain le fleuve et les rivières du territoire de la métropole du Grand Paris ?

Tel est le sujet du colloque qui aura lieu les 7 et 8 juillet 2016 à l’hôtel de ville de Saint-Maur-des-Fossés (Val-de-Marne) sous la co-présidence de Patrick OLLIER, président de la métropole du Grand Paris (MGP), de Sylvain BERRIOS, vice-président de la MGP délégué à la gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations (GEMAPI) et président du syndicat Marne Vive, et de Jean-François CARENCO, préfet de région Ile-de-France et préfet de Paris.

La thématique de la bonne gouvernance dans la gestion du bassin hydrographique parisien n’est pas anodine après les inondations vécues au début du mois de juin 2016. Planifié avant ces récents événements, ce colloque aspire à trouver une réponse à la question : « Que ce soit à la veille d’une crue ou après les inondations, la GEMAPI ne constituera-t-elle pas l’outil qui permettra aux élus de disposer d’une vision globale à l’échelle des rivières et, notamment, d’anticiper au mieux ces phénomènes ? » Une façon de dire que, jusqu’à ce jour, une mauvaise gouvernance relative domine.

Le colloque couvrira principalement les thèmes suivants :

  • Vers une gestion globale et cohérente des risques liés aux inondations ;
  • Pour une amélioration de la biodiversité de nos rivières et du fleuve ;
  • Des usages de nos rivières et du fleuve en milieu urbain ;
  • La qualité de l’eau de nos rivières et du fleuve au centre des enjeux.
COLLOQUE MGP GEMAPI 2016

Programme du colloque « Gemapi : Enjeux et gouvernance. Sécurité, biodiversité, santé et cadre de vie : Comment gérer demain nos rivières sur le territoire de la Métropole du Grand Paris ? », 7 et 8 juillet 2016, p. 1/3.


Un tel colloque est-il utile ?

Que les élus et les fonctionnaires territoriaux de la MGP et des établissements publics territoriaux (EPT) qui la composent, se retrouvent, s’informent, réfléchissent sur le sujet n’est pas une mauvaise chose en soi. Mais, le citoyen est en droit de se demander si, une nouvelle fois, il ne se trouve pas dans une enième réunionite coûteuse du millefeuille territorial sans aucune retombée locale pour les habitants et les administrés. Le dossier de presse avance qu’il « est nécessaire qu’élus et institutionnels partagent leurs attentes et leurs visions à l’échelle du territoire métropolitain pour faire en sorte que les projets avancent et que les synergies se créent dans l’intérêt, in fine, des cours d’eau et des citoyens qui les fréquentent et les utilisent. »  Pourquoi ne pas avoir ajouté « qui vivent à proximité » ? Plus que ceux qui les « fréquentent » et les « utilisent », des riverains souffrent régulièrement des crues, parfois depuis des décennies, sans que des solutions soient réellement apportées pour atténuer les risques encourus d’une vie passée, présente et future à côté d’une rivière ou d’un fleuve.


Pourquoi construire en zone inondable ? Pourquoi continuer à construire en zone inondable ?

Ne doit-on pas prendre à bras le corps le problème des permis de construire délivrés à des promoteurs par les maires, confortés par les autorités préfectorales, dans les années 1960, 1970… et, dernièrement, dans les années 2010 sous couvert de « pilotissage » pour satisfaire un Schéma directeur régional d’Ile-de-France (SDRIF) qui impose toujours plus de constructions de logements (sociaux ou pas / 70 000 par an pour le SDRIF en cours) dans des secteurs déjà bien denses se trouvant parfois en zone inondable comme c’est le cas à Savigny-sur-Orge, à Athis-Mons, à Juvisy-sur-Orge et ailleurs ! Non seulement, cette densification nouvelle est envisagée dans les quartiers anciens, le long des voies de chemin de fer mais, en plus, les autorités oublient qu’il s’agit aussi parfois de secteurs inondables relevant d’un PERI ou d’un PPRI rivière et/ou d’un PPRI Seine. A Juvisy-sur-Orge ou à Athis-Mons, par exemple, tout le nouveau quartier « vertical » en bordure de la Seine a été inondé…

JSO I2016 WILLY HUBENTZ

Juvisy-sur-Orge, quai de Seine. Capture d’écran de la vidéo de Willy Hubentz, « Inondation en Essonne. Juin 2016 », https://www.youtube.com/watch?v=MRFbpmRDfS8.

Certes, en temps normal, la vie près d’une rivière ou d’un fleuve peut paraître romantique voire idyllique, mais en temps de crue ? Tout un quotidien est fortement perturbé, du simple ramassage des ordures ménagères à une école fermée, de la simple boulangerie à une grande surface ou à un restaurant en chômage technique en raison d’inondation ou de rupture de courant électrique, d’un transport privé à un transport public rendus impossibles, d’un parking couvert d’eau à une cave ou un rez-de-chaussée inondé, d’un ascenseur immobilisé faute d’électricité à un réseau téléphonique hors service pour la même raison, aux victuailles d’un réfrigérateur ou d’un congélateur perdues faute d’électricité durant plusieurs jours, à des morceaux de vie, des souvenirs partant avec le courant des eaux vers on ne sait où, à une évacuation de son habitation durant quelques jours à plusieurs semaines tels des naufragés sans lendemain (3) … Et cela ni les autorités administratives, ni les hauts fonctionnaires du SDRIF, ni les promoteurs n’y font allusion.

  • Comment gérer les instants disruptifs d’un cadre de vie en situation de dysfonctionnent, qui génère un perte de repère chez les riverains d’un cours d’eau en crue ?
  • Comment vivre pendant une inondation ? Comment survivre à une inondation « catastrophe » ? Comment faire acte de résilience ?
  • Pourquoi et comment les autorités doivent-elles mieux gérer les permis de construire à proximité d’une rivière et d’un fleuve en refusant l’application du SDRIF dans ces zones pour effectivement répondre aux normes fixées par les PERI ou les PPRI ?
  • Quelles seront les mesures prises par les maires de la MGP sur le terrain après ce colloque ? Comment seront-elles contrôlées et par qui ?

Telles sont les questions que devraient se poser les élus de la MGP, en présence des acteurs de terrain mais aussi des associations environnementales locales. Les habitants attendent des réponses.

RÉFÉRENCES
1. Métropole du Grand Paris, « Gemapi : Enjeux et gouvernance. Sécurité, biodiversité, santé et cadre de vie : Comment gérer demain nos rivières sur le territoire de la Métropole du Grand Paris ? », Programme du colloque des 7 et 8 juillet 2016, Saint-Germain-des-Fossés, dossier de presse, 28 p. (pdf) : COLLOQUE GEMAPI 2016 DP.
2. Métropole du Grand Paris, « Gemapi : Enjeux et gouvernance. Sécurité, biodiversité, santé et cadre de vie : Comment gérer demain nos rivières sur le territoire de la Métropole du Grand Paris ? », Programme du colloque des 7 et 8 juillet 2016, Saint-Maur-des-Fossés, 3 p. (pdf) : COLLOQUE MGP GEMAPI 2016 PROG.
3. Lire ainsi le cas d’une famille de Longjumeau qui, après un mois, n’a toujours pas réintégré son logement : FOULON Aurélie, « Sandrine et ses enfants, toujours naufragés », Le Parisien Essonne-matin, 6 juillet 2016, p. III (pdf) : 2016-07-06 LPE INONDATIONS.

© Marie LAPEIGNE, 6 juillet 2016, 17 h 20.