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Vœux de PEE pour 2020

Le Conseil d’orientation de Portes de l’Essonne Environnement
vous adresse ses meilleurs vœux pour l’année 2020.

RÉFÉRENCE
© Crédit photographique BM/CAD pour PEE, « Héron au parc de Savigny-sur-Orge Morsang-sur-Orge », 20 août 2019.

Portes de l’Essonne Environnement
 http://portes-essonne-environnement.fr
 Média numérique
 ISSN 2495-1161. Dépôt légal du numérique, BNF 2020

Quatre vœux pour 2020 : démocratie, environnement, égalités, intersectionnalité

Le média numérique Portes de l’Essonne Environnement (ISSN 2495-1161), publié sur le site http://portes-essonne-environnement.fr, est supporté par une structure associative et contributive, Porte de l’Essonne Environnement (PEE). Son Conseil d’orientation adresse ses remerciements à l’intention de tous ses lecteurs et de toutes ses lectrices qui suivent ses publications depuis la création du site en 2014.
En ce mois de janvier 2020, il leur adresse ses vœux les plus sincères.

Portes de l’Essonne Environnement

 

Dialogue global est le titre de la revue de l’Association internationale de Sociologie (International Sociological Association, ISA). « Dialogue global » constitue un impératif auquel tous les esprits progressistes ne peuvent que souscrire.

SOMMAIRE

  1. Les 4 voeux
  2. Document
  3. Exemples de conflits environnementaux et sociaux de demain
  4. Note sur l’intersectionnalité
  5. Légendes des illustrations de l’article
  6. Commentaires

I. LES 4 VOEUX

  • Une démocratie véritable
  • Un environnement enfin respecté
  • Un respect généralisé de l’égalité
  • Une dénonciation des effets des intersectionnalités (1)

Tels sont les quatre vœux que nous formulons pour cette nouvelle année 2020. Ce n’est pas un hasard s’ils concernent dans leur ensemble les quatre défis pour le XXIe siècle proposés par l’Association internationale de Sociologie qui organise en juillet 2020 à Porto Alegre son prochain congrès. Celui-ci se produit dans un contexte français, européen et mondial difficile, un monde rempli de dangers pour les générations qui habitent la Terre.


« Danger de mort ». Plaque de mise en garde de la SNCF taguée, 26 octobre 2019. © Photographie BM pour PEE.

 

Commentaire de l’illustration.
« Danger de mort » : les tags recouvrent la ville et cachent les interdictions.  Comment se fait-il que l’on ne rencontre jamais de panneaux  « Danger de vie » ? Peut-être parce que la vie, individuelle et collective, n’aime pas les interdictions. Pourtant les dangers se multiplient : réchauffement climatique, pesticides, perturbateurs endocriniens, discriminations, féminicides, diminution des retraites et des pouvoirs d’achat, absence de démocratie participative, discrédit des pouvoirs politiques… Et, dans dans une indifférence grandissante, venant d’au-delà des mers, des hommes, des femmes et des enfants continuent de franchir les frontières au péril de leur vie.


Il n’existe pas de gouvernance mondiale en mesure de résoudre les problèmes du monde.

« L’espoir d’une démocratie mondiale capable de s’attaquer aux trois problèmes mondiaux majeurs que sont le changement climatique, les migrations et les inégalités croissantes s’est aujourd’hui évanoui », tel est le constat réaliste que formule l’organe international représentatif des sociologues universitaires. Cela veut dire qu’aujourd’hui, l’analyse des pratiques politiques des différents États ne permet plus de croire qu’il existe une gouvernance mondiale en mesure de prendre en charge et de résoudre les problèmes du monde.

Le constat est alarmant. Il ne provient ni d’une analyse d’instances politiques, ni de celles de contre-pouvoirs partisans, mais d’une expertise scientifique indépendante développée par l’Association internationale de Sociologie (International Sociological Association, ISA). Ayant un statut d’ONG auprès de l’UNESCO, l’ISA regroupe 70 associations du monde entier et compte plus  8 000 sociologues universitaires appartenant à plus 72 pays. Ceux-ci ont choisi comme thème pour leur prochain congrès, en juillet 2020 à Porto Alegre (Brésil), de se pencher sur les quatre défis majeurs auxquels le monde est aujourd’hui confronté : la démocratie, l’environnement, l’immigration, l’intersectionnalité.

Leur analyse nous concerne pour une raison simple. Nous ne pouvons pas nous intéresser à un territoire (Portes de l’Essonne, Grand Orly Seine Bièvre, Métropole du Grand Paris) sans porter en même temps une attention particulière aux autres territoires qui nous entourent, et auxquels nous sommes confrontés. Le monde n’est pas seulement à notre porte : nous sommes le monde et le monde est en nous.

Tel est le message que nous adresse la communauté mondiale des sociologues. on lira ci-dessous en Document, leur message.


2. DOCUMENT

DÉMOCRATIE, ENVIRONNEMENT,
INÉGALITÉS, INTERSECTIONNALITÉ
Les quatre défis du XXIe siècle au programme du
Forum de l’Association internationale de Sociologie
de Porto Alegre (Brésil), du 14 au 18 juillet 2020

2000-2020 : vingt ans après le début du XXIe siècle, l’optimisme du millénaire s’est estompé et les défis auxquels nous sommes confrontés pour vivre ensemble sur une planète limitée sont encore plus urgents.

1. Démocratie
2. Environnement
3. Égalités
4. Intersectionnalités
5. Quels conflits environnementaux pour demain ?

1. DÉMOCRATIE

Alors que l’expansion et l’approfondissement de la démocratisation étaient tenus pour acquis au tournant du millénaire, la démocratie est en jeu dans un nombre croissant de pays, tandis que son élément clé constitué par la diversité et le respect égal pour tous les citoyens, est menacé.

L’espoir d’une démocratie mondiale qui soit capable de s’attaquer aux trois problèmes mondiaux majeurs s’est évanoui :

    • le changement climatique,
    • les migrations,
    • les inégalités croissantes.

Il est maintenant devenu clair que, pour faire face aux défis mondiaux, la démocratie doit être réinventée au sein et au-delà du système représentatif.

2. ENVIRONNEMENT

La crise environnementale et le changement climatique sont désormais une réalité préoccupante. Comment pouvons-nous vivre ensemble sur une planète limitée ? La terre et la nourriture sont redevenues des objets de lutte majeurs. Les conflits environnementaux et socio-territoriaux se sont multipliés contre les industries extractives. Quels sont les acteurs qui apportent des solutions innovantes pour faire prospérer nos sociétés à l’intérieur des frontières planétaires ? Comment la crise environnementale mondiale nous conduit-elle à la fois :

– à repenser notre monde ?
– à repenser les disciplines elles-mêmes qui étudient le monde, comme la sociologie et les sciences humaines et sociales ?

3. INÉGALITÉS

Les inégalités ont considérablement augmenté depuis le début du millénaire. Nous pouvons désormais compter vingt-six personnes qui possèdent plus de richesses que la moitié la plus pauvre de l’humanité. Ce niveau d’inégalité est une menace majeure pour la démocratie et l’écologie. Les inégalités affectent particulièrement les populations marginalisées et les femmes dans leur vie professionnelle, publique et privée.

4. INTERSECTIONNALITÉ

L’intersectionnalité est devenue un thème majeur dans les conférences de l’International Sociological Association (ISA) depuis 2000, au cours des vingt dernières années. Surmonter les discriminations économiques, raciales, coloniales et sexistes durables et interconnectées, et la violence qui les entretient, est un autre défi majeur de notre époque. La prise de conscience croissante de l’intersectionnalité est à la fois le résultat et le déclencheur de la montée des acteurs et des mouvements subalternes. Des communautés autochtones, des minorités, des féministes et des petites formes d’agriculture résistent à l’injustice en combinant pratiques, luttes sociales et visions du monde alternatives.

5. QUELS CONFLITS ENVIRONNEMENTAUX ET SOCIAUX POUR DEMAIN ?

Le Forum de l’Association internationale de Sociologie l’International Sociological Association (ISA), qui se réunit en juillet 2020 à Porto Alegre (Brésil), s’est donné pour tâche de fournir des analyses répondant à ces quatre défis mondiaux, en accordant une attention particulière à leurs interconnexions et aux solutions possibles.  Nous utiliserons ce forum pour demander comment la sociologie et les sciences sociales ont relevé ces quatre défis mondiaux et comment elles ont été transformées elles-mêmes par eux.
•   Quels sont les apports des acteurs et des épistémologies du Sud ?
•   Quelles sont les nouvelles tendances de la sociologie mondiale qui permettent des analyses innovantes répondant à ces défis ?
•   Quels sont les obstacles auxquels nous sommes confrontés pour résoudre ces problèmes ?
•   Comment affronter nos problèmes communs à l’ère de la mondialisation ?

De quelle manière les acteurs et les mouvements, tant progressistes que conservateurs, abordent-ils ces défis ? Dans quelles perspectives conflictuelles ?

Geoffrey PLEYERS
Vice-président de l’ISA chargé de la recherche

RÉFÉRENCES DU DOCUMENT

PLEYERS Geoffrey, « Les défis du XXIe siècle : démocratie, environnement, inégalités, intersectionnalité », IVe Forum ISA de sociologie, Porto Alegre, Brésil, 14-18 juillet 2020.
PLEYERS Geoffrey, « Challenges of the 21st Century : Democracy, Environment, Inequalities, Intersectionality », IV ISA Forum of Sociology, Porto Alegre, Brazil, July 14-18, 2020. https://www.isa-sociology.org/en/conferences/forum/porto-alegre-2020


3. EXEMPLES LOCAUX DE CONFLITS ENVIRONNEMENTAUX ET SOCIAUX DE DEMAIN

Au niveau local, les plans locaux d’urbanisme (PLU) décidés par les communes et les intercommunalités, qui autorisent par exemple la démolition de pavillons (dans le cas présent, des années de la fin du XIXe/début du XXe, et la disparition de leurs jardins et de leurs arbres) pour être remplacés par des immeubles avec leurs parkings, font partie d’un secteur de décisions qui échappent à ce jour à une réelle démocratie participative, maintenant à distance les habitants et les usagers actuels des territoires concernés. L’urbanisation croissante et la densification de l’habitat existant font partie des conflits environnementaux et sociaux de demain.

Annonce de démolition d’un pavillon devant être remplacé par un immeuble, rue Albert 1er / rue Chamberlin / avenue Carnot à Savigny-sur-Orge (Essonne). © Photographie BM pour PEE, 4 décembre 2019.

Commentaire de l’illustration.

Dans cet exemple, trois panneaux d’information de délivrance des permis de construire annoncent la construction d’un immeuble de 30 appartements (1 580 m2 construits). Il se situe dans un secteur subissant déjà de fortes contraintes urbanistiques et des bouchons de véhicules automobiles liés aux déplacements « pendulaires » (Une fois le matin, et une fois en fin de journée, du lundi au vendredi, durant les périodes scolaires), causés par les entrées et sorties des élèves de l’école du Sacré-Cœur, rue Chamberlin. Aucune municipalité n’a été en mesure à ce jour de les résoudre.
Un nouvel immeuble induit des nuisances permanentes. Les 30 appartements nouveaux amèneront environ 120 personnes et le stationnement permanent de 60 véhicules automobiles supplémentaires (2 véhicules par logement).
Il induit des nuisances intenses dans un temps limité. La période du chantier de construction – dont la durée et la conduite sont la plupart du temps insuffisamment maîtrisées – provoquera d’importantes nuisances du fait de la circulation d’innombrables véhicules pour les travaux.
Dans une ville, tout le monde cohabite avec tout le monde. La construction projetée aggravera de la situation, à la fois pendant les travaux, pour les riverains et pour les usagers, et de façon durable pour demain.

 

« Ici prochainement. La Villa Carnot ». Panneau d’annonce de construction d’un immeuble au carrefour rue Albert 1er / rue Chamberlin / avenue Carnot à Savigny-sur-Orge (Essonne), 30 décembre 2019 © Photographie BM pour PEE.

Commentaire de l’illustration

La délivrance des permis de construire par les communes est une pratique singulière qui est généralement conduite vis-à-vis des riverains et des usagers des villes par les élus et les administrations avec « une extrême  discrétion », voire dans une sorte de « secret défense »,  qui sont deux composantes de la « politique du fait accompli ». Pour quelles raisons profondes une municipalité délivre-t-elle, pour une même parcelle, un permis de démolir pour un pavillon existant (datant de la fin du XIXe/début du XXe siècle), et un permis de construire pour un immeuble ? Ces deux décisions doivent être interrogées : elles se situent, en cette année 2019, ou elles se produisent, dans un contexte de densification urbaine du quartier de la gare du RER de Savigny-sur-Orge. Elles résultent d’un effet paradoxal – c’est-à-dire incompréhensible – de la rénovation urbaine d’un autre quartier de la commune, le quartier de Grand-Vaux, où une rénovation urbaine en cours (ANRU), provoque la démolition de nombreux logements existants et à terme une baisse des logements sociaux de ce quartier : constructions de nouveaux logements d’un côté, démolition de logements sociaux existants d’un autre côté.

CONCLUSION

Une ville est un organisme vivant qui agrège de façon visible des milliers de vies individuelles complexes qui sont, pour leur majeure partie, invisibles les unes vis-à-vis des autres, chacune possédant un environnement et une histoire qui lui est propre. Une amélioration future hypothétique (AFH) peut-elle être compensée par une dégradation présente certaine (DPC) ? Rien n’est moins sûr. La perte de la qualité de vie offerte par des quartiers pavillonnaires (avec ses espaces non construits, ses arbres, sa faune et sa flore, sa qualité de l’air, son réchauffement climatique limité, son régime de retour des eaux pluviales vers les nappes phréatiques …) ne peut en aucun cas être compensée, pour ce même territoire, par celle offerte par des immeubles. La vie individuelle ignore les « compensations » imposées. Elles sont contraires à  l’écologie intégrale qui s’impose à nous.


4. NOTE SUR L’INTERSECTIONNALITÉ
La notion d’intersectionnalité est une notion relativement récente en sciences sociales. Elle nécessite d’être précisée.

L’intersectionnalité (intersectionality en anglais) est un concept utilisé en sociologie et en sciences sociales. Elle qualifie la situation de personnes qui subissent simultanément plusieurs formes de domination ou de discrimination dans une société. Le terme a été proposé en 1989 par l’américaine Kimberlé CRENSHAW (née en 1959), docteur en droit, avocate, professeur à l’Université de Californie, pour analyser les effets cumulés visant les femmes noires américaines : à savoir l’intersection du sexisme (être une femme) et du racisme (être noire).

Par exemple, en 2019, les critiques médiatiques adressées à Greta THUNBERG (née en 2003), militante contre le réchauffement climatique qui dénonce l’inaction des gouvernements, relèvent de l’intersectionnalité : elles visent à la fois son engagement écologiste, son appartenance au sexe féminin, sa jeunesse, voire sa nationalité suédoise ou sa personnalité.

L’intersectionnalité étudie les liens de domination et de discrimination (genre, race, classe sociale, orientation sexuelle, engagement politique…) qui se nouent. Elle analyse les rapports sociaux, à la fois au niveau macro-sociologique et au niveau micro-sociologique :

  • macro-sociologique, en analysant les systèmes de pouvoir expliquent le maintien des inégalités et leur développement,
  • micro-sociologique, en analysant la nature et les effets des systèmes d’inégalités complexes dans les trajectoires individuelles.

La recherche en matière d’intersectionnalité envisage différentes orientations comme l’approfondissement des notions de pouvoir, et la prise en compte des notions de capital (capital économique, de capital social, de capital naturel).

5. LÉGENDES DES ILLUSTRATIONS DE L’ARTICLE

  • Dialogue global est le titre de la revue de l’Association internationale de Sociologie (International Sociological Association, ISA). Il constitue un projet auquel tous les esprits progressistes ne peuvent que souscrire.
  • « Danger de mort ». Plaque de mise en garde de la SNCF taguée, 26 octobre 2019. © Photographie BM pour PEE.
  • Challenges of the 21st Century : Democracy, Environment, inequalities, Intersectionelity, IV ISA Forum of Sociology, July 14-18 2020, Porto Alegre, Brazil. © International Sociological Association/ISA.
  • Annonce de démolition d’un pavillon devant être remplacé par un immeuble, rue Albert 1er / rue Chamberlin / avenue Carnot à Savigny-sur-Orge (Essonne). © Photographie BM pour PEE, 4 décembre 2019.
  • « Ici prochainement. La Villa Carnot ». Panneau d’annonce de construction d’un immeuble au carrefour rue Albert 1er / rue Chamberlin / avenue Carnot à Savigny-sur-Orge (Essonne), 30 décembre 2019 © Photographie BM pour PEE.  

6. COMMENTAIRES

COMMENTAIRE du 3 janvier 2020
Un cinquième vœux : le décolonialisme

Dans votre article – très intéressant à plus d’un titre – vous soulevez un grave problème qui se pose chaque fois que l’on considère la façon dont les pouvoirs politiques modifient un environnement existant (naturel, urbain…) dans lequel des habitants vivent, en le démolissant purement et simplement pour le remplacer par un nouvel environnement (artificiel, densifié…).

Cette opération est effectuée par les autorités selon deux temporalités :

  • dans un contexte général (le Plan Local d’Urbanisme, le PLU, qu’il soit communal, intercommunal, métropolitain…),
  • dans un contexte particulier, concernant des décisions ponctuelles, avec souvent leurs lots « magnifiques et surprenantes dérogations » (hauteur des immeubles, dépassement des surfaces construites, manque de places de stationnement, voire autorisation de construction sur le domaine public lorsque par exemple des balcons privés le surplombent …).

Dans le cas des autorisations particulières, lorsque celles-ci portent sur un dossier précis (pour un permis de construire) celles-ci sont données :

  • avec une absence de transparence (rétention d’informations, confidentialité, secret…) entourant les décisions publiques d’attribution des permis de démolir, des permis de construire
  • avec un argumentaire fondé sur les seuls avantages que présente « ce qui est à venir » au détriment de « ce qui existe ». Les avantages sont toujours optimisés et les inconvénients sont, soit minimisés, soit tout simplement oubliés. Toute pensée autre est immédiatement réfutée et reléguée comme une position rétrograde. N’oublions pas que c’est par cette surdité et cet aveuglement que la France a détruit les haies de ses campagnes avec les graves conséquences sur la biodiversité des espèces végétales et animales, le régime des vents, l’aggravation des inondations…

Entre les élus municipaux, les élus intercommunaux, les fonctionnaires territoriaux, les propriétaires et les promoteurs, existe une « sympathique convivialité » fondée sur des intérêts communs : la construction d’un immeuble à la place d’un pavillon génère de nouveaux impôts fonciers, donc des recettes pour les collectivités. Elle génère aussi des dépenses, mais on n’en parle jamais.

Résumons :

  • D’un coté, ceux qui décident : les pouvoirs, les administrations, les maires, les promoteurs, les urbanistes…
  • De l’autre côté, ceux qui subissent leurs décisions : les riverains, les habitants, les usagers des territoires…

On s’aperçoit tout de suite qu’il y a une dépossession territoriale de ceux qui vivent la ville dans la mesure où, à aucun moment, les décisions de modification de l’environnement ne font l’objet d’une réelle démocratie participative de nature à ouvrir un espace permettant de formuler des consensus collectifs explicites.

« Le sol cède sous les pieds »

Cette situation est bien décrite par Bruno LATOUR qui écrit :

« L’impression de vertige, presque de panique, qui traverse toute la politique contemporaine, vient de ce que le sol cède sous les pieds de tout le monde à la fois, comme si on se sentait attaqué partout dans ses habitudes et dans ses biens. » (p. 17) Il précise : « C’est une question d’attachement, de mode de vie que l’on est en train de nous arracher, de sol, de propriété qui cèdent sous nos pas. » (p.18)

Le constat qu’il fait est simple :

« Personne n’est plus chez soi. Tout et ouvert. Il faudra vivre dehors, sans aucune protection, balloté par tous les vents, mélangé à tout le monde, se battre pour tout, ne plus avoir aucune garantie, se déplacer sans cesse, perde toute identité, tout confort. » (p. 20). Il lance cette interrogation : « Qui peut vivre ainsi ? »

Son analyse est que nous sommes en présence d’une nouvelle universalité. Lorsqu’il dit « sentir que le sol est en train de céder. » (p. 19), il ne s’agit pas d’une métaphore, d’un retour dialectique – ce que les médias seraient tentés de qualifier de « retour de manivelle » (Mais qui sait aujourd’hui ce que c’est ?) et qui pourrait s’énoncer en ces termes : le pouvoir qui dépossède est à son tour, dépossédé.

« Vous avez perdu votre territoire ? Nous vous l’avons pris. Apprenez que nous sommes en train de le perdre à notre tour… » (p. 17)

Autrement dit : Nous sommes des voleurs, mais nous sommes nous-mêmes, à notre tour, victimes de voleurs : ce sont les autres qui sont des voleurs ! Ainsi tentent cyniquement de se justifier ceux qui portent atteinte à la biodiversité et qui commettent les effets pernicieux sur le réchauffement climatique qui en découlent.

La désobéissance civile

Alors, comment penser la situation présente ? Et que faire ? Pour résister à cette colonisation, il existe une condition qui doit être remplie préalablement : celle de l’exercice d’une désobéissance épistémique, c’est-à-dire d’un abandon de l’obéissance de pensée. Rien de compliqué. Rappelons-nous l’idée novatrice de désobéissance civile, la Civil Disobedience défendue par l’américain Henry THOREAU (1817-1962). Il la définissait en 1849 comme « le refus assumé et public de se soumettre à une loi, à un règlement, à une organisation ou à un pouvoir jugé inique par ceux qui les subissent ». Alors que la désobéissance classique oppose deux formes de violence, la désobéissance civile est un refus non violent de participer aux mesures prises par un pouvoir illégitime.

La résistance à des lois injustes a existé dans le droit romain : c’est la jus resistendi, le droit à la résistance que LA BOÉTIE a repris au XVIe siècle dans le Discours de la servitude volontaire : le pouvoir d’un État repose entièrement sur la coopération de la population. Ainsi, dès l’instant où la population refuse d’obéir, l’État n’a plus de pouvoir.

A l’évidence nous sommes dans une logique marquée par le colonialisme. La réponse à lui apporter est celle du décolonialisme.

Le décolonialisme est donc le 5e vœu.

Et merci encore pour l’article et le document qui sont très intéressants.

LATOUR Bruno, Où atterrir ? Comment s’orienter en politique ? La Découverte, 2017, 156 p.

MAESSCHLCK Marc, « La désobéissance épistémique comme « contre-poétique » décoloniale » in MIGNOLO Walter D, La désobéissance épistémique. Rhétorique de la modernité, logique de la colonialité et grammaire de la décolonialité, PIE Peter Lang, 2015.


© Sylvie MONNIOTTE-MÉRIGOT et Bernard MÉRIGOT, le Conseil d’orientation de PEE. Article mis en ligne le 1er janvier 2020.

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Voeux 2018. Dans un monde globalisé, l’espoir d’un monde meilleur doit demeurer (Markus S. Schulz)

Le média numérique Portes de l’Essonne Environnement (ISSN 2495-1161), publié sur le site http://portes-essonne-environnement.fr, est supporté par une structure associative et contributive, Porte de l’Essonne Environnement (PEE). Son Conseil d’orientation adresse ses remerciements à l’intention de tous ses lecteurs et de toutes ses lectrices qui suivent ses publications depuis la création du site en 2014. En ce mois de janvier 2018, il leur adresse ses voeux les plus sincères.


Quels sont les avenirs que nous voulons pour 2018 et pour les années suivantes ?

Nous ne nous satisfaisons pas de la contrainte exercée par l’actualité qui impose l’immédiateté au détriment des réflexions de fond. Pas plus que nous ne nous satisfaisons des réseaux sociaux qui créent une société dont le quotidien consiste – en boucle – à commenter des commentaires, et à s’indigner de toute pensée dès qu’elle s’écarte de l’opinion dominante.

Quant-à ce qui est qualifié communément par le terme de « débat », il s’agit le plus souvent, non pas d’une pesée véritable de faits et d’arguments (Je suis pour / Je suis contre), mais d’une réfutation d’opinions finalement banales (C’est vrai ? / C’est faux ?), sans aucun recours à des idées provenant de recherches, pertinentes et novatrices provenant de l’extérieur.

Nous pensons à d’autres avenirs. Pour en dessiner les contours nous nous inspirerons ici des travaux du sociologue américain Markus S. SCHULZ, vice président de l’Association internationale de Sociologie. Ils sont intéressants parce qu’ils proviennent de la communauté universitaire des sociologues du monde entier à qui portent un regard :

  • sur l’état et sur l’évolution de nos sociétés,
  • sur l’état de la recherche universitaire portant sur nos sociétés.

Nous en avons besoin, parce que ces regards diffèrent de nos propres idées.

La réflexion de Markus S. SCHULZ, construite à partir des études menées par les sociologues concernant The Futures We Want, part le rappel que nous vivons dans un monde globalisé. Et que celui-ci possède, à partir des enquêtes menées, trois caractéristiques

  • des injustices persistantes,
  • des conflits endémiques,
  • une destruction de l’environnement naturel.

On ne peut en aucun cas se satisfaire du monde mondialisé présent dans lequel nous vivons. Il faut le faire évoluer dans les faits, par des actes. A nous de le faire également évoluer par nos idées, par nos recherches, par nos enquêtes, celles qui construisent une intelligence des territoires.

Toutes les feuilles doivent-elles toujours partir d'un centre commun en rayonnant autour ?. D'autres conception d'organisation existent. © Photographie CAD/BM pour PEE, 2017

Doit-on prendre toujours, comme unique modèle, celui des feuilles qui partent toutes d’un centre commun en rayonnant autour ? Où bien doit-on prendre en compte un autre type d’organisation comme celui du rhizome ? © Photographie CAD/BM pour PEE, 2017.

DANS UN MONDE GLOBALISÉ…

« Dans un monde globalisé marqué par les injustices persistantes, les conflits endémiques, et la destruction de l’environnement. Pourtant persiste l’espoir d’un monde meilleur. (…)

L’augmentation des incertitudes exige d’innover tant sur les plans méthodique, théorique, pratique.(…)

Partout dans le monde, des mouvements de protestation s’élèvent contre les inégalités, l’oppression et la destruction des ressources naturelles. Ils affirment qu’un autre monde, est possible.(…)

L’avenir n’apparaît plus comme prédéterminé par des évolutions inéluctables mais comme le résultat incertain de dynamiques complexes, multiscalaires, et à l’origine de controverses dont l’intensité est variable. (…)

Les acteurs sociaux poursuivent, souhaitent, envisagent, anticipent, craignent, imaginent, prévoient, projettent, rejettent, défendent et combattent pour des avenirs possibles. » (1)

Markus S. SCHULZ

RÉFÉRENCES

1. SCHULZ Markus S., « The Futures We Want. Global Sociology and the Struggles for a Better World », 3e ISA Forum of Sociology, July 10-14, 2016, Vienna (Austria).

SCHULZ Markus S., « La crise et la politique des avenirs » in CONSTANTOPOULOU Christiane, Les récits de la crise. Mythes et réalité de la société contemporaine, Paris, L’Harmattan, 2017.

Markus S. SCHULZ est  professeur de sociologie. Il a enseigné à l’université de New York, et à l’université de l’Illinois. Il a effectué un séjour à la Maison des sciences de l’Homme (MSH) à Paris en 2017.
Il est vice-président de l’Association internationale de Sociologie (International Sociological Association / ISA). Cette association sans but lucratif a pour objet de représenter les sociologues du monde entier, sans considération de leurs approches disciplinaires ou leurs idéologies. Elle vise à faciliter la recherche sociologique et à en augmenter sa visibilité internationale. Créée sous les auspice de l’UNESCO en 1949, elle est membre du Conseil international des Sciences sociales, et possède un statut d’organisation non gouvernementale (ONG) auprès du Conseil économique et social des Nations Unies.

© Sylvie MONNIOTTE-MÉRIGOT pour le conseil d’orientation de PEE, 17 janvier 2018, 16 heures.

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