Archives de catégorie : Ressources éducatives

Histoire. L’historien et les mémoires de la Seconde Guerre mondiale (Terminale S. Thème 1. Chapitre 1)

En 1945, la France sort meurtrie de cinq années de guerre. La défaite de juin 1940, l’occupation allemande, la collaboration du régime de Vichy ont traumatisé les Français qui, avec la Libération, aspirent à se reconstruire dans l’unité nationale. Pour ce faire, les autorités, sous la direction du Gouvernement provisoire de la République française (GPRF), referment la « parenthèse vichyste » : elles imposent l’image officielle d’une France unanimement résistante. Le mythe résistancialiste est né, plongeant ainsi dans l’oubli de multiples mémoires individuelles, plurielles, collectives qui resurgiront au cours de la Guerre froide pour éclater au grand jour ensuite. Le résistancialisme est alors critiqué. Différents groupes mémoriels s’attachent à défendre leur vision de la période. Quant aux historiens, relégués un temps au service de la mémoire officielle, ils se réapproprient leur rôle, leur fonction, celui d’être au service de la vérité historique en mettant en lumière « les processus de construction » de toutes les mémoires.

BLOCH Marc, Apologie pour l’histoire ou métier d’historien, Armand Colin, Prisme, 7e édition, 1982, 168 p. (couverture). L’historien Marc BLOCH est le cofondateur avec Lucien FEBVRE de la revue les Annales d’histoire économique et sociale en 1929. Il rédige le brouillon de son Apologie au début des années 1940. Membre de la Résistance, il est arrêté par la Gestapo et exécuté le 16 juin 1944. Son ouvrage sera publié en 1949.


Problématique

Comment l’historien parvient-il à apprivoiser les mémoires de la Seconde Guerre mondiale en France afin d’en écrire une Histoire apaisée ?


Sommaire

I. La mémoire résistancialiste au lendemain de la Seconde Guerre mondiale (1944-1970)

A. Une France traumatisée et divisée en 1945

B. La mémoire résistancialiste (1944-1947)

1/ La France unanimement résistante : une lecture officielle
2/ La réconciliation entre les Français
3/ La « mémoire repliée » d’une partie des Français, les soldats

C. La mémoire gaullienne, une mémoire d’État officielle (1948-1969)

1/ Une « mémoire désunie »
2/ Le « grand silence » sur le génocide, les « mémoires oubliées »
3/ Les lieux de mémoire officiels

II. L’évolution des mémoires de la Seconde Guerre mondiale (1970 à nos jours)

A. Le tournant des années 1970 et la « révolution paxtonienne »

1/ Maintien de la lecture gaulliste du conflit, mais…
2/ … les mentalités changent, le mythe résistancialiste chancèle
3/ Une nouvelle lecture de la collaboration vichyssoise

B. La mémoire juive sort de l’oubli

1/ Constituer une « mémoire communautaire » pour ne pas oublier
2/ Le procès de la « banalité du mal » fait se libérer les paroles
3/ Le négationnisme et le révisionnisme
4/ Le devoir de mémoire.
5/ Justice et mémoire

C. A partir de 1995, les Français font enfin face à leur passé

1/ Vers la reconnaissance de la responsabilité de la France
2/ Les lieux de « mémoire de la Shoah »
3/ La mémoire instrumentalisé par les politiques ou l’hypermnésie

III. Entre Histoire et mémoires, l’historien

A. La tâche de l’historien

1/ La mémoire, les mémoires, le devoir de mémoire
2/ L’Histoire, une science humaine

B. De l’utilité de l’intervention des historiens dans les débats publics ?

C. Les historiens contestent les lois mémorielles


Conclusion

Pour conclure ce chapitre sur l’historien et les mémoires de la Seconde Guerre mondiale, il est intéressant de citer ici le philosophe Paul RICŒUR : « Sous l’histoire, ma mémoire et l’oubli. Sous la mémoire et l’oubli, la vie. Mais écrire la vie est une autre histoire. Inachèvement » (La mémoire, l’histoire, l’oubli). L’étude des relations entre les historiens et les mémoires de la Seconde Guerre mondiale en France reflète l’évolution des questionnements historiques au gré de l’accessibilité des archives, des renouvellements de la discipline historique, mais aussi l’évolution de notre société.

Le sujet des mémoires de la Seconde Guerre mondiale est encore sensible, probablement du fait que bien des acteurs de cette époque sont encore vivants. C’est une mémoire douloureuse pour bon nombre de Français qui est passée d’un stade hégémonique (résistancialiste) au lendemain de la guerre à une dimension plurielle (toutes les mémoires reconnues) au cours des années 1970-1980 pour se donner un seul sens dans les années 1990 (le devoir de mémoire). Subsistent cependant encore des mémoires à questionner, à travailler, des histoires à dévoiler afin de terminer l’écriture apaisée de l’histoire de tous les acteurs de la Seconde Guerre mondiale, pour un moment, jusqu’à la découverte de nouvelles archives… Le temps est venu d’une approche historique non mémorielle, plus équilibrée, plus apaisée, qui n’omette rien dans son récit. Aujourd’hui, pour l’historien, l’objectif est de se dégager du jeu des pouvoirs politiques, des groupes d’intérêt, des discours médiatiques et du « régime d’historicité » (François HARTOG) qui, comme l’hypermnésie, agissent sur la construction des mémoires en produisant des ouvrages grand public. Ces derniers relèvent rarement de l’histoire, mais le plus souvent d’une nouvelle sorte de mémoire.

La nécessité du devoir de mémoire tant dans sa globalité que dans ses particularités ne fait plus aucun doute. Ce devoir n’est pas achevé. Les dirigeants politiques ne cessent de se réclamer des résistants et de leur combat. N’a-t-on pas vu en avril 2017 le candidat aux présidentielles Emmanuel MACRON visiter le site d’Oradour-sur-Glane ? Plus largement, en lien avec les mémoires de la guerre d’Algérie, n’a-t-il pas offusqué les Pieds-noirs en comparant les conditions de la colonisation française à « un crime contre l’humanité » lors de son déplacement à Alger en novembre 2016 ? N’a-t-il pas alors évoqué son souhait de « réconcilier les mémoires » et « non les opposer » dans une interview au webmedia Huffingtonpost.fr le 23 mars 2017 ? On peut ainsi légitimement se poser la question de la relation des mémoires des conflits de la deuxième moitié du XXe siècle, comme celui de la guerre d’Indochine. Pour ce faire, il serait judicieux de préférer le devoir d’histoire plutôt que le devoir de mémoire, le devoir d’histoire étant le fait d’étudier le passé sous l’angle de la raison et non de l’émotion. Cette tâche incombe aux historiens.


Cours dispensé au lycée Saint-Charles d’Athis-Mons

Synthèse de 15 pages en pdf : prochainement en ligne


Références – sources

1. Ce chapitre ouvrant le programme d’histoire de la classe de terminale a été élaboré à partir de nombreuses sources bibliographiques publiées et consultables en bibliothèques-médiathèques ou sur Internet. Citons également pour la partie « cours » : 1/ le séminaire de Robert Bonnaud, « Histoire du temps présent : le monde au XXe siècle », université Paris VII-Jussieu ; 2/ les cours de Sylvie Monniotte du lycée Saint-Jean (Lectoure) et du lycée Saint-Charles (Athis-Mons), de Florian Nicolas du lycée Pierre-Bourdieu (Fronton), de Jacques El Alami du lycée d’Adultes (Paris), de M. Sizaret du lycée Léonard-de-Vinci (Saint-Witz), M. Buchoux, Mmes Trédez et Vitte du lycée Jean-Baptiste-Corot (Savigny-sur-Orge) ; 3/ les manuels scolaires d’histoire, niveau terminale, sous la direction de Adoumié V. et P. Zachary (Hachette), Bourel G. et Chevallier M. (Hatier), Le Quintrec G. (Nathan).
2. En plus de ouvrages cités dans le corps de texte : BÉDARIDA François (sous la direction de), L’Histoire et le métier d’historien en France, 1945-1995, Édition de la Maison des sciences de l’homme, 1995 ; BLOCH Marc, Apologie pour l’histoire ou métier d’historien, Armand Colin, 7e édition, 1982 ; NORA Pierre (sous la direction de), Les lieux de mémoire, Gallimard, 7 volumes, 1984, 1986, 1992 ; ROUSSO Henry, La hantise du passé, Les éditions Textuel, 1998 ; RICŒUR Paul, La mémoire, l’histoire, l’oubli, Le Seuil, 2000 ; WIEVORKA Olivier, « Sous l’Occupation, tous résistants ? », Sciences humaines, n° 295, août-septembre 2017, pp. 56-57.

© Mise en ligne pour la rédaction de PEE : Sylvie MONNIOTTE-MÉRIGOT, 2 septembre 2017, 18 heures. Mise à jour le 23 août 2019, 18 heures.

ISSN 2495-1161. Dépôt légal du numérique, BNF 2019.
http://portes-essonne-environnement.fr

Histoire. Croissance et mondialisation depuis 1850 (1re ES. Thème 1. Chapitre 1)

A partir de la moitié du XIXe siècle, l’Europe occidentale connaît un changement économique dont l’ampleur peut être comparée à l’invention de l’agriculture au néolithique : la Révolution industrielle. On assiste au passage d’une économie agraire et artisanale à une économie dominée par l’industrie et la machine. La croissance économique s’accélère fortement du fait de l’essor de l’industrie dans le cadre d’économies libérales. Le continent européen se couvre d’usines et de voies ferrées. De nouvelles sources d’énergie font leur apparition. Les évolutions technologiques conduisent au développement des échanges à travers le monde. Dès la fin du XIXe, l’industrialisation se diffuse progressivement en Russie, en Amérique du Nord, au Japon, en Australie. Entre 1850 et aujourd’hui, le monde connaît une croissance économique dont l’intensité varie au cours du temps en fonction de différents facteurs et touche de façon inégale les différentes régions du monde. (1)

Parallèlement, le phénomène de mondialisation entame une nouvelle phase. La nation qui maîtrise le mieux Les nouvelles technologies à un instant « t » se trouve à la tête de l’économie mondiale et organise celle-ci. Le marché devient mondial. Trois « économies-monde » se manifestent alors successivement depuis 1850. (2) Au XIXe siècle, l’Angleterre s’impose comme la première économie-monde grâce à la première industrialisation. Au XXe siècle, les États-Unis dominent. Enfin, en ce début du XXIe siècle, de nombreuses puissances se partagent la gouvernance de l’économie mondiale : on est en présence d’une économie multipolaire.

Brasserie de Savigny-sur-Orge, société anonyme au capital de 275 000 francs, fondée en 1893. Obligation de cinq cents francs au porteur n° 306, 31 janvier 1895 (archives privées SMM).


Problématique

Quelles sont les différentes phases de la croissance économique mondiale depuis 1850 ? Quelles puissances dominent l’économie mondiale depuis 1850 ?
Comment la croissance économique a-t-elle alimenté le processus de mondialisation depuis le milieu du XIXe siècle ?


Sommaire

I. La croissance économique et ses différentes phases depuis 1850

A. Trois grandes phases de croissance

1/ La première industrialisation (années 1780-1880) : la mécanisation de l’industrie
2/ La seconde industrialisation (années 1880-1945) : la révolution du pétrole et de l’électricité
3/ La troisième industrialisation (depuis les années 1945) : la « révolution tertiaire »

B. Les vecteurs de croissance économique et les acteurs

C. Une croissance économique très irrégulière et très inégale

1/ Jusqu’aux années 1920
2/ Durant l’entre-deux-guerres
3/ Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale

II. Les trois « économies-monde » successives

A. Une « économie-monde » britannique (de 1850 à 1914)

B. Une « économie-monde » américaine (de 1914 à 1990)

C. Une « économie-monde » multipolaire (depuis 1914)


Conclusion

De 1850 à nos jours, trois phases de croissance économique se sont enchaînées : elles correspondent à peu près aux trois phases d’industrialisation nées grâce à des sources d’énergie et à des secteurs d’activités spécifiques. Mais cette croissance, bien qu’alimentée par de multiples moteurs et acteurs, est très irrégulière dans le temps et très inégale dans l’espace. La croissance économique a donné naissance à trois économies-monde qui se sont, elles aussi, succédé depuis 1850 : britannique, états-unienne puis multipolaire. Les trois économies-monde correspondent plus ou moins aux trois phases de la croissance économique. Depuis plusieurs décennies, de nombreuses nations du Sud ont enclenché une dynamique de développement. La mondialisation actuelle est en quelque sorte fille de la croissance économique.

Le mode de développement capitaliste a toutefois atteint ses limites. Les activités humaines ont ravagé les milieux naturels. Elles ont provoqué un réchauffement du climat. La seule et unique planète Terre ne suffit plus à faire vivre les 7,4 milliards d’êtres humains. Ainsi, le 1er août 2018, selon le Global Footprint Network (ONG canadienne), l’humanité a consommé l’ensemble des ressources que la planète peut renouveler en une année : c’est le Jour du dépassement de la Terre (Earth overshoot day). Il arrive de plus en plus tôt dans l’année. Il devient urgent de promouvoir le développement durable pour couvrir les besoins élémentaires de tous les humains et préserver les droits des générations futures.


Cours dispensé au lycée Saint-Charles d’Athis-Mons en septembre 2018

Synthèse (pdf de 8 pages) : H1ES T1 CH1 CROISSANCE 1850 SYNTHESE v2018


Références – sources
1. Ce chapitre ouvrant le programme d’histoire de la classe de première a été élaboré à partir de nombreuses sources bibliographiques publiées et consultables en bibliothèques-médiathèques ou sur Internet. Citons notamment pour la partie « cours » : 1/ les séminaires de John Day, « Histoire économique de l’Europe du XIIIe au XVIIIe siècle », de Fabienne Bock, « État, pouvoir, exercice du pouvoir au XIXe siècle », de Robert Bonnaud, « Histoire du temps présent : le monde au XXe siècle », université Paris VII-Jussieu ; 2/ les cours de Sylvie Monniotte du lycée Saint-Jean (Lectoure) et du lycée Saint-Charles (Athis-Mons), de Florian Nicolas du lycée Pierre-Bourdieu (Fronton), de Jacques El Alami du lycée d’Adultes (Paris), de M. Sizaret du lycée Léonard-de-Vinci (Saint-Witz), M. Buchoux, Mmes Trédez et Vitte du lycée Jean-Baptiste-Corot (Savigny-sur-Orge) ; 3/ les manuels scolaires d’histoire, niveau première, sous la direction de F. Lebrun et V. Zanghelli (Belin), R Benichi et J. Mathiex (Hachette), F. Besset, M. Navarro et R. Spina (Hachette), M. Chevaliier et X. Lapray (Hatier), P. Wagret (Istra), A. Ployé (Magnard), S. Cote (Nathan).
2. BRAUDEL Fernand, La Méditerranée et le Monde méditerranéen à l’époque de Philippe II, Paris, Armand Colin, 1949, 1160 p.
BRAUDEL Fernand, Civilisation matérielle, économie et capitalisme, XVe-XVIIIe siècle, vol. 3, Le Temps du monde, Armand Colin, Paris, 1979. 908 p.
FOURQUET François, « Villes et économies-mondes selon Fernand Braudel », Les Annales de la recherche urbaine, n° 38, 1988 : « Villes et États », pp. 13-22 : http://www.persee.fr/doc/aru_0180-930x_1988_num_38_1_1362.

© Mise en ligne pour la rédaction de PEE : Sylvie MONNIOTTE-MÉRIGOT, 1er septembre 2017, 18 heures. Mise à jour le 21 septembre 2018, 18 heures.

ISSN 2495-1161. Dépôt légal du numérique, BNF 2018.
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Transition énergétique. Les inégalités territoriales de l’énergie éolienne en France

L’implantation de parcs d’éoliennes s’inscrit à la fois dans une politique et dans une réalité qui chacune est double :

  • une politique nationale et internationale d’indépendance énergétique,
  • et une politique locale d’acceptabilité des nuisances,
  • une réalité qui est visible dans le paysage,
  • et une réalité économique (fabrication, installation, maintenance) qui détermine des emplois locaux.

Tous les territoires français ne sont pas égaux face aux ressources du vent, ni en capacité à développer de telles activités. Il y a ceux qui voudraient bien et qui ne peuvent pas. Et ceux qui pourraient et sont réservés ou divisés à l’égard de la construction de parcs éoliens.

Deux questions sont liées :

  • Où l’éolien ne peut-il pas s’implanter en France ?
  • Où peut-il s’implanter ?
  • Où est-il implanté ?
  • Où va-t-il s’implanter demain ?

Parc éolien de Bouin (Vendée). © Photographie Bernard Mérigot/CAD pour PEE, 2017.

Il convient d’apporter deux précisions.

La transition énergétique a pour but de préparer l’après-pétrole en instaurant un modèle énergétique durable qui soit en mesure :

  • de palier l’épuisement des ressources,
  • de répondre aux impératifs de la protection de l’environnement,
  • de faire face à l’approvisionnement en énergie,
  • d’assurer une maîtrise de l’évolution des prix de l’énergie.

La loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte vise à permettre à la France :

  • de lutter contre le dérèglement climatique,
  • de renforcer son indépendance énergétique,
  • d’équilibrer ses différentes sources d’approvisionnement.

Implantation des éoliennes en France en 2015. (Carte 1)

La filière de l’éolien terrestre française se plaçait fin 2016 au 4e rang européen et au 7e rang mondial pour la puissance installée. La puissance du parc éolien français atteint 12 GigaWatts et représente 4,1 % de la consommation électrique française.

Elle génère aujourd’hui près de 15 000 emplois en France. Ces emplois sont liés principalement aux activités de développement, de fabrication, d’installation sur site, de maintenance et d’exploitation.

Implantation des éoliennes en France par département. (Carte 2)

Zones favorables à l’implantation d’éoliennes en France. (Carte 3)

Le contexte d’évolution de la puissance installée est le suivant :

  • 2011 : 5 000 MW
  • 2016 : 12 500 MW
  • 2021 : 20 000 MW

Les implantations créent une tension territoriale évidente. Il semble difficile  d’envisager une progression plus forte.

Évolution du parc éolien en France 2009-2023 (Carte 4)

RÉFÉRENCES

Ministère de la Transition écologique et solidaire, Commissariat général du développement durable, Vers une vision prospective des enjeux de l’éolien en France, juillet 2017. ISSN 2552-2272
https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/sites/default/files/Thema_Vision_Metiers_Eolien_Terrestre.pdf

CARTES

1. Implantations d’éoliennes en France en 2015. « Carte des entreprises Windustry France (2015) » in Ministère de la Transition écologique et solidaire, Commissariat général du développement durable, Vers une vision prospective des enjeux de l’éolien en France, juillet 2017, p. 12. ISSN 2552-2272
https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/sites/default/files/Thema_Vision_Metiers_Eolien_Terrestre.pdf

2. Implantation des éoliennes en France par département. « Puissance éolienne totale raccordée par département en 2017 », Source : SDES d’après ENEDIS, RTE, EDF-SEI, CRE et les principales ELD, in Ministère de la Transition écologique et solidaire, Commissariat général du développement durable, Vers une vision prospective des enjeux de l’éolien en France, juillet 2017, p. 16. ISSN 2552-2272
https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/sites/default/files/Thema_Vision_Metiers_Eolien_Terrestre.pdf

3. Zones favorables à l’implantation d’éoliennes en France. http://tpeeoliennefoucauld20092010.wifeo.com/2-conditions-dimplantation-des-eoliennes.php

4. Évolution du parc éolien en France 2009-2023 in Ministère de la Transition écologique et solidaire, Commissariat général du développement durable, Versune vision prospective des enjeux de l’éolien en France, juillet 2017, p. 12. ISSN 2552-2272
https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/sites/default/files/Thema_Vision_Metiers_Eolien_Terrestre.pdf

© Bernard MÉRIGOT, 22 août 2017, 10 h 45.

ISSN 2495-1161. Dépôt légal du numérique, BNF 2017.
http://portes-essonne-environnement.fr

Les 17 objectifs mondiaux du développement durable 2015. Où en est-on deux ans après ?

Les 17 objectifs mondiaux du développement durable (en anglais Sustainable Development Goals) adoptés le 2 août 2015, ont été approuvés le 25 septembre 2015 par 193 pays pour la période 2015-2030. Portés par l’Organisation des Nations unies (ONU), ils ont pour but le développement international.

Le dispositif actuel comprend :

  • 17 objectifs,
  • 169 cibles,
  • 244 indicateurs.

Où en sommes-nous deux ans après ?

« La Planète des singes Suprématie » dans le métro de Paris. (1) Ligne n° 5 Place d’Italie-Bobigny-Pablo Picasso, station Gare d’Austerlitz. © Photographie BM/CAD pour PEE, 28 juillet 2017.


Les 17 objectifs mondiaux du développement durable

  • 1. PAUVRETÉ. Éliminer la pauvreté sous toutes ses formes et partout dans le monde.
  • 2. FAIM. Éliminer la faim, assurer la sécurité alimentaire, améliorer la nutrition et promouvoir l’agriculture durable.
  • 3. SANTÉ. Permettre à tous de vivre en bonne santé et promouvoir le bien-être de tous à tout âge.
  • 4. ÉDUCATION. Assurer à tous une éducation équitable, inclusive et de qualité et des possibilités d’apprentissage tout au long de la vie.
  • 5. GENRES. Égalité des genres : parvenir à l’égalité des sexes et autonomiser toutes les femmes et les filles.
  • 6. EAU. Garantir l’accès de tous à des services d’alimentation en eau et d’assainissement gérés de façon durable.
  • 7. ÉNERGIE. Garantir l’accès de tous à des services énergétiques fiables, durables et modernes, à un coût abordable.
  • 8. EMPLOI. Promouvoir une croissance économique soutenue, partagée et durable, le plein emploi productif et un travail décent pour tous.
  • 9. INNOVATION. Bâtir une infrastructure résiliente, promouvoir une industrialisation durable qui profite à tous et encourager l’innovation.
  • 10. INÉGALITÉS. Réduire les inégalités dans les pays et d’un pays à l’autre.
  • 11. VILLES. Faire en sorte que les villes et les établissements humains soient ouverts à tous, sûrs, résilients et durables.
  • 12. CONSOMMATION. Établir des modes de consommation et de production durables.
  • 13. CLIMAT. Prendre d’urgence des mesures pour lutter contre les changements climatiques et leurs répercussions.
  • 14. OCÉANS. Conserver et exploiter de manière durable les océans, les mers et les ressources marines aux fins du développement durable.
  • 15. ÉCOSYSTÈMES ET BIODIVERSITÉ. Préserver et restaurer les écosystèmes terrestres, en veillant à les exploiter de façon durable, gérer durablement les forêts, lutter contre la désertification, enrayer et inverser le processus de dégradation des terres et mettre fin à l’appauvrissement de la biodiversité.
  • 16. PAIX. Promouvoir l’avènement de sociétés pacifiques et inclusives aux fins du développement durable, assurer l’accès de tous à la justice et mettre en place, à tous les niveaux, des institutions efficaces, responsables et ouvertes à tous.
  • 17. PARTENARIAT MONDIAL. Renforcer les moyens de mettre en œuvre le Partenariat mondial pour le développement durable et le revitaliser. 

Les 169 cibles

L’Assemblée générale de l’ONU en adoptant l’Agenda 2030 instaurant les 17 objectifs de développement durable (ODD) a élaboré une liste de 169 cibles pour la période 2015-2030. Trois buts essentiels sont poursuivis :

  • lutter contre les inégalités, l’exclusion et les injustices ;
  • faire face au défi climatique ;
  • mettre fin à l’extrême pauvreté.

Les 244 indicateurs

En mars 2017, la commission statistique des Nations Unies a validé une liste de 244 indicateurs relatifs aux 17 objectifs et aux 169 cibles de développement durable à l’horizon 2030. Cette liste, destinée au suivi mondial des ODD, doit être révisée en 2020 et 2025 pour tenir compte des développements méthodologiques et des capacités de chacun des pays à produire ces données. Chaque année, le Secrétaire général de l’ONU établira un rapport annuel de suivi et d’examen des ODD au niveau mondial. Les États sont également invités à réaliser des rapports nationaux qui doivent s’appuyer sur leurs propres indicateurs nationaux de suivi.


Quelles avancées significatives ces deux dernières années pour inverser les évolutions funestes du monde ?

L’opinion publique a le sentiment, qu’à quelques exceptions près, l’ensemble des élus et des administrations se désintéressent au quotidien de l’exécution par la France de ses engagements internationaux. Des engagements qui ne sont pas seulement pour la France mais aussi pour le monde. On serait tenté de citer Blaise PASCAL lorsqu’il écrivait ce qu’il décrivait comme l’ « empêchement de la pensée ».

« Les hommes n’ayant pu guérir la mort, la misère, l’ignorance, ils se sont avisés, pour se rendre heureux, de n’y point penser. Nonobstant ces misères, il veut être heureux, et ne veut être qu’heureux, et ne peut ne vouloir pas l’être. Mais comment s’y prendra t il ? Il faudrait, pour bien faire, qu’il se rendît immortel. Mais ne le pouvant, il s’est avisé de s’empêcher d’y penser. » (2)


La difficile évaluation de l’exécution des engagements

En France, le ministère de la Transition écologique et solidaire (MTES) et le Ministère de l’Europe et des affaires étrangères (MEAE) coordonnent et accompagnent la mise en place des ODD.

Au niveau national, le Commissariat général au développement durable (CGDD) publie un rapport annuel sur les ODD. L’INSEE effectue un recensement auprès des producteurs de statistiques publiques afin d’avoir un premier aperçu sur la faisabilité et la disponibilité des indicateurs statistiques en France. (3)

RÉFÉRENCES
1. « La Planète des singes. Suprématie » (War for the Planet of the Apes), film de science-fiction américain coécrit et réalisé par Matt REEVES (2017), nouvelle variation à partir du roman La Planète des singes (1963) de Pierre BOULLE (1912-1994).
2. PASCAL Blaise, Pensées. On se reportera au site conjoint de l’Université de Clermont-Ferrand/CNRS/BNF « Les Pensées de Blaise Pascal » qui propose références et commentaires :
http://www.penseesdepascal.fr/Divertissement/Divertissement2-moderne.php. Fragment Divertissement 2 / 7. Papier original : RO 121-2 ; copies manuscrites du XVIIe: C1 : Divertissement n° 184 p. 53 / C2 : p. 75 ; Éditions de Port-Royal. Chap. XXVI – Misère de l’homme: 1669 et janv. 1670 p. 217 / 1678 n° 4 p. 211 ; Éditions savantes : Faugère II, 39, IV / Havet IV.5 / Brunschvicg 169 et 168 / Tourneur p. 205-1 / Le Guern 124 / Lafuma 134 et 133 / Sellier 166.
3. http://www.un.org/sustainabledevelopment/fr/objectifs-de-developpement-durable/.

© Sylvie MONNIOTTE-MÉRIGOT, 10 août 2017, 10 heures.

ISSN 2495-1161. Dépôt légal du numérique, BNF 2017
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Géographie urbaine. Ce que mangent nos villes, ressources sur l’alimentation (Revue « Urbanités »)

Nous ne pouvons pas vivre, ni sans acquérir chaque jour de nouvelles connaissances, ni sans réfléchir aux questions qui se posent sans cesse au monde se transformant sous nos yeux. Nous ne pouvons pas vivre sans nous interroger sur nos propres pratiques individuelles. Nous ne pouvons pas vivre sans être attentifs, curieux et actifs afin de rendre compte des recherches qui sont en cours, au moment même où elles s’élaborent. Nous ne pouvons pas vivre sans être conscients du rôle passif que nous y jouons et du rôle actif que nous pouvons y jouer.

L’équipe de géographie urbaine de la revue Urbanités a engagé une importante recherche portant sur la ville qui mange et qui se nourrit. Elle la conduit dans une perspective transdisciplinaire, affranchie des oppositions établies entre les mondes urbains et les mondes agricoles et ruraux, tant dans les villes des Nords que dans celles des Suds. Sans attendre la publication du numéro spécial qu’elle consacre à ce sujet, il nous semble important de rendre compte sans tarder de ses recherches, de ses réflexions, ainsi que des ressources qu’elle a rassemblées. (1)

Légumes achetés dans une Association Pour le Maintien de l’Agriculture de Proximité (AMAP). AMAP de Savigny-sur-Orge, « Panier » du 12 février 2014. © Photographie BM/CAD pour PEE.

Sommaire de cet article :

  • 1. Les villes sont au centre des systèmes alimentaires
  • 2. Villes affamées et villes nourricières
  • 3. Les réseaux qui nourrissent les villes
  • 4. L’agriculture urbaine n’est pas une utopie
  • 5. La ville « comestible »
  • 6. L’alimentation fait la ville
  • 7. Les pratiques alimentaires des consommateurs
  • 8. Les villes sont des prescriptrices alimentaires
  • 9. Les bio-politiques alimentaires
  • 10. Cultures et interdits alimentaires
  • 11. La re-territorialisation des politiques alimentaires
  • 12. Comment produire, s’approvisionner et consommer autrement ?
  • 13. Le droit à l’alimentation
  • 14. La remise en cause de la « géométrie du pouvoir » agroalimentaire

1. Les villes sont au centre des systèmes alimentaires

Assurer la sécurité alimentaire des villes constitue un enjeu planétaire de premier ordre pour les 3,5 milliards d’urbains qui existent dans le monde.

Les villes ont été longtemps envisagées comme des entités consommatrices par opposition aux campagnes productrices. Les villes apparaissent aujourd’hui comme des éléments centraux des systèmes alimentaires.

Les politiques urbaines durables comprennent aujourd’hui :

  •  la revalorisation des circuits courts,
  • l’approvisionnement des cantines par des produits issus de l’agriculture biologique,
  • la réduction du gaspillage alimentaire (la thématique des « hungry cities », STEEL, 2008) devient une question politique ,
  • la reconsidération par la société civile des modes d’alimentation, de ses risques et de ses bienfaits sur le corps comme sur la planète, est une préoccupation croissante.

2. Villes affamées et villes nourricières

Dire que les villes ne sont pas seulement affamées mais aussi nourricières amène à reconsidérer l’ensemble de la chaîne alimentaire citadine, de la production à la consommation, en passant par la transformation et la distribution, et à s’interroger sur les nouveaux modèles alimentaires qui émergent en milieu urbain.

L’assurance d’une alimentation suffisante, saine et nutritive, pour la population urbaine, comme la sous-alimentation et la malnutrition ne peut être assurée sans une analyse des circuits de distribution des denrées. Les systèmes alimentaires alternatifs qui rapprochent les consommateurs urbains des producteurs agricoles (circuits courts, réseaux associatifs, maintien de l’agriculture paysanne) révèlent la vigueur des mouvements citadins et des nouveaux agencements marchands autour de la question alimentaire (AUBRY et CHIFFOLEAU, 2009, DEVERRE et LAMINE, 2010, LE VELLY, 2017).


3. Les réseaux qui nourrissent les villes

Quels sont les circuits d’approvisionnement des lieux de restauration collective publique (écoles, hôpitaux, prisons…), les pratiques de livraison et de restauration à domicile portées par de nouvelles start-up ? La vogue des brasseries artisanales urbaines laisse entrevoir la (re)naissance d’activités de transformation des denrées agricoles dans des lieux urbains dédiés, engageant des réflexions sur les mutations de l’industrie agro-alimentaire.

Quelles sont les nouvelles pratiques des politiques urbaines alimentaires ?

Autrefois négligée dans les projets d’aménagement urbain, l’alimentation est prise en compte par les acteurs publics des villes, comme l’atteste l’adoption de plans stratégiques pour l’alimentation à New York, Londres ou encore Toronto (MORGAN et SONNINO, 2010).

Les villes constituent-elles l’échelon d’action le plus adéquat dans la mise en œuvre d’une gouvernance alimentaire locale ?


4. L’agriculture urbaine n’est pas une utopie

Il existe un essor de l’agriculture urbaine qui bénéficie de nombreux travaux (agronomie, géographie, anthropologie, sociologie, urbanisme, écologie) et d’une forte médiatisation à la faveur d’initiatives emblématiques :

  • valorisation agricole des friches urbaines à Detroit,
  • projet des « Parisculteurs » lancé par la mairie de Paris,
  •  toits couverts d’arbres fruitiers ou façades végétalisés,
  • potagers communautaires,
  • fermes urbaines,
  • jardins associatifs,
  • cultures hydroponiques dans des parkings,
  • petits élevages ovins sur d’anciennes friches.

L’agriculture en ville vient se nicher dans des interstices de la ville (LAURENS, 2015), elle épouse les innovations architecturales.


5. La ville « comestible »

Nous assistons au-delà de la pluralité des initiatives et des acteurs à l’émergence d’une ville comestible des :

  • petits jardins urbains communs disséminés par le mouvement des Incroyables Comestibles,
  • applications pour tablettes ou smartphones recensant les lieux de cueillette de plantes sauvages, de baies ou de racines en ville,
  • potagers gastronomiques dans lesquels viennent se fournir un nombre croissant de chefs étoilés, à l’instar d’un Thierry MARX cultivant tomates, fraises et plantes aromatiques sur le toit d’un hôtel parisien pour l’un de ses restaurants.

La ville comestible ne répond pas uniquement à des motivations vivrières comme en témoignent les activités agricoles observables dans des villes d’Afrique subsaharienne où l’agriculture urbaine s’inscrit tout à la fois dans des pratiques d’autoconsommation familiale et dans des stratégies commerciales. Ces initiatives aux objectifs divers vont dans le sens de la recherche d’une autonomie alimentaire dans un contexte de crise des systèmes agro-alimentaires traditionnels. Elles traduisent l’émergence d’un nouveau regard sur des villes, vues désormais comme fertiles, vivantes, nutritives, généreuses.


6. L’alimentation fait la ville

Du champ ou du potager à la table du mangeur, en passant par les commerces, les cuisines, jusqu’au traitement des déchets, les différentes facettes de l’alimentation des villes sont des révélateurs de leurs dynamiques et des enjeux auxquels elles sont confrontées, comme l’a analysé Carolyn STEEL pour le cycle alimentaire londonien.

  • Quelle est l’histoire alimentaire des villes ?
  • Comment fonctionne le métabolisme alimentaire urbain ?
  • Dans quelle mesure l’incessant d’alimentation et d’évacuation imprègne-t-il l’espace urbain ?
  • Quelles sont les conséquences d’une rupture dans cet approvisionnement ?

Plateau de canapés salés. Buffet organisé à l’occasion de la réception des voeux de la Métropole du Grand Paris, Paris, 23 janvier 2017. © Photographie BM/CAD pour PEE.


7. Les pratiques alimentaires des consommateurs

Une attention particulière doit être portée aux pratiques des consommateurs. Celles-ci relèvent d’une pluralité de registres, de l’alimentation de crise ou d’urgence à laquelle ont recours les individus et groupes sociaux en situation précaire, aux pratiques alimentaires de luxe réservées à une minorité de gourmets.

De nouveaux modes de consommation se développent en réaction aux travers de notre société d’abondance, comme  l’injonction à la « frugalité heureuse ». Les villes semblent être les lieux par excellence de la commensalité, du partage en commun du repas, de l’habitude de manger ensemble qui se trouve bousculée par la multiplication d’alimentations « particulières » (FISCHLER, 2013), pour des raisons médicales, éthiques ou spirituelles :

  • consommations sans gluten,
  • sans sucre, ou aliments allégées en sucre,
  • sans sulfites,
  • sans pesticides…

Les villes sont le théâtre d’un renouvellement du lien social autour de la cuisine, comme l’ont rappelé récemment en France les repas organisés en ville à destination des migrants. Les régimes alimentaires des urbains sont le miroir de rapports sociaux, de processus de distinction et d’exclusion, que ce soit d’un point de vue de la géographie sociale et culturelle, de la  sociologie ou de l’anthropologie de l’alimentation.


8. Les villes sont des prescriptrices alimentaires

Les villes ne sont pas de simples révélateurs des évolutions sociétales. Elles sont aussi des prescriptrices de nouvelles tendances en matière d’alimentation et de pratiques culinaires.

À l’échelle internationale, l’excellence gastronomique est un signe des recompositions dans la hiérarchie métropolitaine, comme l’illustre Singapour, nouvel eldorado de la gastronomie, dont la première édition du Guide Michelin en 2016 a encensé tant les restaurants étoilés que la street food locale.

Localement, à l’échelle de la cité, voire des quartiers, la géographie des commerces alimentaires urbains peut être envisagée comme le témoin des cultures alimentaires propres à un territoire et à son évolution dans le temps.

  • Valorisation patrimoniale et touristique de certaines spécialités locales auxquelles les villes donnent leur nom (jambon de Bayonne, sauce bolognaise, vins de Bordeaux).
  • Vogue des restaurants ethniques (vietnamiens, thaïlandais, italiens, indiens, turcs…) qui réinterprètent des menus « typiques » de contrées lointaines.

Réciproquement, les pratiques et les aspirations des citadins sont des agents de transformation de la géographie du commerce de bouche (article du journal Slate portant sur la montée en gamme de l’offre urbaine de burgers à Paris, CASSELY et GARNIER, 2017). Il existe un « foodscape » (paysage alimentaire) qui voit les pratiques alimentaires structurer l’espace urbain.


9. Les bio-politiques alimentaires

En 2016, 56,8 % d’hommes et 40,9 % de femmes en France sont en surcharge pondérale, tandis que plus de 200 produits, essentiellement des confiseries, sont contaminés par des nanoparticules de dioxyde de titane (E171) aux effets cancérogènes et responsables de dysfonctionnement de l’ADN, d’inflammations chroniques ou de la mort des cellules.

Les citadins, en moyenne plus riches que les ruraux, consomment et gaspillent plus (BRICAS, 2015). Ce modèle alimentaire a pour corollaire une montée en flèche des maladies chroniques (cancers, obésité et diabète associés, maladies cardiovasculaires), devenues la première cause de mortalité mondiale devant les maladies infectieuses (CICOLLA, 2013).

L’entrée dans le « phagocène » (BONNEUIL et FRESSOZ, 2016) se caractérise non seulement par la dégradation de l’environnement, mais aussi par l’altération en profondeur des corps et de la physiologie des consommateurs. Le corps de l’anthropocène est aussi un corps altéré par des milliers de substances toxiques. Face aux nouveaux enjeux alimentaires, quelles sont les mutations des habitudes et des pratiques alimentaires, les enjeux de santé publique ainsi que les hexis corporelles ? (L’hexis est le fait de déterminer les caractéristiques d’un concept par exemple. C’est l’ensemble des propriétés essentielles de quelque chose)

De récents travaux issus des feminist food studies réinvestissent les questions de la domesticité, du care (que l’on peut traduire par le soin ou l’attention portée), des normes esthétiques corporelles ou encore des identités autour du lien entre genre et alimentation (voir HOLLOWS, 2003, GUTHMAN, 2011).


10. Cultures et interdits alimentaires

La géographie culturelle identifie le rôle des cultures alimentaires et des interdits alimentaires culturels et religieux dans la manière dont se structurent les systèmes de production, de commercialisation et de consommation.

  • Les mutations des comportements et des pratiques alimentaires, et surtout leur mise en scène en ville à travers des événements comme les apéros « charcuterie-pinard », révèlent moins la relation au patrimoine alimentaire qu’une re-politisation de l’alimentation comme attribut identitaire.
  • De plus en plus de projets d’agriculture urbaine intègrent ou revendiquent la diversité des cultures alimentaires en y répondant par une biodiversité des cultures agricoles (BAKER, 2004).

Conscients de la part que représente l’alimentation dans les dépenses des ménages, quel rôle jouent la publicité et le marketing alimentaires dans le pilotage des comportements alimentaires ?

Les campagnes publicitaires ciblant les consommateurs urbains, que ce soit pour les produits du terroir (comme la saucisse de Morteau) ou pour les nouvelles formes de commensalité (services de livraison à domicile « ubérisés » de type Deliveroo ou Foodora)  traduisent les tentatives de captation de nouveaux segments de consommateurs, des mutations des stratégies de positionnement des filières agro-alimentaires ainsi que des modes de travail dans la chaîne alimentaire.

Éclairs géants de 35 cm, parfum chocolat ou café. Boulangerie Pâtisserie Gosselin, 258 boulevard Saint Germain, Paris 7e. © Photographie PML/CAD pour PEE, 2 décembre 2016.


11. La re-territorialisation des politiques alimentaires

Ces nouvelles bio-politiques alimentaires se traduisent par la proposition de politiques alimentaires re-territorialisées à l’échelle locale. Or, ces politiques, comme les initiatives citoyennes alternatives, ne répondent que très partiellement aux problèmes alimentaires soulevés. Le poids des lobbies agricoles et agroalimentaires, la libéralisation du commerce des marchandises, les inégalités structurelles d’accès au foncier, les iniquités face aux options de consommation restent peu abordées.

Aujourd’hui, le droit de l’alimentation en France est à 80 % communautaire, laissant tout un pan de transformation du système alimentaire hors de portée des collectivités. Ainsi, la récente loi sur le gaspillage a permis la redistribution d’invendus de la grande distribution. Mais, elle ne dit rien sur le gaspillage en amont, dans la chaîne agro-alimentaire (CLOTEAU et MOURAD, 2016). Il existe un « fétichisme du local », une idée que l’option de la re-localisation ne permet pas totalement de comprendre ni d’agir sur le rôle des relations de pouvoir dans la production de tous les lieux (DUPUIS et GOODMAN, 2005).


12. Comment produire, s’approvisionner et consommer autrement ?

Les villes abritent des pratiques qui s’organisent autour des nouveaux enjeux alimentaires visant à produire, s’approvisionner et consommer autrement. Dans les villes,

  • les lieux de réemploi se multiplient, comme les ressourceries ou les recycleries, et participent à l’économie circulaire.
  • les bio-déchets (déchets alimentaires, drêches de bières, marc de café) et le compostage local fournissent des engrais pour les projets d’agriculture urbaine.
  • les initiatives de la société civile se multiplient, de l’essor des défis des familles Zero Waste, au développement des pratiques de trocs ou des associations des « maîtres-composteurs », jusqu’à la récupération de nourriture dans les poubelles des supermarchés, le « freeganism », et les échanges alternatifs (trocs et banques de semences, coopératives alimentaires, etc.).

Quels sens les individus donnent-ils à leurs actions ? Comment peut-on mesurer leurs bénéfices ? Quel en est le potentiel transformateur ? La lutte contre le gaspillage alimentaire ou le permis de végétaliser en sont des exemples (LAGNEAU, 2016).


13. Le droit à l’alimentation

Face à la « crise des affamés et des repus » (PATEL, 2007), le partage des bénéfices et des risques concernant les lieux, les produits et la façon dont la nourriture est produite, transformée, transportée et distribuée, accessible et mangée, reste inéquitable. Les injustices alimentaires atteignent les groupes les plus vulnérables – populations défavorisées, groupes ethniques marginalisés, migrants, femmes…

Le concept de justice alimentaire se situe à la croisée des discours sur le droit à l’alimentation, les objectifs de durabilité appliqués aux systèmes alimentaires, et les risques d’insécurité alimentaire dans des situations de pauvreté et de précarité (HOCHEDEZ et LE GALL, 2015).

  • La transformation du système alimentaire relie des mouvements et des idées disparates (GOTTLIEB et JOSHI, 2010).
  • Le cadre de la justice alimentaire ouvre des liens vers une série plus large de cadres conceptuels : la démocratie, la citoyenneté, les mouvements sociaux et la justice sociale et environnementale.

Dans les villes des Nords et des Suds, des associations lancent des initiatives (aide alimentaire aux populations démunies et aux migrants, actions d’éducation alimentaire et environnementale dans les quartiers populaires) sans qu’il existe à proprement parler de mouvement alimentaire unifié, aux acteurs identifiés, celui-ci restant encore largement invisible et fragmenté.

Les actions de ces associations (gaspillage, circuits courts, agriculture biologique, aide alimentaire, bien manger, risques et santé, pesticides…) dessinent le paysage d’un activisme agro-alimentaire. Il existe des réseaux d’engagement qui conduisent des actions originales (repas préparés à partir d’invendus comme Discosoupe) et dessinent de nouveaux espaces agro-alimentaires urbains.

À quoi ressembleront les futurs espaces agro-alimentaires urbains, différents des espaces du système alimentaire actuel (supermarchés, fast-foods) ?


14. La remise en cause de la « géométrie du pouvoir agri-alimentaire »

Quelle est la capacité de ces pratiques, de ces espaces et de ces systèmes qui se construisent sous nos yeux pour modifier la « géométrie du pouvoir agri-alimentaire » existante (MASSEY, 1994) et de son économie ? (2)

La question interroge la géographie culturelle, l’économie alimentaire, l’histoire de l’alimentation, l’anthropologie la sociologie de l’alimentation, le droit et les sciences politiques, l’économie, l’agronomie, les études de genre…

Chocolat liégeois et pain au chocolat. Starbucks Beaubourg, 4 rue Aubry Le Boucher, Paris 4e. © Photographie PML/CAD pour PEE, 6 décembre 2014.

Starbucks est la première chaîne mondiale de salons de café. Fondée en 1971, elle comprend  (en 2016) 25 000 établissements implantés dans 70 pays (13 000 aux États-Unis, 2000 en Chine, 1 500 au Canada, 1 000 au Japon, 100 en France…). La majorité des commerces est exploitée en franchise.


Bibliographie indicative rassemblée par les chercheurs de la revue Urbanités

  • Aubry C. et Chiffoleau Y., 2009, « Le développement des circuits courts et l’agriculture périurbaine : histoire, évolution en cours et questions actuelles », Innovations Agronomiques, 5, pp. 53-67.
  • Baker L., 2004, « Tending Cultural Landscapes and Food Citizenship in Toronto’s Community Gardens », Geographical Review, 94 (3), pp. 305-325.
  • Bonneuil C. et Fressoz J-B., 2016, L’Évènement Anthropocène, la Terre, l’histoire et nous, Paris, Le Seuil, 304 p.
  • Bricas N., 2015. « Les enjeux de l’alimentation des villes », Cahiers de l’Institut d’Aménagement et d’Urbanisme Île de France, n°173.
  • Cassely J.-L. et Garnier M., 2017, « Que s’est-il passé pour que le burger devienne si cher à Paris ? », Slate, 3 avril 2017, en ligne [http://www.slate.fr/story/135242/burgers-cafes-salades-bio-evolution-restauration-region-parisienne].
  • Cicolella A., 2013, Toxique planète. Le scandale invisible des maladies chroniques, Seuil, Anthropocène, 310 p.
  • Cloteau A. et Mourad M., 2016, « Action publique et fabrique du consensus. La « lutte contre le gaspillage alimentaire » en France et aux États-Unis », Gouvernement et Action publique, pp. 63-90.
  • Deverre C. et Lamine C., 2010, « Les systèmes agroalimentaires alternatifs. Une revue de travaux anglophones en sciences sociales », Économie rurale, 317, pp. 57-73.
  • Dupuis, E.M. et Goodman, D., 2005. « Should we go “home” to eat?: toward a reflexive politics of localism », Journal of Rural Studies, 21 (3), pp. 359–371.
  • Fischler C. (dir.), 2013, Les alimentations particulières. Mangerons-nous encore ensemble demain ?, Paris, Odile Jacob, 266 p.
  • Gottlieb R. et Joshi A., 2010, Food Justice, Cambridge, MIT Press, 304 p.
  • Guthman J., 2011, Obesity, Food justice, and the limits of Capitalism, Berkeley, University of California Press, 277 p.
  • Hochedez C. et Le Gall J. (dir.), 2015. « Justice alimentaire et agriculture », Justice spatial | Spatial Justice, n°9, http://www.jssj.org/
  • Hollows, J., 2003, « Feeling Like a Domestic Goddess: Postfeminism and Cooking », European Journal of Cultural Studies, 6 (2), pp. 179-202.
  • Lagneau A., 2016, « Agriculture urbaine. Fonction alimentaire, sociale, écologique… Qu’attendons nous de l’agriculture urbaine », Les Notes de la FEP, Note n°10.
  • Laurens L., 2015, « Agri-interstice urbain ou quand l’agriculture change la réalité des marges urbaines », Bulletin de la Société de Géographie de Liège, n° 64, pp. 5-22
  • Le Velly R., 2017, Sociologie des systèmes alimentaires alternatifs. Une promesse de différence, Paris, Presses des Mines, Collection Sciences sociales, 200 p.
  • Massey D., 1994, Space, Place and Gender, Minneapolis: University of Minnesota Press, 288 p.
  • Morgan K. et Sonnino R., 2010, « The urban foodscape: world cities and the new food equation », Cambridge Journal of Regions, Economy and Society, Vol. 3, n°2 pp. 209-224.
  • Patel R., 2007, Stuffed and starved: Markets, power and the hidden battle for the world food system, London, Portobello Books, 398 p.
  • Steel C., 2008, Hungry city: How Food Shapes Our Lives, London, Random House, 383 p.

RÉFÉRENCES

1. « Ce que mangent les villes », Appel à projet pour le numéro thématique n° 10 de la revue Urbanités. A paraître en avril 2018. Voir : « Villes affamées, villes nourricières », http://www.revue-urbanites.fr/appel-10-villes-affamees-villes-nourricieres/
La publication est coordonnée par Frédérique CÉLÉRIER (frederique.celerier@revue-urbanites.fr) et Flaminia PADDEU (flaminia.paddeu@revue-urbanites.fr).

La revue Urbanités a été créée en 2012 par une équipe d’étudiants en Géographie de la région de Lyon. Ils sont partis du constat qu’il manquait en France une revue consacrée à la géographie urbaine et au fait urbain, alors que les revues anglo-saxonnes comme Urban Studies ou Urban Geography se consacrent spécifiquement à ce thème de recherche. Elle propose à la fois des informations régulières sur le fait urbain dans le monde et des dossiers thématiques.
ISSN : 2268-9613 http://www.revue-urbanites.fr/

2. Ministère de l’Agriculture, de l’Agroalimentaire et de la Forêt (Centre d’études et de prospective), « La mondialisation par le commerce des produits alimentaires. Tendances structurelles et exploitation », Analyse, n° 102, 1977, 8 p.

On peut y lire que « Les exportations de produits alimentaires pèsent aujourd’hui plus de 1 200 milliards de dollars. À prix constants, c’est près de 7 fois plus qu’il y a 50 ans, soit un rythme de croissance annuel moyen de 3,8 % environ. »
« La circulation des produits agricoles et alimentaires est à la fois une manifestation et un vecteur majeur de la mondialisation des systèmes alimentaires. Elle renforce l’interdépendance des pays importateurs comme des exportateurs et, au-delà des produits ainsi véhiculés, contribue à la diffusion de normes, des valeurs, des innovations, et des risques.

On portera attention :

  • aux deux cartes intitulées 1. « Structure du commerce international de produits agricoles 1995-1996 », et 2. « Structure du commerce international de produits agricoles 2012-2013 ».
  • à la partie intitulée « Les chaines mondiales de valeur renforcent l’interdépendance des économies nationales » concernant le remplacement de la « trilogie » importateur/produit/exportateur par les chaînes globales de valeur (CGV).

VIDÉO

DUVAL Wilfrid, Nourrir le Grand Paris, Urba Paris.fr, Vidéo de 19 : 11. https://www.youtube.com/watch?v=zNfGRDuHnWQ
Wilfried DUVAL est vidéaste urbain et webdocumentariste. il réalise des courts et moyens métrages sur le phénomène de la métropolisation.


Note de la rédaction de PEE : Cet article reprend l’appel à projet de la revue Urbanités, remanié, inter-titré, illustré par Sylvie MONNIOTTE-MÉRIGOT et Bernard MÉRIGOT (©), le 19 juillet 2017, 12 heures.

ISSN 2495-1161. Dépôt légal du numérique, BNF 2017.
http://portes-essonne-environnement.fr