Les schémas de cohérence territoriale (SCOT) sont des objets administratifs et techniques. Ils sont votés par les assemblées territoriales lors de séances publiques. Ce sont des objets politiques. Élaborés durant plusieurs années, ils constituent des objets complexes. La Métropole du Grand Paris (MGP), réunie en séance publique le 23 juin 2017, a adopté le lancement de son SCOT. Ce dispositif concerne près de 6 millions d’habitants répartis dans 131 communes d’Ile-de-France. (1) Peut-on le considérer comme un objet citoyen ?
Le SCOT est-il :
- 1. directement intelligible pour les habitants et usagers des territoires concernés ?
- 2. soumis dans son intégralité à la concertation ?
- 3. ouvert aux propositions citoyennes, individuelles et associatives ?
1. Un SCOT est un objet politique, administratif et technique complexe.
La première notion avancée par le SCOT de la MGP – durant sa phase d’élaboration – est celle d’une une hiérarchisation des normes. Cette notion a été définie par Hans KELSEN (1881-1973). Elle consiste à porter une vision synthétique sur le droit considéré comme une hiérarchie. Selon lui, toute norme juridique appartenant à un niveau reçoit sa validité de sa conformité de la part d’un niveau supérieur, formant ainsi un ordre hiérarchisé. La superposition des normes (circulaires, règlements, lois, Constitution…) constitue ainsi une forme pyramidale.
La hiérarchisation des normes est changeante dans le temps. Pour ce qui nous intéresse ici (à savoir l’aménagement territorial, les équipements structurants, l’urbanisme…), ceux-ci impliquent, au fil des réformes territoriales successives, différents niveaux de collectivités territoriales : les communes, les communautés, les établissement publics territoriaux, la métropole, sans oublier les conseils généraux devenus conseils départementaux, les conseils régionaux.
Une compétence transférée à un moment donné, du fait d’une modification législative ou réglementaire, peut se voir transmise à une autre collectivité, ou faire retour à la collectivité qui l’exerçait précédemment. Ce qui était vrai hier, ne l’est peut-être déjà plus aujourd’hui, et ne le sera pas nécessairement demain.
2. Calendrier d’élaboration du SCOT de la Métropole du Grand Paris (2017-2020)
- Juin 2017
Délibération de la MGP prescrivant l’élaboration du SCOT. - Juillet 2017
Lancement et délibération notifiée aux personnes publiques associées et mesures de publicité. - Juillet 2017-Juillet 2018
Réunions de concertation dans les 12 établissement publics territoriaux (EPT).
Élaboration du diagnostic.
État initial de l’environnement.
Rapport de présentation.
Élaboration du projet d’aménagement et de développement durables (PADD). - Juin 2018
Débat d’orientation sur le PADD. - Juillet 2018 – mars 2019
Élaboration du document d’orientation et d’objectifs (DOO). - Mars 2019
Arrêt du projet de SCOT et de la concertation. - Avril-juin 2019
Consultation des personnes publiques associées. - Juin-Juillet 2019
Préparation de l’enquête publique.
Saisine du tribunal administratif.
Désignation du comité exécutif.
Arrêté d’organisation de l’enquête publique. - Septembre 2019
Enquête publique sur le projet de SCOT.
Avis émis du porter à connaissance. - Novembre 2019
Rapport et conclusions du commissaire enquêteur.
Modification éventuelles pour prise en compte des observations. - Décembre 2019-février 2020
Approbation par délibération et notification au préfet. Le SCOT devient opposable deux mois après transmission au préfet.
Transmission aux personnes publiques associées et mise à disposition du public.
3. Les SCOT aujourd’hui.
Une équipe conjointe Pacte / Acadie, conduite par Alain FAURE, a présenté en 2015 une étude intitulée « SCOT et territoire(s). Quels acquis ? Quelles perspectives ? » lors de l’assemblée générale de la Fédération des SCOT. (3) Cette étude comporte trois parties :
- repérage des réorganisations territoriales liées à la mise en chantier ou en révision des SCOT,
- recensement des doctrines d’aménagement discutées et diffusées dans les contextes locaux,
- liste des enjeux politiques régionaux et nationaux en présence.
Elle s’achève par une série d’interrogations :
- Les SCOT sont-ils des déclencheurs ou des amortisseurs pour les intercommunalités ?
- Les SCOT diffusent-ils des doctrines aménagistes ou bien des « lieux neutres » ?
- Les SCOT seront-ils des acteurs de la « transition territoriale » ?
4. Les SCOT diffusent-ils des doctrines aménagistes ou bien des « lieux neutres » ?
- Les SCOT commanditent et analysent une masse impressionnante de données. Mais cette activité de production de connaissances, inégale selon les territoires, débouche rarement sur des « récits d’ensemble » (dans le vocabulaire des politistes) ou des « projets de territoire » (dans celui des urbanistes). On peut même faire l’hypothèse que ces données ont un effet de blocage des formulations.
- La révision des SCOT se limite souvent à la réactualisation de principes d’aménagement datés ou bien à la reproduction de référentiels non discutés.
- L’étape de la mise en œuvre des préconisations des SCOT est sujette à caution. Elle se révèle délicate à piloter dans les faits et est source de nombreuses improvisations.
5. Les SCOT sont-ils des acteurs de la « transition territoriale » ?
- Quel est le rôle des partenaires extérieurs qui sont mobilisés pour le recueil des données et l’écriture des diagnostics (cabinets, agences, collectivités) ?
- Où sont les habitants ?
-
Quelle est la place des groupes d’intérêts, que ce soit dans des secteurs classiques (l’agriculture, les entreprises, les autorités organisatrices de transports, etc.) ou sur des dossiers plus transversaux (le logement social, le risque écologique, les nouvelles mobilités, etc.) ?
Ces questions demeurent en suspens. La situation présente est celle d’une période de transition territoriale « pavée d’incertitudes et de doutes, une période où la gouvernance se nourrit de décloisonnements et d’émancipations ». La place des experts, des habitants et des lobbies n’est ni débattue publiquement ni exposée médiatiquement. L’enjeu n’est pas seulement politique mais aussi pragmatique : « La recherche d’un langage commun pour les SCOT, porté par une communauté d’acteurs, implique un travail d’affichage qui va bien au-delà des ressources de communication ou de marketing pour être audible depuis l’extérieur ».
A la recherche de la composante imaginaire structurante. Nous sommes au cœur de la relation citoyenne concernant les territoires. Reprenons la réflexion d’Alain FAURE : doit-on s’intéresser aux théories de la souveraineté, ou bien aux « lieux vides où s’organise le pouvoir sur un mode interconnecté et fluide, et où les rapports de domination s’alimentent d’une composante imaginaire structurante » ? (4)
Comment les citoyens participent-ils à la composante imaginaire structurante des territoires ?
DOCUMENT
La métropole du Grand Paris lance son SCOT
Les travaux sur le schéma de cohérence territoriale (Scot) métropolitain ont été lancés par Philippe Dallier, vice-président délégué à la mise en œuvre de la cohérence territoriale et à l’élaboration du Scot, lors du bureau de la MGP, réuni le 29 mai 2017.
Le schéma de cohérence territoriale (Scot), dont le lancement de l’élaboration fera l’objet d’une délibération en fixant les grands principes le 23 juin prochain, constituera le cadre de référence de la planification stratégique métropolitaine, indique la métropole. C’est également l’instrument de mise en cohérence de l’ensemble des politiques métropolitaines en cours d’élaboration (plan climat énergie métropolitain, plan métropolitain de l’habitat et de l’hébergement, schéma d’aménagement numérique). « Son élaboration doit être l’occasion de construire une vision partagée de l’avenir du territoire métropolitain », indique Patrick Ollier, le président de la MGP. (5)
« La métropole du Grand Paris lance son Scot », Le Journal du Grand Paris, 31 mai 2017.
RÉFÉRENCES
1. Métropole du Grand Paris, « Lancement du Schéma de cohérence territoriale (SCOT) de la Métropole du Grand Paris », séance publique du 23 juin 2017 en différé : http://richpublisher.endirectv.com/window.php?OPE_ID=2628&FEN_ID=10325.
2. Diaporama présenté au cours de la séance du 23 juin 2017 du conseil métropolitain de la MGP (pdf) : MGP Powerpoint SCOT-CM-23juin2017.
3. FAURE Alain (sous la direction de), « SCOT et territoire(s). Quels acquis ? Quelles perspectives ? », Note de synthèse sur le rapport intermédiaire présenté lors de l’assemblée générale de la Fédération nationale des SCOT le 25 novembre 2015., 4 p. http://www.fedescot.org/votre-federation/communication/planete-scot
Avec la participation de François Bonnaz, Michelle Daran, Benoit Dugua, Maimouna Etroit-Ndong, Alain Faure, Philippe Teillet (Équipe PACTE), et de Clémentine Martin-Gousset, Manon Loisel, Martin Vanier (Équipe ACADIE).
4. FAURE Alain, Des élus sur le divan, Les passions cachées du pouvoir local, Presses universitaires de Grenoble, 2016, p. 14.
5. « La métropole du Grand Paris lance son Scot », Le Journal du Grand Paris, 31 mai 2017, https://www.lejournaldugrandparis.fr/metropole-grand-paris-lance-scot/.
© Bernard MÉRIGOT, 26 juin 2017, 8 h 30.
ISSN 2495-1161. Dépôt légal du numérique, BNF 2017