Archives par étiquette : Charte de l’environnement

Autoroute ferroviaire Atlantique : action du député-maire d’Etampes, Franck Marlin

Dans le cadre de la première enquête publique sur le projet d’autoroute ferroviaire Atlantique (AFA) qui traverse la région francilienne via la ligne du RER-C (et notamment Étampes, Brétigny-sur-Orge, Juvisy-sur-Orge), PEE a adressé une copie de son avis au député-maire d’Étampes, Franck MARLIN. En retour, ce dernier a fait part de son opinion plutôt défavorable sur le sujet ainsi que des démarches entreprises auprès de l’État. Quelles sont-elles ? Quelles conclusions peuvent-elles être tirées ?

LA RÉPONSE DE FRANCK MARLIN À PEE (20 juin 2014)

Le député-maire d’Étampes, Franck MARLIN, remercie PEE de son initiative. Il « partage pleinement » son analyse « quant à l’absence extrêmement préjudiciable de concertation » et comprend les « légitimes inquiétudes » relatives à l’impact du tracé proposé par le concessionnaire (VIIA, filiale de la SNCF).

Afin de compléter le dossier de l’association, il a l’amabilité de lui adresser une copie des courriers qu’il a rédigé le 12 mai 2014 à l’attention de Frédéric CUVILLIER, secrétaire d’État chargé des Transports, de la Mer et de la Pêche, de Jacques RAPOPORT, président de Réseau Ferré de France (RFF), de Guillaume PÉPY, président de la SNCF. Il y ajoute une copie de la réponse de Jacques RAPOPORT. (1)

Par ailleurs, il informe de la tenue d’un conseil municipal de la commune d’Étampes au cours de laquelle sera votée « une motion sollicitant des informations complémentaires dans le cadre d’une concertation élargie et l’organisation d’une nouvelle enquête publique » (NDLR : en cours au moment où le présent article est rédigé).

2014-06-20 Lettre de Franck Marlin a PEE

Lettre du député-maire Franck MARLIN à PEE, 20 juin 2014. © PEE.

LES INQUIÉTUDES DE FRANCK MARLIN

En premier lieu, le député-maire s’étonne de l’absence de concertation et de consultation des élus locaux concernés par le tracé, en particulier ceux du Paris-Orléans. Puis, il s’interroge sur les conséquences d’un tel projet générant des nuisances supplémentaires pour les riverains en période nocturne (sonores notamment), une dangerosité ferroviaire accrue, une hausse du trafic et un impact indéniable sur l’actuel usage de la ligne empruntée par les convois de l’AFA. Il attire l’attention de ses correspondants sur l’utilité écologique du ferroutage, progrès annoncé pour la préservation de l’environnement, mais qui ne doit pas se faire au détriment du cadre et de la qualité de vie des riverains. Le « transfert de nuisances » est inacceptable, selon lui. Cette conclusion ne peut être que partagée.

CONSULTATION SANS CONCERTATION DES POPULATIONS CONCERNÉES !

La réponse du directeur général de RFF est pour le moins surprenante : « L’enquête publique en cours vise précisément à recueillir l’avis du public sur ce projet de report modal (NDLR : trafic routier reporté sur le trafic ferroviaire), ainsi que les impacts associés et les mesures proposées pour y remédier ». Jacques RAPOPORT écrit le 17 juin 2014, alors que l’enquête est bouclée depuis le 5 juin.

Il estime que l’information des populations est satisfaisante. Il précise même que la commission d’enquête est la « garante de l’égal accès à l’information de toutes les populations concernées ». Il annonce que, pour les 470 communes traversées par l’AFA, 40 lieux d’enquête ont été ouverts (NDLR : soit 1 pour 11,75 communes), 80 permanences ont été tenues (NDLR : soit deux par lieu d’enquête), 300 affiches et 450 DVD ont été distribués (NDLR : même pas une affiche et un DVD par commune !), enfin un registre électronique était accessible sur le site de la préfecture du Pas-de-Calais, siège de l’enquête publique.

ENTRE LA SOUMISSION ET LA RÉVOLTE, IL Y A LE DÉBAT !

Selon le président de RFF, la procédure d’enquête publique a pour objet de répondre aux questions posées et à « porter des recommandations éventuelles de modification du projet proposé ». C’est le but de toute enquête publique. Mais, en lisant entre les lignes de Jacques RAPOPORT, il est aisé de constater que la décision a été prise avant que l’enquête ait eu lieu. Le projet sera réalisé : l’AFA est sur les rails, et ce quel que soit le résultat de l’enquête. Or, les maires n’ont pas été informés du dossier au préalable. Certains, les nouveaux édiles portés à la fonction lors des élections de mars 2014, ignorent tout. A leur tour, ils n’ont pas pu transmettre les éléments à leurs administrés par le biais de leurs différents vecteurs de communication (bulletins municipaux, lettres d’information, sites internet, totems…). La plupart n’ont pas été en mesure de tenir des réunions d’information. Le temps de la concertation avec les services publics, le concessionnaire, les élus et les administrés a été confisqué aux conseils municipaux récemment renouvelés.

PEE a participé au colloque international « Le citoyen et la décision publique », placé sous le haut patronage du président de la République, organisé par la Commission nationale du débat public (CNDP) les 16 et 17 juin 2014. Une phrase doit être retenue : « Entre la soumission et la révolte, il y a le débat ». (2) Où est le débat pour l’AFA ? Il a eu lieu en catimini, noyé dans le grand débat public sur les lignes à grande vitesse (LGV), en 2006 : il y a 8 ans ! Qui s’en souvient ? De qui se moque-t-on ? L’enquête publique n’a jamais été considérée comme un moment de débat entre l’auteur du projet et le citoyen. La société politique ( les élus, les collectivités locales…) et la société civile (les citoyens, les entreprises, les associations…) doivent sans cesse rappeler à l’État, aux pouvoirs publics, aux délégataires de services publics ou concessionnaires leur exigence du débat, préalable à toute décision concernant les équipements publics et leur fonctionnement.

Couverture de la plaquette du colloque international organisé par le CNDP en juin 2014. CNDP.

Couverture de la plaquette du colloque international organisé par le CNDP en juin 2014. © CNDP.

L’État et ses opérateurs doivent évoluer en passant d’une gouvernance verticale, qui impose du haut vers le bas, à une gouvernance horizontale, fondée sur une co-élaboration des projets collectifs.

POUR LE CONTOURNEMENT DE LA RÉGION PARISIENNE ET SON RÉSEAU FERRÉ OBSOLÈTE

Le président de RFF termine par un aveu également surprenant : l’Autorité de régulation des activités ferroviaires (ARAF), sollicitée afin d’émettre un avis « sur les conditions de mise en oeuvre des navettes d’Autoroute Ferroviaire », ne le rendra qu’au cours de l’été ! Il aurait été bien utile de l’insérer dans les documents d’enquête, notamment pour la partie francilienne du projet.

A l’heure où les expertises judiciaires, accablantes pour la SNCF et RFF, sur le déraillement de Brétigny-sur-Orge en juillet 2013 sont rendues publiques avec maintes interrogations sur la qualité du réseau ferré francilien et sa maintenance plus qu’insuffisante, les convois de l’autoroute ferroviaire peuvent-ils emprunter ce réseau vétuste et saturé de la Grande Ceinture et traverser nos gares, nos communes franciliennes, sans susciter de réelles inquiétudes ? Il ne se passe pas un jour sans que les usagers, les riverains et les professionnels du rail subissent les dysfonctionnements et l’entretien déplorable du réseau francilien. Les ingénieurs chargés des expertises, eux-mêmes, sont préoccupés par une telle situation de défaillance quasi généralisée dans certains secteurs. (3)

Dans ces conditions, peut-on envisager sereinement que des trains de fret au contenu inconnu, long d’un kilomètre, circulant la nuit (et pourquoi pas le jour aux heures creuses ensuite), traversent la région la plus peuplée de France et possédant le réseau ferré le plus délabré ? Un état qui est démenti par la SNCF, mais que tous les usagers et les riverains constatent depuis des années, voire des décennies. Ne vaut-il pas mieux appliquer le principe constitutionnel de précaution et contourner la région parisienne ?

SOURCES
1. Lettre de Franck MARLIN, député-maire d’Étampes, adressée à PEE, en date du 20 juin 2014. Dossier joint comprenant copies des lettres de Franck MARLIN à Frédéric CUVILLIER, Jacques RAPOPORT, Guillaume PÉPY, en date du 12 mai 2014, et une réponse de Jacques RAPOPORT à Franck MARLIN en date du 17 juin 2014. Correspondance sous format pdf : 2014-06-20 Franck Marlin Dossier AFA – PEE.
2. Colloque international « Le citoyen et la décision publique : enjeux de légitimité et d’éfficacité », sous le haut patronage de Monsieur François HOLLANDE, président de la République, organisé par la Commission nationale du débat publique (CNDP), les 16 et 17 juin 2014 à la Cité des sciences et de l’industrie Paris.
3. Articles du Parisien en date du 7, 8 et 9 juillet 2014 : Vincent VÉRIER « Drame de Brétigny : un rapport accuse la SNCF », 7 juillet 2014 (p. 16),  2014-07-07 LP Accident Bretigny p.16 ; Vincent VÉRIER, « La SNCF face à ses responsabilités », 8 juillet 2014 (p. 2), 2014-07-08 LP Accident Bretigny p.2.

© Philippe TRENTY et Sylvie MONNIOTTE-MÉRIGOT, 9 juillet 2014.

Modification de la Charte de l’environnement en catimini…

Dans l’indifférence médiatique la plus complète, le principe de précaution inscrit dans la Charte de l’environnement a été amendé par le Sénat le 27 mai 2014. Pourtant ce texte possède une valeur constitutionnelle !

De quoi s’agit-il ? Les amendements sont destinés à souligner que le principe de précaution est aussi un principe d’innovation. (1) Ainsi, l’article 5 modifié de la Charte confie aux autorités publiques la mission de veiller à ce que le principe de précaution ne soit pas un obstacle au développement de la connaissance, de l’innovation scientifique et au progrès technologique. (2)

Remettre en question le principe de précaution, qui protège les populations des projets industriels potentiellement dangereux, au profit du principe d’innovation est une façon de relancer les débats sur les OGM ou les gaz de schiste. C’est une porte ouverte à l’expérimentation de nouvelles techniques dans ces dossiers. Les associations doivent renforcer leur vigilance.

En proposant « d’authentifier » et de certifier par la loi les expertises scientifiques (article 7 modifié), le travail des associatifs et des citoyens ne serait plus considéré comme source d’informations à fournir au public. Les données scientifiques seraient désormais seules soumises au débat public, ce qui s’apparente à une atteinte à la démocratie.

Le texte doit maintenant recevoir l’aval de l’Assemblée nationale.

SOURCES
1. La proposition de loi constitutionnelle a été déposée au Sénat le 3 décembre 2013 par Jean BIZET (UMP) et plusieurs de ses collègues. Ils ont craint qu’une mauvaise compréhension du principe de précaution renforce les réticences envers la science, la méfiance à l’égard de l’innovation et du progrès technologique, et soit un frein aux activités de recherche et de développement économique. Le texte, modifiant les articles 5, 7 et 8 de la Charte de l’environnement, a été principalement voté par les sénateurs PS et UMP. Leurs collègues EELV et communistes ont voté contre, tout comme la sénatrice Chantal JOUANNO (UDI), fondatrice du think tank pour l’innovation écologique Ecolo Ethik. Elle a d’ailleurs déposé un amendement – rejeté – qui allait dans le sens du retrait du texte. L’engagement pour la protection de l’environnement n’est donc pas une affaire de partis politiques… Dossier consultable sur le site internet du Sénat (http://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl13-183.html) ; Proposition de loi constitutionnelle (pdf) : pion1975.
3. Geneviève FIORASO, secrétaire d’État en charge de la Recherche, discours du 28 mai 2014, www.enseignementsup-recherche.gouv.fr : Principe de précaution : P.P.L. visant à modifier la Charte de l’environnement – ESR : enseignementsup-recherche.gouv.fr  (document pdf).

© Sylvie MONNIOTTE-MÉRIGOT, 9 juin 2014.