Aéroport d’Orly. Chronique des travaux 2016 (2) : nuisances aériennes, ce qu’ADP (Paris Aéroport) cache aux riverains

Depuis le 18 juillet 2016, les habitants de la vallée de l’Orge (où se trouvent notamment les villes essonniennes de l’ancienne CALPE intégrées dans l’EPT 12 : Athis-Mons, Juvisy-sur-Orge, Morangis, Paray-Vieille-Poste, Savigny-sur-Orge et Viry-Châtillon) sont accablés par les survols quasiment continus d’avions à très basses altitudes en provenance ou en direction de l’aéroport d’Orly. La cause avancée : les avions décollent de la piste n° 2 en raison de travaux de réfection de la piste n° 4. (1)

Pourquoi tant d’avions au décollage sur la piste nord-sud d’Orly dite n° 2 ? Telle est l’interrogation posée aux responsables du site Internet Portes de l’Essonne Environnement (PEE) par ses nombreux lecteurs, particulièrement ceux qui habitent dans les communes concernées. (2) Cela revient à remettre en cause le contenu de la communication institutionnelle du groupe Aéroport de Paris (ADP), cautionnée par le ministère de l’Environnement, de l’Énergie et de la Mer dont dépend la Direction générale de l’aviation civile (DGAC).

Tracés des différents décollages simulés par ADP - © ADP avril 2016

Tracés des différents décollages simulés par ADP. © ADP, avril 2016. (3)


Notre enquête

Pour aller au-delà de ce que ressentent les riverains survolés, pour examiner les faits et les arguments avancés, enfin pour être factuel, nous avons contacté :

  • La Maison de l’environnement et du développement durable de Paris-Orly (courriel : environnement.orly@adp.fr), malgré nos demandes insistantes concernant les chiffres de la répartition du trafic, nous a répondu à coté. Elle nous a fourni des informations très superficielles. Elle nous renvoie vers la DGAC pour la circulation aérienne.
  • La Direction Générale de l’Aviation Civile (courriel : environnement-dsna@aviation-civile.gouv.fr), également jointe, persiste dans un mutisme complet. Contrairement à la plaquette distribuée et les courriels de réponse de la Maison de l’environnement, la DGAC ne répond à aucun courriel. La rédaction de PEE est toujours dans l’attente de la première demande de renseignements effectuée le 18 juillet 2016, soit il y a 14 jours. Pas même une réponse d’attente. Nous sommes donc devant une assertion mensongère publiée et répétée, un non-respect d’un engagement public pris.
  • Nous avons également demandé des informations à des fins de recoupement auprès de l’association de défense des populations survolées du Val d’Yerres (AVEVY). Cette dernière dispose d’un excellent niveau d’expertise, d’outils statistiques et graphiques très puissants. AVEVY se tient à la disposition des associations de défense de l’environnement afin de leur transmettre des éléments de compréhension des survols inhabituels et pouvoir ainsi questionner ADP et la DGAC. Le directeur de la Direction des services de la navigation aérienne, Maurice GEORGES (depuis 2009), répondrait à ses demandes d’information en moins d’une heure… Pour étayer notre article sur l’utilisation de la piste n° 2 plus importante qu’annoncée de façon institutionnelle par ADP, nous avons donc entrepris une démarche auprès d’AVEVY sur le survol de la vallée de l’Orge et l’axe de la piste n° 2 durant la première semaine de travaux, précisément le dimanche 24 juillet. Particulièrement embarrassée par les questions posées, AVEVY a fourni un « chevelu » (une carte) des trajectoires empruntées par les avions sur la piste n° 3. Rien sur la piste n° 2 bien qu’elle dise qu’elle est en mesure de la faire. Elle a avoué préférer souhaiter maintenir ses relations, initiées depuis plusieurs années, avec le groupe ADP et la DGAC. D’ajouter les noms de deux sites publics de radar de poursuite. (4) Cette réponse n’a pas manqué de nous surprendre. (5)
VERS P2 AU-DESSUS COROT et SSO

Survol de Savigny-sur-Orge dans l’axe d’atterrissage de la piste 2 de l’aéroport Paris-Orly, le 25 juillet 2016, vers 19 h 30. Au premier plan, le lycée Jean-Baptiste Corot non survolé habituellement, sauf utilisation exceptionnelle de la piste de secours n° 2. © Photographie, SMM/PEE.


Notre analyse

Analysons la situation avec les d’éléments à notre disposition.

Le nombre de vols. Au cours des différentes conférences données par AVEVY, le plafond du nombre de mouvements effectifs (décollages plus atterrissages) est donné pour un total d’environ 240 000 mouvements. (6)

Selon la réponse donnée par le groupe ADP le 19 juillet 2016, le nombre de mouvements a été de 744 pour la journée du 18 juillet 2016. (7)

  • Soit rapporté sur une année 271 746 mouvements, c’est-à-dire 13 % de plus que le plafond constaté. Le groupe ADP, sur sa plaquette officielle, prétend avoir réduit de 2 000 mouvements par rapport à son trafic habituel, soit seulement 57 mouvements par jour en moyenne. Notons que sur un autre document, ADP prévoit non pas la suppression mais la répartition des 2 000 sur d’autres tranches horaires « légèrement » moins fréquentées. (8)
  • Si on ajoute ces 57 mouvements au 744 du 18 juillet 2016, cela fait 801 mouvements par jour, soit rapporté sur une année 292 565.

A trafic journalier constant, le trafic estival est supérieur de 20 % au trafic annuel moyen. Un chiffre qu’il faut relativiser légèrement car, selon le jour de la semaine, le trafic est plus ou moins important.

L’aubaine des travaux. La décision du groupe ADP d’organiser les travaux l’été n’a aucune corrélation avec une quelconque baisse de trafic qui, bien au contraire, est augmentée avec les congés. Comme nous l’a suggéré AVEVY, ADP a organisé les travaux en cette période de l’année en misant sur l’absence pour les vacances d’été d’une partie des populations survolées. Ce raisonnement peut être jugé comme pervers de la part d’ADP, car il revient à chasser les riverains insatisfaits qui en ont la possibilité d’aller vivre ailleurs, et, à négliger le sort des populations empêchées de partir en vacances dans cette période de six semaines. Cela constitue une discrimination choquante.

La fréquence des vols. Nous avons également observé à l’aide d’un simple chronomètre numérique, que l’intervalle moyen au décollage de la piste n° 2 entre deux avions est d’environ 2 minutes. En raisonnant sur un trafic moyen équilibré entre atterrissages et décollages : 744 mouvements par jour, cela signifie 372 décollages. À raison d’un décollage toutes les 2 minutes, il faut donc 12,4 heures, soit 12 h 24 pour écouler tout le trafic. Or l’aéroport d’Orly est ouvert 17 h 30 par jour. (9) Cela signifie que l’aéroport d’Orly n’est pas saturé durant près de 5 h par jour.

Ou exprimé autrement, l’aéroport d’Orly fonctionne plus des deux tiers du temps en mode saturé. La notion de trafic de pointe ne veut plus rien dire alors que, sur la plaquette relative aux travaux 2016, ADP annonce l’usage de la piste n° 2 aux seules heures de pointe.

À raison d’un mouvement par piste toute les deux minutes, en 17 h 30, une seule piste ne peut absorber qu’un trafic d’environ 525 mouvements maximum (soit au maximum absolu moins des deux tiers du trafic).

Une situation prévisible qui cache une augmentation du trafic. Dans les faits, comme nous l’a suggéré AVEVY, par commodité d’exploitation, il est très peu probable que les contrôleurs aériens « jonglent » pour insérer « à-la-qui-mieux-mieux » des décollages sur la piste n° 3 en plus des atterrissages, avec les risques de collision que cela comporte. Par une plus grande facilité, le trafic habituel de la piste n° 4 est, probablement, quasi intégralement reporté vers la piste n° 2. (10)

Le groupe ADP et la DGAC ne pouvaient ignorer cette problématique. Ils savaient que la piste n°3 ne pourrait absolument pas contenir seule tout le trafic prévu. Ils ont donc menti délibérément aux populations dans l’intention de ne pas les braquer contre eux, avant le début des travaux, les plaçant ainsi devant le fait accompli. Et de leur faire accepter « en douceur » de nouvelles nuisances, discontinues – donc moins perceptibles – qui cachent les augmentations de trafic à venir.

DECOL P2 GARE JSO

Décollage depuis la piste 2 de l’aéroport Paris-Orly, au-dessus – en léger décalé – de la ligne du RER-C, au droit de la gare de Juvisy-sur-Orge, le 25 juillet 2016, vers midi. © Photographie SMM/PEE.


Quel respect pour les populations ?

Actuellement, face aux actuelles récriminations des riverains, la seule posture d’ADP consiste à répéter que les populations ont été informées quelques semaines au préalable. (11) C’est comme si un cambrioleur justifiait son geste par l’argument qu’il a prévenu qu’il allait attaquer une banque. « Vous allez subir de nouvelles nuisances. Vous ne pouvez pas vous plaindre. Vous êtes au courant. »

En fait, les riverains survolés sont confrontés à un habillage argumentaire. Il cache la montée d’une marche supplémentaire de l’escalier des nuisances aériennes.

Perruches à Savigny-sur-Orge (c) septembre 2015 Jean-Marie CORBIN

Seul un très grand rassemblement de perruches devant la piste n° 2 pourrait avoir raison du « rouleau compresseur » ADP-DGAC. © Photographie, Jean-Marie CORBIN, septembre 2015.


RÉFÉRENCES
1. Groupe ADP, DGAC, « Aéroport de Paris-Orly. Information sur les travaux de la piste 4 du 18 juillet au 28 août 2016 », plaquette n° 22509, 6 p., mai 2016 (pdf) : ORLY TRAVAUX 2016 – 22509 ADP. Ce document ne dit pas qu’il s’agit de la première phase de travaux de rénovation de la piste 06/24, dite n° 4. La seconde phase aura lieu durant l’été 2017. Puis ce sera au tour de la piste 3 en 2018 et 2019.
2. A noter que les nuisances continues créées par ADP en cette période estivale sont vécues également par plusieurs rédacteurs de PEE qui vivent dans la vallée de l’Orge actuellement survolée. C’est dire que nous comprenons le sentiment d’exaspération de nos lecteurs.
3. Communication du ministère de l’Environnement, de l’Énergie et de la Mer, Direction générale de l’aviation civile, « Travaux Orly piste 4 (06/24) du 18 juillet au 28 août 2016 », sous la direction de TRASSART-P, 16 mars 2016, 14 p. (pdf) : MEEM DGAC TO 2016.
4. Il s’agit des sites Internet étrangers Flightradar24 (https://www.flightradar24.com) et planefinder (https://planefinder.net/).
5. Tout comme la copie visible de la réponse courriel du directeur de la communication d’AVEVY à une association avec laquelle le périodique numérique référencé par la Bibliothèque nationale de France, PEE, ne souhaite pas être assimilé.
6. 10. Arrêté du 6 octobre 1994 limitant à 250 000 créneaux, soit 200 000 mouvements sur la plateforme aéroportuaire d’Orly (en théorie) : Ar_6_octobre_1994 JO199414328.
7. Réponse courriel de la Maison de l’environnement et du développement durable de Paris-Orly du 19 juillet 2016, 17 h 20.
8. Voir note n° 3.
9. Décision ministérielle du 4 avril 1968 instaurant un couvre-feu sur la plate-forme aéroportuaire d’Orly : decision ministrielle orly couvre feu 4 avril 1968.
10. Selon les jours car, il semblerait que, depuis que le président de Cœur d’Essonne (communauté d’agglomération de 21 communes) et certains maires de l’ancienne CALPE aient adressé un courrier au ministre de l’Environnement, de l’Énergie et de la Mer au début de la seconde semaine des travaux afin d’obtenir d’ADP et de la DGAC le respect de leur engagement public d’utiliser la piste 2 aux seules heures de pointe, les nuisances se soient légèrement atténuées pour les habitants du val d’Orge riverains d’Orly. D’ailleurs, la soirée du 1er août et la matinée du 2 août 2016 ont été extraordinairement calmes pour tous les riverains concernés par l’axe de la piste 2 (Orly – Brétigny-sur-Orge) !
11. Dans son courrier au ministre, Cœur d’Essonne se plaint également d’avoir relayé une « information erronée » à ses administrés : CHEVALLIER Cécile, LOISY Florent, « Vallée de l’Orge. Les maires s’unissent contre ADP », Le Parisien Essonne-matin, 26 juillet 2016, p. I.

© Jean-Marie CORBIN, Bernard MÉRIGOT, 2 août 2016, 11 h 40.

ISSN 2495-1161. Dépôt légal du numérique, BNF 2016.


Complément : Vidéo amateur d’un avion au décollage de la piste 2 le 20 juillet 2016.

Avion survolant Juvisy-sur-Orge et Savigny-sur-Orge dans l’axe de décollage de la piste 2 de l’aéroport Paris-Orly, durant les travaux 2016 de la piste 4, engendrant d’importantes gênes sonores dans un secteur habituellement calme pour ce type de nuisances, ainsi qu’une pollution atmosphérique s’ajoutant au trafic routier et ferré. Remarquez le croisement de l’avion décollant avec un avion atterrissant. L’avion décollant a emprunté l’axe Orly (piste 2) / Athis-Mons / Juvisy-sur-Orge / Savigny-sur-Orge / Morsang-sur-Orge / Villemoisson-sur-Orge / Epinay-sur-Orge vers Les Ulis… et l’ouest. © MFC pour PEE, 20 juillet 2016.

© Sylvie MONNIOTTE-MÉRIGOT, 2 août 2016, 12 h 20.

ISSN 2495-1161. Dépôt légal du numérique, BNF 2016.