La logistique métropolitaine de la ville de New York. Le regard aérien du film documentaire de Tony Beach (II)

New York : 8 500 00 habitants sur 1 214 kilomètres carrés. Comment observer les manifestations affectant la logistique métropolitaine à l’oeuvre chaque jour permettant à la ville de New York de vivre ? Quels sont les flux entrants et les flux sortants qui affectent son territoire matin et soir ? La réponse peut être apportée par des enquêtes journalistiques ou par des travaux universitaires appartenant à diverses sciences sociales. Elle peut l’être également par un film documentaire qui apporte faits, idées et réflexions de recherche. C’est le cas du documentaire « Shows A Day in The Life of New York City. Aerial America » (Un jour dans la vie de New York City. L’Amérique vue du ciel), réalisé par Toby BEACH pour la chaîne de télévision Smithonian Channel (BEACH, 2014) (*) dont la version française est diffusée en France sur TV5 dans la série Décollage pour l’Amérique. Ce documentaire apporte, par des images remarquables, et par un commentaire captivant, un point de vue original et utile qui mérite d’être étudié. Il permet de s’interroger les modalités et les moyens avec lesquels se construit la vision et les connaissances attachées à un territoire.

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« Aerial America. Shows A Day in The Life of New York City ».
(L’Amérique vue du ciel. Un jour dans la vie de la ville de New York). Smithonian Channel, 2014.


  1. Quelle est la logistique métropolitaine de la ville de New York ?
  2. La construction du récit et des images
  3. Le texte de l’introduction du documentaire
  4. Les principales séquences
  5. La ville construite et ceux construisent la ville
  6. Le point de vue cinématographique et pédagogique de la série Aerial America
  7. Un regard aérien sur la condition urbaine
    Conclusion

1. QUELLE EST LA LOGISTIQUE MÉTROPOLITAINE DE LA VILLE DE NEW YORK ?

La logistique désigne l’ensemble des activités qui ont pour objet la gestion des flux matériels et immatériels qui répondent aux besoins de ceux qui habitent, qui travaillent, qui étudient, ou qui séjournent temporairement, ou de façon continue, par exemple dans un lieu. Il peut s’agir de matières premières, de marchandises, de fourniture d’énergie, de services, de moyens de transports, de données, d’accès à des réseaux…

Par logistique métropolitaine, on doit entendre la forme particulière de logistique territoriale qui est mise en oeuvre dans le cas particulier d’une grande ville.

2. LA CONSTRUCTION DES IMAGES ET DU RÉCIT DOCUMENTAIRE

Les auteurs de l’épisode de Aerial America consacré à New York ont construit leur documentaire à partir de deux composants : une enquête filmée et un récit.

  • l’enquête « filmée » doit être considérée comme une véritable enquête de terrain portant un regard « venant du ciel ». Les auteurs ont fait le choix de n’utiliser qu’un seul type de prises de vues réalisées toutes depuis un hélicoptère. Les images ne portent pas seulement un regard vertical, mais un regard latéral. Il n’est pas un statique, mais il « fait le tour » d’objets signifiants (sites, bâtiments, infrastructures routières ou ferroviaires, bateaux, activités humaines…) qui occupent le sol et qui sont constitutifs – de façon pérenne ou temporaire – des espaces survolés et des activités quotidiennes.
  • le récit qui accompagne les images donne un sens à la vision proposée. Le texte du commentaire qui est « joué » au sens propre (pour la version française) ne double pas l’image. Il la suscite. Il lui donne un sens. Il la prolonge.  Son propos, énoncé dans l’introduction, se donne pour objet de « montrer une journée ordinaire d’une ville extraordinaire ». Une journée précédée par d’autres, et suivie par d’autres.

Un lieu, à partir du moment où il est survolé, devient un espace particulier qui est distinct de celui que qui est perçu depuis le sol, enregistrant les événements qui s’y produisent. Ce n’est plus un territoire plat, cartographique, mais un territoire qui possède une épaisseur, une pluralité de niveaux qui inscrivent une histoire, car ce n’est pas l’histoire qui s’inscrit dans le sol, c’est le sol qui enregistre tous les événements qui s’y produisent, tous ceux qui s’y sont produits. L’exemple du survol des emplacements des deux tours du World Trade Center – les Twin Towers – détruites le 11 septembre 2001, est à ce titre, saisissant.

3. LE TEXTE D’INTRODUCTION DU DOCUMENTAIRE

« New York vue du ciel est une ville renversante. Ses tours immenses semblent flirter avec les étoiles. Ses habitants ont une façon bien à eux de vivre, de travailler et de se divertir.
Pour alimenter cette ville qui ne dort jamais, il faut une logistique hors du commun.
Partout à New York, des hommes et des femmes accomplissent l’impensable tous les jours. Ils creusent à des dizaines de mètres sous terre dans le substrat rocheux. Ils travaillent à des altitudes vertigineuses. Ils risquent leur vie suspendus aux tours les plus hautes des États-Unis.
De cette ville déchirée par la tragédie, les plus courageux doivent s’entraider d’arrache-pied, tandis que d’autres patrouillent jour et nuit au-dessus de Manhattan.
Il semble ne pas y avoir de limite à l’ingéniosité et aux efforts humains qui permettent à New York de prospérer.
Les infrastructures qui rendent cette ville habitable fonctionnent 24 heures sur 24. Les rues animées jusqu’au bout de la nuit brillent de mille feux pour les visiteurs venus du monde entier.
Et les tours gigantesques se font concurrence pour être la plus belle dans le ciel nocturne.
Voici une journée ordinaire dans une ville extraordinaire, la plus grande ville des États-Unis, New York.» (BEACH, 2014)

4. PRINCIPALES SÉQUENCES

  • la construction des gratte-ciel
  • les accès routiers pour atteindre Manhattan
  • la prise de service ces ouvriers qui creusent les tunnels surnommés les « Sandhogs »
  • les travaux d’entretien d’un pont suspendu
  • le centre de formation des pompiers de la ville de New York
  • les plages de Long Island,
  • le dépôt de trains desservant les différents quartiers
  • l’usine de traitement des eaux usées
  • l’imprimerie du journal The New York Times
  • l’évacuation des ordures ménagères.

« Aerial America. Shows A Day in The Life of New York City ». Extrait de l’article « Smithsonian Channel to Premiere All-New Installments of Iconic Series Aerial America »

5. LA VILLE CONSTRUITE ET LA VILLE DE CEUX QUI LA CONSTRUISENT

Le documentaire Aerial America consacré à New York insiste sur les ouvriers qui bâtissent la ville : le grutier en haut des gratte-ciels, les ouvriers qui creusent les tunnels surnommés les sandhogs qui ont travaillé, et qui travaillent encore, sur les chantiers des nombreux tunnels routiers ou ferroviaires existants à New York. Composé de deux mots : Sand (sable) et Hog (Porc, cochon, pourceau, babiroussa, pecari, tatou, goret…), il désigne les hommes qui travaillent dans des conditions difficiles, généralement dans la boue. Plusieurs études (articles, livres, émissions de radio, documentaires…) leur sont consacrées. L’hélicoptère filme une file d’ouvriers Sandhogs qui, le matin, se dirige vers l’entrée de leur chantier souterrain.

Sandhogs were the urban miners who worked on a variety of underground excavation projects in New York City. They worked in tight, small chambers that held back water and silt, and they breathed condensed air.
Digging a tunnel was not only uncomfortable, it was dangerous, and there was a high likelihood that workers could get decompression sickness also known as the bends. In fact, during the construction of the Pennsylvania Railroad tunnels, the bends claimed the lives of fifty Sandhogs.
(« Sandhogs », 31 mars 2015, https://99percentinvisible.org/episode/sandhogs/)

Les Sandhogs étaient des mineurs urbains qui travaillaient sur divers projets d’excavation souterraine à New York. Ils travaillaient dans de petites chambres étroites qui retenaient l’eau et le limon, et respiraient un air surpressé. Creuser un tunnel était non seulement inconfortable, mais dangereux, et il y avait une forte probabilité que les travailleurs puissent subir un accident de décompression, également connu sous le nom de « bend ». Lors de la construction des tunnels du Pennsylvania Railroad, les accidents de décompression ont coûté la vie à cinquante ouvriers ».
(« Sandhogs », 31 mars 2015, https://99percentinvisible.org/episode/sandhogs/)

6. LE POINT DE VUE CINÉMATOGRAPHIQUE ET PÉDAGOGIQUE DE LA SÉRIE AERIAL AMERICA

La série télévisée Aerial America a débuté en 2010 et comprend un total de 68 épisodes (en 2017). Elle est diffusée sur la chaîne de télévision Smithonian Chanel. Chaque documentaire est consacré à une visite aérienne d’un état américain. Les images sont constituées exclusivement de scènes filmées en utilisant un système de caméra gyro-stabilisée (Cineflex V14HD, exactement) monté sous un hélicoptère qui survole aussi bien les zones naturelles (comme les parcs nationaux) ou les maisons des zones urbaines. Le programme Aerial America a été nominé en 2015 pour un Webby Award dans la catégorie «Meilleur site de télévision».

La chaine de télévision « Smithsonian Channel » fait partie de la Smithsonian Institution qui est un organisme public de recherche scientifique dont la vocation est à la fois muséographique, pédagogique et éducatif. Elle gère un complexe de dix-neuf musées et de neuf centres de recherche principalement situés à Washington (D.C.). Son nom vient de James SMITHSON (1765-1829), chimiste anglais, qui a légué à sa mort sa fortune, estimée à l’époque à 100 000 Livres Sterling, au gouvernement des États-Unis d’Amérique pour créer une institution qui se consacrerait à promouvoir la science. La Smithsonian Institution fut créée en 1846.

« Aerial America. Shows A Day in The Life of New York City ». Extrait de l’article
« Smithsonian Channel to Premiere All-New Installments of Iconic Series Aerial America »,

7. UN REGARD AÉRIEN SUR LA CONDITION URBAINE

On ne peut s’empêcher de s’interroger sur ce qui constitue la particularité du regard aérien. Il existe bel et bien un « miroir aérien de la condition urbaine ». Quelle place les vues aériennes occupent-elles dans notre culture visuelle ? Dans une étude portant sur les relations entre les villes et leurs aéroports, Nathalie ROSEAU relève cette prise en compte en notant par exemple l’inscription des conditions même de l’ « aérianisation » de l’espace dans l’histoire culturelle. (ROSEAU, 2012). Parce que le fantasme icarien n’est pas seulement le rêve d’un simple vol, mais l’entrée de l’humanité dans l’époque de l’élévation et de l’apesanteur. L’approche culturaliste aborde la verticalité comme une aspiration avant d’être une construction, rejoignant ainsi les études de Denis Cosgrove (2001), Albrecht Koschorke (1990), Patrice Flichy (2009). Il existe une histoire de la vision aérienne des villes.

Avec la cartographie, les navigateurs, les chefs militaires, les aviateurs, des urbanistes… ont approché et se sont approprié une perception du monde vu d’en haut. Une nouvelle culture visuelle s’est mise en place à partir du XIXe siècle, faisant apparaître simultanément deux choses : 1. la terre comme un tout, et 2. les villes comme systèmes complexes susceptibles d’une lecture aérienne. Des études ont montré l’impact de la photographie et la cinématographie aérienne sur l’édition et sur la géographie. Pour Guillaume MONSEAINGEON cela souligne la fécondité du regard oblique « qui échappe aux simplifications du regard horizontal comme du regard vertical ». (MONSEAIGEON, 2013)

AERIAL AMERICA TURNS ITS BIRD’S EYE ON NEW YORK

« The series builds its episodes entirely with aerial photography, a technique that it has been using to tour the United States one state at a time. (…)
The episode is structured as a 24-hour cycle, starting with predawn commuters, winding through the workday and finishing with striking imagery of the city after dark. The camera is nothing if not eclectic, showing bird’s-eye views of group yoga in Bryant Park; Fire Department training exercises on Randalls Island; the eerily beautiful Newtown Creek Wastewater Treatment Plant (2) in Greenpoint, Brooklyn, at night; and workers on the 1 World Trade Center spire. As the narrator says, “There’s always someone doing a fascinating job somewhere in New York City.”» (GENZLINGER, 2017)

AERIAL AMERICA PORTE UN REGARD D’OISEAU SUR NEW YORK

« La série construit ses épisodes entièrement avec des photographies aériennes, une technique qu’elle utilise pour parcourir les États-Unis, État par État, à chaque fois. (…). L’épisode est structuré comme un cycle de 24 heures, commençant par l’arrivée avant l’aube des travailleurs de la journée, et se terminant par des images saisissantes de la ville après la tombée de la nuit. La caméra est tout simplement multiforme, montrant des vues plongeantes sur un groupe de yoga à Bryant Park ; des exercices de formation des pompiers sur Randalls Island ; l’étrange et belle usine de traitement des eaux usées de Newtown Creek (2) à Greenpoint, Brooklyn, la nuit ; et les travailleurs de l’antenne du World Trade Center 1. Comme le dit le narrateur : « Il y a toujours quelqu’un qui fait un travail fascinant quelque part à New York. » (GENZLINGER, 2017)

CONCLUSION

Réaliser un film documentaire réflexif (qui réfléchit, qui donne à réfléchir…) ne consiste pas à filmer de façon improvisée, à monter des images prises « au hasard », à les mettre bout-à-bout au montage, et après coup, à commenter la suite reconstituée. Ce travail présente au contraire un discours fortement structuré, fondé sur une réalité observée et captée, construisant un récit. Une telle « raison cinématographique », adoptant un regard « vu du ciel », constitue un apport à la recherche.

Prenant l’exemple des images des villes bombardées prises à partir d’avions pendant la Première Guerre Mondiale de 1914-1918, Paul VIRILIO relevait que « le développement de la photographie et de la cinématographie aériennes ont accompagné une révolution majeure qui concerne la perception de l’espace-temps » (VIRILIO, 1984). Elle a aboutit à développer un nouveau système de mondialisation (globalisation) de la vision (CASTRO, 2007, p.33).

Existe-il précisément une raison cartographique des images cinématographiques ? Teresa CASTRO définit la raison cartographique comme « un mode de pensée de l’espace lié au rapport cognitif particulier de la cartographie du réel », traduisant un problème d’espace-temps déclinable à trois niveaux : en tant que mode de pensée, en tant que rationalité historique, et en tant que champ épistémologique (CASTRO, 2007, p. 28), c’est-à-dire comme appartenant à une théorie de la connaissance, fondatrice d’une étude critique des sciences, destinée à déterminer leur origine, leur logique, leur valeur et leur portée.

Sylvie MONNIOTTE-MÉRIGOT
2017 et 2024


NOTE

(*) BEACH Toby (2014). Aerial America. Shows A Day in The Life of New York City, Green River Poste, The Smithonian Television, Tukor Television. 51 minutes. Version originale en ligne :  https://www.dailymotion.com/video/x7vdq3u (Consulté le 16 janvier 2024)


RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

BEACH Toby (2017). « Décollage pour l’Amérique : New York »,  51 minutes. Diffusion sur TV5 le 1er décembre 2017. (Version française de : « Aerial America. Shows A Day in The Life of New York City », 2014). Avec près de 9 millions d’habitants, New York est la plus grande ville des États-Unis et une des métropoles les plus dynamiques et cosmopolites du monde. Survol durant 24 heures de ce colossal organisme urbain, à la découverte de ses lieux les plus emblématiques mais aussi des rouages qui assurent son fonctionnement quotidien.
CASTRO Teresa (2007). « Le cinéma et la raison cartographique des images », Travaux de l’Institut Géographique de Reims, vol. 33-34, n°129-130, 2007. Spatialités de l’Art. pp. 27-37. doi : https://doi.org/10.3406/tigr.2007.1529 https://www.persee.fr/doc/tigr_0048-7163_2007_num_33_129_1529
DERRICK Peter (2001). Tunneling to the Future: The Story of the Great Subway Expansion That Saved New York. Documents the importance of underground expansion due to the vast population of New
DORRIAN Mark Dorrian et POUSIN Frédéric (dir.) (2012)., Vues aériennes : seize études pour une histoire culturelle, Genève, MétisPresses.
GENZLINGER Neil (2017). “Aerial America’ Turns Its Bird’s Eye on New York”, The New York Times, June 1, 2017. https://www.nytimes.com/2017/06/01/arts/television/aerial-america-smithsonian-new-york-city.html

MACKAY Donald A. (2006). The Building of Manhattan: How Manhattan Was Built Overground and Underground, from the Dutch Settlers to the Skyscrapers, Harper and Row.
MONSEAINGEON Guillaume (2013). « En apesanteur : la ville au prisme de l’aéroport », Métropolitique, 1er février 2013. http://www.metropolitiques.eu/En-apesanteur-la-ville-au-prisme.html
NUWER Rachel (2017). « Wastewater Is for Lovers », The New York Times, February 12, 2017. https://green.blogs.nytimes.com/2013/02/12/wastewater-is-for-lovers/
ROSEAU Nathalie (2012). Aerocity : quand l’avion fait la ville, Marseille, Parenthèses, 2012, p. 286.
SMITHONIAN CHANNEL. « Aerial America, See the USA in a new way ». https://www.smithsonianchannel.com/shows/aerial-america/701


LÉGENDES DES ILLUSTRATIONS


POUR CITER CET ARTICLE

MONNIOTTE-MÉRIGOT Sylvie (2017). « Mondialisation. La logistique métropolitaine de la ville de New York. Le documentaire de Toby Beach », Portes de l’Essonne Environnement, http://portes-essonne-environnement.fr (ISSN 2495-1161 Dépôt légal du numérique, BNF) Article mis en ligne le 5 décembre 2017. Mis à jour le 16 janvier 2024. http://portes-essonne-environnement.fr/la-logistique-metropolitaine-de-la-ville-de-new-york-le-regard-du-film-documentaire-de-tony-beach-ii/

Cette entrée a été publiée dans Géographie urbaine, Ingénierie territoriale, Intelligence territoriale, Logistique métropolitaine, Métropolisation, Ressources pédagogiques, Stratégie territoriale, Transport routier le 5 décembre 2017 par Sylvie MONNIOTTE-MÉRIGOT.

 

Taxis volants au-dessus de Paris en 2024 : un inquiétant projet soumis à enquête publique

Les Jeux olympiques de Paris en 2024 agitent les esprits. Leur organisation justifie aussi bien des projets touristico-sportifs ponctuels sans lendemain, couteux et créateurs de pollutions et de nuisances, que des réalisations structurantes ayant la capacité d’améliorer de façon durable les conditions de vie de ceux qui y vivent et y travaillent tout au long de l’année.

Comment faire le tri entre l’utile et l’inutile, entre le bénéfique le nocif pour l’environnement et la qualité de vie ? Telle est la question citoyenne qui doit être posée à l’occasion de l’enquête publique ouverte par la Préfecture de la région d’Ile-de-France sur l’inquiétant projet d’aménagement d’un héliport en plein coeur de Paris, quai d’Austerlitz, destiné à accueillir des taxis volants. Comme s’il était désormais admis comme normal que les villes soient survolées à basse altitude, jour et nuit, par des Objets Volants Identifiés Indésirables (O.V.I.I.).

Un projet élitiste et absurde

Il est souhaitable que le plus grand nombre de citoyens prenne connaissance du dossier qui, par ses implications et de ses conséquences, est à contresens de l’évolution souhaitable des mobilités urbaines.

Alors que l’évolution des déplacements urbains se dirige à grande cadence vers des modes doux et/ou collectif, ce projet est porteur à son paroxysme d’une individualisation et d’un élitisme concernant un moyen de transport qui, utilisant l’espace public, a ‘abord une vocation publique, c’est-à-dire d’être ouvert à tous. Le prix de « la course » du taxi volant est estimé à 150€, ce que le directeur d’Aéroport de Paris estime avantageux par rapport à la course en taxi automobile…

L’empreinte énergétique est de toute évidence considérable. Le bruit des survols (pollutions sonores) est inévitable et il subsiste un risque incompressible d’accident et de chute sur les populations survolées. Ce moyen de transports présente tant d’absurdités environnementales et sociales au point qu’il est difficile de croire qu’il ne s’agit pas d’un canular.

CONCLUSION

De tels moyens de transport (pour qui ?) n’ont pas leur place dans nos villes. Ils ne l’ont pas davantage dans nos campagnes.

RÉFÉRENCES DE L’ENQUÊTE PUBLIQUE :

https://www.prefectures-regions.gouv.fr/ile-de-france/Documents-publications/Consultations/Enquetes-publiques/Enquete-publique-Vertiport-experimental-Quai-d-Austerlitz-Paris-13eme


Portes de l’Essonne Environnement
http://portes-essonne-environnement.fr
Média numérique
ISSN 2495-1161. Dépôt légal du numérique, BNF 2021

Nourrir les oiseaux des jardins

Nourrissage d’oiseaux de jardin (c) 2022 Jean-Marie CORBIN pour l’association Portes Essonne Environnement

Les froids de l’hiver approchent, les petits animaux ont froid et ont du mal à se trouver de quoi se nourrir. Certains comme les hérissons hibernent mais les oiseaux des jardins non migrateurs subissent la dureté de l’hiver. Il y a beaucoup de pertes pour ces braves petits piafs alors qu’ils participent activement à la régulation de la biodiversité au printemps et en été en consommant une grande quantité d’insectes qui parasitent nos arbres fruitiers.

Dès que les températures sont inférieures à 10°C, un supplément nutritif est le bienvenu. Si vous êtes amateur de fromage, les croutes de fromage réduites en petits morceaux sont les bienvenues mais cela ne suffira à nourrir toute la troupe céleste environnante.

Tout d’abord, il faut organiser le « couvert », c’est-à-dire disposer une mangeoire. La mangeoire se trouvera en hauteur dans un arbre de manière à ce que le ravitaillement de nos petits amis soit sécurisé et ne soit pas une cible trop facile pour ces enfoirés de sales greffiers. Une boîte en bois percée de 2 trous de diamètre 63 et munie d’un couvercle transparent est bon début. Elle sera fixée ou posée sur l’arbre. Les rouges-gorges, les mésanges, les pinsons et même les pigeons (je n’aime pas trop ces derniers) iront s’y nourrir.

On peut y disposer du grain pour les moineaux de passage s’il y en a dans le secteur. Les pinsons semblent aussi être granivores.

Par contre, les mésanges préfèrent le tournesol et les cacahouètes. Pour le tournesol, il convient d’utiliser une mangeoire cylindrique. Le modèle transparent avec 2 trous à la base convient parfaitement. On peut y mettre soit un mélange cacahouète et tournesol soit du tournesol pur. Le modèle à grillage à fine mailles ne convient pas ni pour le tournesol qui passe à travers ni pour les cacahouètes entières à décortiquer.

On pourra compléter avec des boules de graisse où les mésanges iront picorer selon leur besoins. Attention à ne pas mettre que des boules de graisses car ces petites bêtes sont aussi sensibles que nous aux problèmes de santé conséquents à une alimentation trop grasse. La boule de graisse pourra être abritée avec un couvercle afin d’éviter une dégradation trop rapide avec le ruissellement de la pluie.

Le filet de cacahouète, disposé avec un couvercle par-dessus, sera là plus pour le divertissement. En effet, les mésanges savent fort bien percer les coques des cacahouètes pour se régaler de l’intérieur mais il faut aussi savoir que cela leur prend du temps et les journées d’hiver sont courtes …

Toutefois nourrir des animaux avec des cacahouètes n’est pas forcément une bonne idée. En effet, les arachides d’où viennent cacahouètes, poussent dans le sol comme les tubercules de pommes de terre et ce ne sont pas des plantes qui poussent sous nos latitudes. C’est donc totalement inconnu de nos oiseaux de jardin non migrateurs.

Concernant les mélanges pour oiseaux, il y en a de différentes sortes. Les mélanges universels ne sont pas formidables car ils contiennent trop de graines qui n’intéresseront pas certains oiseaux communs des jardins comme les mésanges. Pire, lorsque des graines diverses seront mélangées avec du tournesol, les mésanges iront jeter au sol, les graines qui ne leur plaisent pas pour atteindre et sélectionner que les graines de tournesol. Par ailleurs, en dehors des moineaux, je n’ai pas remarqué de la part des autres oiseaux un intérêt pour ces mélanges.

Note : je n’ai absolument pas du tout envie de nourrir les pigeons et les perruches à collier ou perruches vertes. Ces dernières sont une espèce très invasive, qui à mon avis, devrait être régulées d’une manière très ferme vu les nuisances occasionnées avec la destruction d’espèces locales (encore un point de désaccord avec le discours officiel des khmers verts aux idéologies complètement hors-sol).

Pour les graines de tournesol, il y en a de toutes sortes de conditionnement dans le commerce. Le mélange cacahouète plus tournesol Bites for Bird  chez Action est à 0,99€ les 300g soit 3,30€/kg. C’est un bon début mais on s’apercevra que ça part asse vite. J’ai également remarqué que certains sachets ne contenaient pas 300g de nourriture mais seulement 275g.

Après avoir regardé chez Truffaut et chez Gamm Vert, les graines de tournesol sont vendues aux alentours de 40€ les 12,5kg soit 3,20€/kg ce qui n’est pas donné. J’ai eu la bonne surprise de trouver chez Leclerc des sachets Pictou (produit français) de 3kg de graines de tournesol à 5,09€ soit 1,70€/kg ce qui est un très bon prix vu la spéculation environnant le tournesol et dont l’Ukraine est un des producteurs majeurs.

Enfin, si nourrir nos petites bêtes, est une belle intention n’oubliez pas qu’une fois l’alimentation commencé, il faut réapprovisionner régulièrement jusqu’à la fin de l’hiver et qu’il ne faut pas que cela se fasse au détriment d’autres espèces animales là où sont cultivées les graines achetées dans le commerce. À ce sujet, je ne dispose d’aucune information attestant que les pays de l’Est et notamment l’Ukraine très orientée vers l’agriculture intensive soient particulièrement respectueux de l’environnement et de la biodiversité.

Une fois les repas bien préparés et bien servis, posez donc soit une caméra de chasse soit carrément une caméra de surveillance adossée à un enregistreur à disque dur. Vos observations, en plus d’être une distraction très agréable, vous permettront d’adapter matériels et nourritures au plus près des besoins de nos petites bêtes. À ce propos, la caméra restera en veille la nuit car les rats de passage sont largement capables de grimper aux arbres pour subtiliser la nourriture destinée aux oiseaux.

Collecte de déchets électriques et électroniques (DEEE)

Ce samedi 16 octobre avait lieu une collecte de déchets et électroniques (DEEE) à Savigny-sur-Orge. Notons au passage, un petit cafouillage parmi un des dix membres du service communication de la mairie puisque le site internet de la mairie indiquait une collecte aux services techniques situé à la ZAC des Gâtines alors que la flyer papier donnait rendez-vous sur le parking du gymnase à Grand-Vaux. En définitive, un agent municipal a été dépêché, le temps de la collecte à Grand-Vaux avec une fourgonnette pour collecter les DEEE.

En volume, les apports furent assez conséquents comme l’atteste la photo.

Néanmoins, les appareils semblent être de conception bien ancienne, ils auront donc peu de chance de retrouver le circuit du réemploi même s’ils sont en bon état ou sont facilement réparables. Les matériels collectés sont envoyés à une association de recyclage et/ou de valorisation située à Trappes (est-ce la SIAE ENVIE ? Cela reste à confirmer)

Pour rappel, il existe d’autres possibilités pour le particulier de se séparer de ses DEEE soit par apport volontaire en déchetterie, ou dans la plupart de grandes surfaces, soit par via une collecte à domicile à la demande en contactant Allorécup’ au 01 78 18 22 24 (dechets.secteursud@grandorlyseinebievre.fr).

Les DEEE collectés en fin d'après midi sur le parking de Grand-Vaux
Les DEEE collectés en fin d’après midi sur le parking de Grand-Vaux

L’éco-socialisme démocratique remplacera-t-il le capitalisme ? (Vishwas Satgar)

« Les robinets du pétrole ne seront fermés que lorsque le dernier dollar sera extrait de cette ressource mortifère » écrit le sociologue Vishwas SATGAR (1). Pour lui, il ne faut pas se cacher que la logique du capitalisme contemporain ne relève pas seulement de la prédation des biens naturels, mais d’un écocide « c’est-à-dire d’un anéantissement des conditions nécessaires au maintien de la vie humaine et non humaine sur la planète Terre ».

Un sourire pour l’année 2021. Tag urbain. Plaque d’égout peinte à la bombe de peinture bleu, au milieu de la chaussée, rue de la Liberté (au droit de la rue Édouard Ferron) à Savigny-sur-Orge (Essonne), 30 décembre 2020. © Photographie Bernard Mérigot / CAD.

Qualifier le pétrole de substance « mortifère » (qui provoque la mort) constitue un raccourci militant. Il exprime en un mot que l’exploitation et l’utilisation de cette énergie fossile, par les pollutions qu’elle produit, portent atteinte à l’environnement, détériorent la santé humaine, et dégradent le climat.
Vishwas SATGAR enseigne les sciences politiques et la sociologie à l’université de Witwatersrand en Afrique du Sud. Surnommée en abrégé « Wits University », c’est la plus importante université du pays (30 000 étudiants). Elle a été créée à Johannesburg en 1896. Le prix Nobel de la Paix Nelson MANDELA y a étudié et enseigné. Trois autres prix Nobel, Aaron KLUG (Chimie), Nadine GORDIMER (Littérature) et Sydney BRENNER (Physiologie/médecine), mais aussi Johnny GLEGG, y ont été professeurs.

Les analyses sur l’état économique et social du monde développées par les universitaires non-européens sont, d’une façon générale, moins frileuses, et plus déterminées que celles de nombre de « spécialistes » français et européens. Ils s’affranchissent plus librement d’un conformisme ambiant à l’égard des systèmes en place, comme si leur appartenance au continent africain, asiatique ou sud-américain, et aux réalités quotidiennes de leurs territoires en développement conjugués, les amenaient à prendre des positions militantes pour l’avenir, tirant des conclusions apportées par les  sciences humaines et sociales qu’ils enseignent.

Il en est ainsi à l’égard de l’écologie et du réchauffement climatique qui ne saurait plus aujourd’hui constituer un sujet de débat – vous savez, la fameuse et imbécile question « le climat se réchauffe, ou ne se réchauffe-t-il pas ? » que nous entendons depuis si longtemps. Ces questions sont désormais entrées  dans le domaine d’actions positives qui fait consensus. Ses fondements sont enseignés et ses implications pratiques sont déclinées  par de nombreuses recherches universitaires dans diverses disciplines.

SATGAR Vishwas (Ed), The Climate Crisis. South African and Global Democratic Eco-Socialist Alternatives, Wits University, South African Republic, 2018, ISBN: 9781776142071

Le changement climatique s’accélère.

« Dans le monde contemporain du capitalisme centré sur le carbone, les voitures gourmandes en essence, les avions de haute technologie avancée, et les gigantesques porte-conteneurs et les gratte-ciels, tous consommateurs d’énergie, constituent des armes de destruction massive.
Plus les relations sociales basées sur une consommation intensive de ressources et centrées sur le carbone prévalent, plus le changement climatique s’accélère. »
(p. 13)

Vishwas SATGAR propose une évidence que l’on ne peut rejeter : la logique du capitalisme contemporain, qui est fondé sur un mode d’appropriation et d’accumulation de biens, est un mode d’anéantissement progressif des conditions nécessaires au maintien de la vie humaine et non humaine sur la planète Terre

« Il est sidérant de constater que le capital carbone conserve encore sa place dans le mix énergétique mondial,
•   malgré tous les signaux d’alarme lancés par les sciences du climat,
•   malgré le ralentissement de la demande lié à la pandémie Covid-19,
•   malgré les évènements climatiques extrêmes qui se produisent chaque semaine sur la planète Terre. »

Les défenseurs de la justice climatique développent trois formes d’action de rupture :

  1. La rupture symbolique avec la normalité. Tout le monde pense à Greta THUNBERG et aux actions de protestation que la jeune génération mène autour de #FridayForFutur. Il est urgent de prendre en compte les données de la science sur le climat.
  2. La rupture tactique par le blocage de la production de carbone : extraction des combustibles fossiles, boycott de MacDonald’s, Walmart, Subway… qui ont des intérêts dans l’agriculture sur brûlis en Amazonie, blocage des mines de charbon en Allemagne…
  3. Rupture stratégique du capitalisme écocide en proposant des alternatives systémiques (« Green New Deals », Pactes verts).

La triple violence coloniale, néolibérale et impérialiste n’a pas réussi à détruire l’attente d’une relation désaliénée avec le monde, garanties par un humanisme positif et un monde lent, fondé sur les cycles métaboliques de la nature.

CONCLUSIONS

  • L’éco-socialisme est une vision qui se pose à tous les niveaux des gouvernances territoriales. Aucune des gouvernances imbriquées ne doit attendre les autres. Chacune doit prendre sans tarder des initiatives.
  • Les biens communs mondiaux (l’eau, la terre, la biodiversité, les océans, la biosphère…) sont impliqués dans la revanche de la nature contre l’écocide capitaliste : à l’infinité de la nature s’oppose, au-delà de la finitude individuelle des humains, cette autre infinitude qui est la croyance dans l’infini d’un destin partagé.
  • Ces idées qui doivent s’imposer, internationalement, nationalement et localement et commander quotidiennement les actions concrètes d’une écologie intégrale.

Vishwas SATGAR, The Climate Crises and Democratic Eco Socialist Alternatives, 1 March 2018. Video Youtube https://www.youtube.com/watch?v=dfxrZuG7nwI


RÉFÉRENCES

SATGAR Vishwas, « Après le capitalisme, l’éco-socialisme démocratique ? », Dialogue global, International Sociological Association (ISA), 2020/3, pp. 13-15.
Vishwas SATGAR est professeur de Sociologie à l’Université du Witwatersrand (Afrique du Sud). Membre du Comité de recherche de l’International Sociological Association (ISA).

SATGAR Vishwas, The Climate Crisis. South African and Global Democratic Eco-Socialist Alternatives, Wits University, South African Republic, 2018, ISBN: 9781776142071
(Subjects: Earth and Environmental Sciences, Climatology and Climate Change).

SATGAR, Vishwas The Climate Crises and Democratic Eco Socialist Alternatives, 1 March 2018. Video Youtube https://www.youtube.com/watch?v=dfxrZuG7nwI

COMMENTAIRE DES ILLUSTRATIONS

  • Un sourire pour l’année 2021. Tag urbain. Plaque d’égout peinte à la bombe de peinture bleu, au milieu de la chaussée, rue de la Liberté (au droit de la rue Édouard Ferron) à Savigny-sur-Orge (Essonne), 30 décembre 2020. © Photographie Bernard Mérigot / CAD.
  • SATGAR Vishwas (Ed), The Climate Crisis. South African and Global Democratic Eco-Socialist Alternatives, Wits University, South African Republic, 2018, ISBN: 9781776142071
  • Vishwas SATGAR, The Climate Crises and Democratic Eco Socialist Alternatives, 1 March 2018. Video Youtube https://www.youtube.com/watch?v=dfxrZuG7nwI

© Sylvie MONNIOTTE-MÉRIGOT et Bernard MÉRIGOT. Article mis en ligne le 18 février 2021.

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ISSN 2495-1161. Dépôt légal du numérique, BNF 2021