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La démolition de la maison aux volets bleus

Urbanisme : réflexions sur les démolitions et les constructions nouvelles (Épisode 1)

« La Maison aux volets bleus », 29 rue Chamberlin, à Savigny-sur-Orge,
Un « Permis de démolir » (n° PD 91589 25 10005) est affiché – discrètement – sur le mur, à coté du portail de droite. (Voir la photo du détail du panneau plus bas dans l’article et le texte en Annexe)
© Photographie PEE, 24 juin 2025

L’histoire d’une ville est composée d’une succession de démolitions, de constructions, de reconstructions, que ce soit de maisons, d’immeubles, de bâtiments divers, de monuments. Quelles sont les conséquences de ces perturbations pour les riverains et les habitants qui sont autant de violences à un quotidien menacé ? Comment les vivent-ils ? Quel souci le reste de la communauté habitante porte-t-elle aux nuisances des travaux, à la perturbation d’un environnement vécu par une partie d’elle-même ? Au deuil ce qui a été et n’est plus ? Et puis aux contraintes nouvelles imposées ?
On lira ci-dessous, daté du 13 juillet 2025, l’épisode n°1 intitulé :  » La démolition de la maison aux volets bleus. »

LES DROITS MÊLÉS DE LA VIE EN SOCIÉTÉ

L’histoire de l’urbanité d’une ville, vécue quotidiennement, met en jeu plusieurs métiers, plusieurs pratiques, plusieurs disciplines (urbanisme, architecture, sociologie) qui s’inscrivent dans de multiples et complexes dimensions du Droit – tantôt Droit privé, tantôt Droit public – qu’il s’agisse de droit matériel ou de droit immatériel :

  • du droit public (plans d’urbanisme locaux, intérêt éventuel d’un projet pour la collectivité, permis de construire déposé en Mairie, délivré, modifié, exécuté…), des nuisances causées par les travaux…
  • du droit propre (droit à bâtir) du propriétaire démolisseur/constructeur d’une parcelle cadastrale,
  • du droit des propriétaires et habitants riverains, qu’ils occupent une parcelle directement mitoyenne ou bien voisine. Il est à noter que la plupart du temps ceux-ci ne sont ni informés, ni consultés de façon préalable, et se trouvent mis tardivement devant un « fait accomplis »,
  • du droit des usagers de la ville, ceux qui parcourent ses rues parce qu’ils y habitent, fréquentent ses commerces et ses espaces de vie, qui y travaillent. Rappelons que tous possèdent en partage une partie de la propriété du lieu. C’est une question d’éthique.

Aucun de ces droits particuliers – pris chacun dans sa spécificité – ne saurait prévaloir sur les autres. Ils concernent tous le cadre urbain du vivre ensemble, avec ses fonctionnalités tant concrètes qu’imaginaires, ses pratiques quotidiennes, ses mémoires multiples et ses imaginaires qui fondent l’identité d’une communauté humaine attachée à un lieu de vie, qu’elle soit temporaire ou durable. Habiter un lieu particulier, c’est habiter à une adresse précise, une maison, un appartement, un commerce, un bureau… C’est aussi habiter chaque jour tout ce qui entoure ce lieu et la façon dont chacun à sa façon le fréquente.

Le Permis de démolir en date du 6 juin 2025 portant le n° PD 91589 25 10005
affiché sur le mur de clôture du 29, rue Chamberlin, 91600 Savigny-sur-Orge
(Voir le texte en Annexe)
© Photographie PEE, 24 juin 2025

DÉMOLIR EST UNE ATTEINTE AU DROIT (Injuria)

On ne peut penser la raison du sujet bâtisseur sans penser la raison du sujet démolisseur. Françoise CHOAY a consacré à cette question un chapitre d’un de ses ouvrages qu’elle a intitulé « De la démolition » (CHOAY, 2009). Elle rapporte le propos de Leon Battista ALBERTI (1404-1472), humaniste italien de la Renaissance. Il composa en 1465 son ouvrage De re aedificatoria (L’art d’édifier) dans lequel il condamne avec violence la démolition des bâtiments construits : pour lui, c’est un crime, une atteinte au droit, qu’il qualifie d’injuria, terme juridique qui désigne une atteinte à la réputation ou à l’intégrité physique d’une personne, un acte visant à porter altère l’estime de soi et l’honneur de la personne lésée, l’humilie ou à la dégrade aux yeux d’autrui.

Celui qui démoli ne démoli pas seulement ce qui lui appartient, il démoli ce qui appartient aussi aux autres.

Philippe TRENTY, 13 juillet 2025

La suite au prochain épisode.


ANNEXE

PERMIS DE DÉMOLIR

N° de Permis : PD 91589 25 10005
En date du : 06/06/2025
Bénéficiaire(s) : OGEC INSTITUT ST LOUIS
Nature de travaux : Démolition d’un pavillon e d’un préfabriqué
Superficie du terrain : 3 671 m2

Le dossier peut être consulté à la Mairie de Savigny-sur-Orge, 48 avenue Charles de Gaulle,
91600 Savigny-sur-Orge

CHANTIER INTERDIT AU PUBLIC


RÉFÉRENCES  BIBLIOGRAPHIQUES

ALBERTI Leon Batista (1465). De re aedificatoria (L’Art d’édifier). Traduit en français en 1553 sous le titre L’Art de bien bastir.
CHOAY Françoise (2009). « De la démolition », Pour une anthropologie de l’espace. Paris, Le Seuil. La Couleur des idées, p.286-306. URL : https://shs.cairn.info/pour-une-anthropologie-de-l-espace–9782020825337-page-286?lang=fr.
Code de la Construction et de l’habitation 2025 annoté et commenté, Dalloz, 2 580 p. (91,00 €)
DUPUY Sabine (et YOUNSI Karima) (2008). Contre les démolitions. La patrimonalisation d’un savoir-habitant, Laboratoire REV, Université Paris-Val de Marne, PUCA, 111 p. https://www.urbanisme-puca.gouv.fr/IMG/pdf/rapport-contre-demolitions-patrimonialisation-savoir-habitant.pdf
FABUREL Guillaume (2013). « L’habitant et les savoirs de l’habiter comme impensés de la démocratie participative », Cahiers RAMAU (Réseau d’Activités des Métiers de l’Architecture et de l’Urbanisme), 6 | 2013, https://cahiers-ramau.edinum.org/377

POUR CITER CET ARTICLE
TRENTY Philippe (2025). « La démolition de la maison aux volets bleus. Urbanisme : réflexions sur les démolitions et les constructions nouvelles (Épisode 1) », 13 juillet 2025, Portes de l’Essonne Environnement (PEE). http://portes-essonne-environnement.fr/la-demolition-de-la-maison-aux-volets-bleus/