Douzième territoire de la Métropole du Grand Paris (MGP) né officiellement le 1er janvier 2016, l’établissement public était jusqu’à présent tantôt dénommé EPT 12, tantôt provisoirement Grand-Orly Val-de-Bièvre Seine-Amont, oubliant de fait la partie essonnienne de ses 24 communes. La première question abordée lors de la séance publique du conseil du 26 septembre 2016 porte sur le « Choix du nom de l’Établissement public territorial », à savoir Grand-Orly Seine Bièvre (GOSB), suite à une consultation citoyenne numérique effectuée au cours de l’été. (1) (2)
Un « nouveau ancien » nom… Peut-on justifier l’injustifiable ?
Michel LEPRÊTRE, président de l’EPT 12, répond dans un communiqué de presse que le choix du nom «ne changera rien». (3) On doit s’interroger sur le non-effet de cette décision. C’est, par anticipation, un déni de décision. « Nous décidons, mais c’est comme si nous ne décidions rien » : c’est la démocratie à rebours. Parce que si une assemblée délibérante vote quelque chose, et que cela ne change rien, la question que posait Paul VALÉRY, s’impose : « A quoi bon ? » (4)
Dans son communiqué, Michel LEPRÊTRE se livre au difficile exercice de justifier l’injustifiable. « Il est difficile de s’accorder sur le nom de ce territoire. Est-ce étonnant ? » Il rappelle que la majorité des communes membres de l’EPT 12 a été «politiquement en opposition» à la loi NOTRe. « Nous ne portons pas toutes et tous forcément les mêmes conceptions de construction du territoire et notre vision de la métropole est évidemment l’objet de débats très profonds ». Il s’agit donc d’un accord… sur un désaccord.
Il poursuit : « Il me paraît important de souligner que ce nom, quel qu’il soit, sera surtout utile pour les acteurs économiques, les partenaires institutionnels avec lesquels nous avons beaucoup de choses à construire ». Michel LEPRÊTRE se livre à un aveu terrible : « Ce nom, quel qu’il soit… ». Autrement dit, peu importe. C’est du pareil au même.
L’EPT Grand-Orly Val-de-Bièvre Seine-Amont devient l’EPT Grand-Orly Seine Bièvre
Vous ne remarquez rien ? Ne prend-on pas les citoyens contribuables pour des vaches à lait sans cervelle ? Dans le premier nom : Orly, Bièvre, Seine. Dans le second nom : Orly, Seine, Bièvre. Où est la différence ? Il est à craindre que cette nouvelle dénomination indiffère tout le monde. Pourquoi le président de l’EPT 12 met-il en avant l’économie et non pas l’identité du territoire ? Les 679 463 habitants des 24 communes peuvent-ils se reconnaître dans un amalgame de circonstances auquel personne visiblement ne croit ?
En créant en janvier 2016 la Métropole du Grand Paris (MGP) et les douze établissements publics territoriaux qui la composent, l’État a constitué des structures artificielles sans aucune identité. Se trouvant dans l’incapacité de leur trouver un nom, faisant preuve d’une imagination que l’on hésite à qualifier, il leur a affecté un simple numéro, de 1 à 12. C’est ainsi qu’est né l’EPT 12. « – Moi, j’habite dans l’EPT 12. – Et moi dans l’EPT 5 ». C’est poétique et évocateur : on se croirait dans la trilogie cinématographique Hunger Games où les protagonistes vivent dans des districts numérotés de 1 à 13 réunis en un Panem. Les 677 462 habitants des 24 communes de l’EPT 12 ont été ainsi rassemblés sans avoir été consultés.
La guerre des territoires commence toujours par la guerre des noms, dans laquelle d’office les Portes de l’Essonne a été éliminée. En effet, l’EPT 12 a été constitué de quatre anciennes communautés d’agglomérations. Dans un premier temps, il s’est donné un nom provisoire qui associe trois d’entre elles « Grand-Orly, Val-de-Bièvre, Seine-Amont ». Significativement la mention de la quatrième intercommunalité qui le compose, et qui est « Les Portes de l’Essonne », a été omise. Cela s’est passé dans la plus grande indifférence et avec l’assentiment tacite des élus des six communes concernées (Athis-Mons, Juvisy-sur-Orge, Morangis, Savigny-sur-Orge, Paray-Vieille-Poste, Viry-Châtillon). Les communes des Portes de l’Essonne sont au nombre de 6 sur un total de 24, ce qui représente 25 % de l’EPT 12 : elles sont noyées dans la masse.
Le faux prétexte avancé par les élus essonniens et eptdouziens a été celui du caractère provisoire du nom pris janvier 2016. Chaque fois qu’une administration ou des élus avancent le caractère prétendument « provisoire » d’une décision, cela doit être traduit immédiatement par « définitif ». Tout provisoire est porteur du germe du définitif. Lorsqu’ils disent c’est provisoire, cela veut dire : « Je n’ose pas le dire, mais c’est décidé et on n’a pas l’intention de revenir dessus ». Le nom de l’EPT 12 était « Grand-Orly Val-de-Bièvre Seine-Amont ». Le nom définitif est « Grand-Orly Seine Bièvre ». A deux mots près, vous percevez une différence ? Nous, non.
L’EPT 12, qui se nomme « provisoirement » établissement public territorial Grand-Orly Val-de-Bièvre Seine-Amont, a eu une idée : organiser une consultation auprès des habitants pour leur demander quel nom ils souhaitent donner au territoire qui décide de l’avenir de leur territoire. (2) Les différentes propositions faites sous la houlette de la société privée Berger-Levrault ne sont aucunement le fruit d’une concertation citoyenne. Elles émanent toute de l’institution. Le citoyen peut même trouver une mention « Autres propositions » qui, elle, constitue un faux choix puisque les noms proposés par les votants n’ont aucune chance d’aboutir face aux propositions prédéterminées. Nous sommes dans le cas typique d’une fausse démocratie participative. Au fait, quel est le coût du prestataire de services Berger-Levrault pour cette consultation qui aboutit à alléger de quelques mots le nom provisoire ? Personne ne le sait !
Autre aberration : les résultats de cette fausse consultation citoyenne n’ont pas été publiés, ni sur les sites des agglomérations de l’EPT12, ni sur le site de Seine-Amont qui semble avoir centralisé les informations premières fournies par l’administration embryonnaire de l’EPT 12 depuis sa création officielle. Nous naviguons le déni de la démocratie. Le communiqué de presse non signé par Michel LEPRETRE, mais de son directeur de Cabinet, indique que trois noms sont arrivés en tête et ont été soumis au choix des maires les 6 septembre 2016. La transparence aurait voulu que tout citoyen ait communication du nombre de votants, du nombre de votes obtenus pour chaque nom proposé, des noms donnés par les votants dans la catégorie « Autre proposition », du nombre de maires votants le 6 septembre 2016, du nombre de votes des maires obtenus pour les trois propositions arrivées en tête de la consultation citoyenne qui a donc abouti au choix majoritaire de Grand-Orly Seine Bièvre.
Dans cette affaire, on peut citer SHAKESPEARE : « A lost thing looks for a lost name » (traduction : une chose perdue cherche un nom perdu). La démarche du président de l’EPT et de son exécutif communautaire est pathétique. Comment nommer un territoire artificiel et inutile, à coup de dépenses non transparentes et de fausse consultation citoyenne ? Ce nom a été imposé. Pour le vendre auprès de l’opinion, il faut faire croire à son existence. Tels de commerciaux, les élus avaliseront le 26 septembre 2016 une « marque commerciale » pour l’imprimer sur l’emballage « EPT 12 ». Un emballage sans rapport avec le produit contenu à l’intérieur, le territoire et ses habitants. Le pire, est de faire croire que la décision est prise dans le cadre d’une véritable concertation. Faites un sondage autour de vous : bien peu d’Eptdouziens vous diront qu’ils ont été touchés par celle-ci.
Autre sujet abordé au cours du conseil territorial : l’urbanisme
L’ordre du jour de la séance du 26 septembre 2016 comprend toute une série de délibérations concernant l’urbanisme des communes. Ce pouvoir a été retiré aux communes de la MGP pour être transféré aux intercommunalités. Désormais, ce ne sont plus les conseils municipaux des communes qui votent, c’est le conseil territorial de l’EPT 12 qui le fait à leur place.
Qu’est-ce que Juvisy-sur-Orge connaît sur l’urbanisme du Kremlin-Bicêtre ? Rien. Qu’est-ce que L’Haÿ-les-Roses connaît de Juvisy-sur-Orge ? Rien. Qu’est-ce que Choisy-le-Roi connaît à Athis-Mons ? Rien. C’est comme dans la publicité du Printemps, le grand magasin parisien «Les yeux fermés, j’achète tout au Printemps». A l’EPT 12, c’est « Je vote les yeux fermés». (5)
Les élus peuvent-ils affirmer – en conscience – qu’ils connaissent les territoires sur lesquels ils se prononcent ? Et fait, ils statuent en fonction de la confiance réciproque qu’ils s’accordent les uns les autres. Nous tombons sous la double contrainte du « Si je fais une remarque, ou bien si je vote contre cette délibération, que se passera-t il lorsque viendra le tour de ma commune». Cette globalisation des décisions de collectivités territoriales supérieures (les EPT) à l’égard des collectivité territoriales inférieures (les communes) crée les conditions qui permettent demain tous les mauvais coups contre les citoyens en matière d’urbanisme et d’aménagement : nous tournons le dos à la démocratie citoyenne.
Au menu de cette séance du 26 septembre 2016, une série de décisions importantes sur l’urbanisme des communes de l’ancienne communauté d’agglomération Les Portes de l’Essonne est à noter : Juvisy-sur-Orge, d’Athis-Mons, Morangis. L’approbation de la révision du plan local d’urbanisme (PLU) de Savigny-sur-Orge aurait dû y figurer également. Tout le monde s’interroge : pourquoi ne la retrouve t-on pas sur l’ordre du jour de ce 26 septembre 2016 ? Mystère.
Nous entrons dans l’ère de la gouvernance de l’ignorance territoriale. (6)
RÉFÉRENCES
1. Ordre du jour de la séance du conseil territorial de l’EPT 12 en date du 26 septembre 2016, 19 h, hôtel de ville de Vitry-sur-Seine, 2 p. (pdf) : ept12-ct-26-09-2016-odj. Rappelons que l’EPT 12, créé le 1er janvier 2016, est composé de 24 communes et totalise 679 463 habitants : Ablon, Arcueil, Athis-Mons, Cachan, Chevilly-Larue, Choisy-le-Roi, Fresnes, Gentilly, Ivry, Juvisy-sur-Orge, Le Kremlin-Bicêtre, L’Haÿ-les-Roses, Morangis, Orly, Paray-Vieille-Poste, Rungis, Savigny-sur-Orge, Thiais, Valenton, Villejuif, Villeneuve-le-Roi, Villeneuve-Saint-Georges, Viry-Châtillon, Vitry-sur-Seine.
2. MÉRIGOT Bernard, « EPT 12. Le nom de l’établissement public territorial n° 12 est-il un nom publicitaire ? », www.portes-essonne-environnement.fr, 17 août 2016 : http://portes-essonne-environnement.fr/ept-12-le-nom-de-letablissement-public-territorial-n-12-est-il-un-nom-publicitaire/.
3. LEPRÊTRE Michel, «Établissement public territorial Grand-Orly Val-de-Bièvre Seine Amont, Communiqué», (sans titre, sans date), 1 p. (pdf) : ept-12-cp-ml-sept-2016. Il est à noter que ce document n’est pas signé par le président de l’EPT 12, mais par son directeur de Cabinet, Christophe MENUEL.
4. VALÉRY Paul, Regards sur le monde actuel et autres essais, Folio, 1988 (1931, première édition) 305 pages.
5. Slogan publicitaire du Printemps, grand magasin parisien : « Les yeux fermés, j’achète tout au Printemps ». Film de Raoul FRANCO, 1957. Pour visionner la publicité : https://www.youtube.com/watch?v=utHRI5BT8Zk.
6. Note de la rédaction : le présent article est une expolition de l’article « De l’injustifiable à l’ignorance. De quoi l’établissement public territorial (EPT 12) Grand Orly Seine Bièvre est-il le nom ? » de Bernard MÉRIGOT publié le 23 septembre 2016 sur le site Internet www.savigny-avenir.fr (http://www.savigny-avenir.fr/2016/09/23/de-linjustifiable-a-lignorance-de-quoi-letablissement-public-territorial-ept-12-grand-orly-seine-bievre-est-il-le-nom/). La ligne éditoriale est, en effet, publiée conjointement sur les médias numériques www.portes-essonne-environnement.fr et www.savigny-avenir.fr sous des titres et des illustrations différents, des contenus et des argumentaires complémentaires.
© Bernard MÉRIGOT, Sylvie MÉRIGOT-MONNIOTTE, 25 septembre 2016, 21 heures.
ISSN 2495-1161. Dépôt légal du numérique, BNF 2016.