Environnement et santé publique

Étudier et défendre le « bien-être » en ville » (Well-being in the city)

Pour Jérémy RIFKIN, l’homme est devenu un « homo urbanus » depuis le début des années 2000. La ville et ses zones périphériques constituent désormais son unique horizon de vie.

Comment faire de la ville un espace prenant en compte l’aménité, c’est-à-dire « les aspects agréables de l’environnement ou de l’entourage social, qui ne sont ni appropriables, ni quantifiables en termes de valeur monétaire » ?
Comment faire en sorte que les conditions de vie des citadins, en particulier en matière de transport et de logement, ne se dégradent pas ? Comment éviter la croissance des inégalités socio-spatiales induites notamment par l’augmentation du prix du foncier ?
Comment minimiser les externalités négatives sur l’environnement et sur la santé des citadins : promiscuité, congestion, pollution… ?

HABITAT, TRAVAIL ET SANTÉ


Toutes ces questions constituent des défis pour les aménageurs, pour les acteurs locaux, pour les politiques, et pour tous les citoyens. Elles sont toutes liées à la quête du « bien-être en ville » (« Well-being in the city »), concernant tous les éléments contribuant à la qualité de vie et à la santé des citadins. Lise BOURDEAU-LEPAGE établit, à partir de nombreuses enquêtes, que la nature constitue un élément déterminant du « bien-être » des citadins (1) et C. ANDRÉ souligne que la nature, par sa seule présence, produit des effets thérapeutiques (2).

VILLES ET MALADIES


La ville est porteuse de risques sanitaires liés à l’altération du milieu et aux nuisances (pollution de tous les milieux : air, eau, sol, toxicité des matériaux, vétusté de l’habitat, radioactivité…) qui peuvent engendrer des pathologies, dites environnementales, ou fragiliser les états de santé. Après le choléra au XIXe siècle, la tuberculose dans la première partie du XXe siècle, les risques sanitaires sont aujourd’hui les maladies chroniques (maladies cardio-vasculaires, maladies respiratoires, cancers, allergies …) issues en partie de la dégradation du milieu.

Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), il y a en France 30 000 décès prématurés par an imputables à la pollution atmosphérique. De même, les maladies allergiques respiratoires ont doublé depuis 20 ans. 20 % des cancers auraient pour origine des facteurs environnementaux. Ces risques pour la santé appellent donc un « nouvel hygiénisme », que l’on retrouve au cœur des réflexions sur la santé environnementale et la ville durable, par exemple, afin de réduire les pollutions ou encore diminuer le niveau de stress des citadins.

ESPACES VERTS ET SANTÉ


Les arbres, par leur seule présence, contribuent à réduire le niveau des polluants dans l’air, à diminuer les effets des îlots urbains de chaleur ainsi que la pollution sonore. Les espaces verts en ville ont des effets bénéfiques sur l’environnement mais aussi sur la santé physique et mentale des citadins : ils diminuent l’anxiété, le stress, les dépressions, les pathologies liées à l’obésité.

De nombreuses études médicales montrent l’existence d’une relation entre l’état de santé d’une personne et la proximité d’éléments naturels tels qu’une voie d’eau, un parc ou un jardin que W. GESLER nomme des « paysages thérapeutiques » (3) Quant à Roger ULRICH, il démontre comment le fait d’avoir une chambre donnant sur un parc accélère la convalescence des patients hospitalisés après une intervention chirurgicale. (4)

ÉTABLIR DES CARTES DE SANTÉ

Carte de John SNOW sur  l’épidémie de choléra à Londres en 1854. Version adaptée par Géoconfluences, ENS de Lyon, 2012.

Carte de John SNOW sur l’épidémie de choléra à Londres en 1854. Version adaptée par Géoconfluences, ENS de Lyon, 2012.

Les premières cartes épidémiologiques ont été établies en 1885, il y a maintenant un siècle et demi, par le Dr John. SNOW (5). De nouveaux algorithmes permettent de géolocaliser les informations sur l’état de santé des individus à partir des réseaux sociaux (6), de les publier, de les analyser et d’alimenter le débat scientifique et le débat citoyen dans le contexte de « big data » et d’ « open data », impliquant de nouvelles échelles spatiales et temporelles concernant :

  • les inégalités sanitaires et environnementales,
  • les choix de territoires.

Toutes les décisions qui impliquent la nature et l’environnement ont des effets sur la santé. Elles ne peuvent pas être prises uniquement ni par les élus, ni par les administrations. La société civile doit y participer.

SOURCES

1. BOURDEAU-LEPAGE Lise, « Nature en ville », Métropolitiques, 22 février 2013.
2. ANDRÉ C,
« Notre cerveau a besoin de nature », Cerveau & Psycho, n°54 novembre-décembre 2012, pp. 12-13.
3. GESLER W.,
« Therapeutic Landscapes: Medical issues in light of the new cultural geography », Social Science & Medicine, vol 34, n° 7, 1992, pp. 735-746.
4. ULRICH Roger,
« View through a window may influence recovery from surgery », Science, vol. 224, 1984, pp. 420-421.
5. SNOW J.,
On the Mode of Communication of Cholera, 2nd Ed, 1885, London, John Churchill, New Burlington Street. Géoconfluences, « Interpréter les épidémies du passé », ENS de Lyon, 2002, mise à jour 2012, 8 p. (www.geoconfluences.ens-lyon.fr).
6. KAUTZ H.,
« Data Mining Social Media for Public Health Applications », 23rd International Joint Conference on Artificial Intelligence (IJCAI 2013), Beijing, 2013.

AGENDA

Un prochain colloque « Bien-être en ville », présidé par Lise BOURDEAU–LEPAGE aura lieu les 12 et 13 juin 2014 à l’Université Jean Moulin – Lyon 3. Avec Lise Bourdeau-Lepage, Professeure, Université Jean Moulin Lyon 3 (UMR EVS-CRGA), Céline Broggio, Maître de Conférences HDR, Université Jean Moulin Lyon 3 (Équipe Magellan), Enali De Biaggi, Maître de conférences, Université Jean Moulin Lyon 3 (UMR EVS-CRGA), Pierre-Marie Chapon, Directeur de recherche, Icade et chercheur (UMR EVS-CRGA), Virginie Chasles, Maître de Conférences, Université Jean Moulin Lyon 3 (Équipe Santé Individu Société), Linda Chourfi, Secrétaire du CRGA, Université Jean Moulin Lyon 3, Hervé Gazel, Maître de Conférences, Université Jean Moulin Lyon 3 (UMR EVS-CRGA), Michel Mietton, Professeur, Université Jean Moulin – Lyon 3 (UMR EVS-CRGA), Jean-Philippe Pierron, Maître de Conférences HDR, Université Jean Moulin Lyon 3 (EA Santé Individu Société), Emmanuel Thimonier, Chargé d’études, UrbaLyon et chercheur (UMR EVS-CRGA).

© Sylvie MONNIOTTE-MÉRIGOT, 10 février 2014.