Modification de la Charte de l’environnement en catimini…

Dans l’indifférence médiatique la plus complète, le principe de précaution inscrit dans la Charte de l’environnement a été amendé par le Sénat le 27 mai 2014. Pourtant ce texte possède une valeur constitutionnelle !

De quoi s’agit-il ? Les amendements sont destinés à souligner que le principe de précaution est aussi un principe d’innovation. (1) Ainsi, l’article 5 modifié de la Charte confie aux autorités publiques la mission de veiller à ce que le principe de précaution ne soit pas un obstacle au développement de la connaissance, de l’innovation scientifique et au progrès technologique. (2)

Remettre en question le principe de précaution, qui protège les populations des projets industriels potentiellement dangereux, au profit du principe d’innovation est une façon de relancer les débats sur les OGM ou les gaz de schiste. C’est une porte ouverte à l’expérimentation de nouvelles techniques dans ces dossiers. Les associations doivent renforcer leur vigilance.

En proposant « d’authentifier » et de certifier par la loi les expertises scientifiques (article 7 modifié), le travail des associatifs et des citoyens ne serait plus considéré comme source d’informations à fournir au public. Les données scientifiques seraient désormais seules soumises au débat public, ce qui s’apparente à une atteinte à la démocratie.

Le texte doit maintenant recevoir l’aval de l’Assemblée nationale.

SOURCES
1. La proposition de loi constitutionnelle a été déposée au Sénat le 3 décembre 2013 par Jean BIZET (UMP) et plusieurs de ses collègues. Ils ont craint qu’une mauvaise compréhension du principe de précaution renforce les réticences envers la science, la méfiance à l’égard de l’innovation et du progrès technologique, et soit un frein aux activités de recherche et de développement économique. Le texte, modifiant les articles 5, 7 et 8 de la Charte de l’environnement, a été principalement voté par les sénateurs PS et UMP. Leurs collègues EELV et communistes ont voté contre, tout comme la sénatrice Chantal JOUANNO (UDI), fondatrice du think tank pour l’innovation écologique Ecolo Ethik. Elle a d’ailleurs déposé un amendement – rejeté – qui allait dans le sens du retrait du texte. L’engagement pour la protection de l’environnement n’est donc pas une affaire de partis politiques… Dossier consultable sur le site internet du Sénat (http://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl13-183.html) ; Proposition de loi constitutionnelle (pdf) : pion1975.
3. Geneviève FIORASO, secrétaire d’État en charge de la Recherche, discours du 28 mai 2014, www.enseignementsup-recherche.gouv.fr : Principe de précaution : P.P.L. visant à modifier la Charte de l’environnement – ESR : enseignementsup-recherche.gouv.fr  (document pdf).

© Sylvie MONNIOTTE-MÉRIGOT, 9 juin 2014.