Savigny-sur-Orge. Enquête publique sur le Plan local d’Urbanisme communal : concertation, fatalisme ou indifférence citoyenne ?

Les enquêtes publiques concernant les Plans locaux d’urbanisme (PLU) sont des objets singuliers : ils apparaissent soudainement dans les territoires : les habitants découvrent des normes nouvelles qui s’appliqueront à eux et à la commune où ils vivent sans que leur contenu n’ait auparavant fait l’objet de la moindre de concertation citoyenne.

Travaux de construction d’un immeuble dans le quartier ancien de Grand Val, rue Vigier à Savigny-sur-Orge (Essonne), le 26 mars 2019. © Photographie BM/CAD, pour PEE.

« L’un des grands enjeux du développement des métropoles françaises est de construire des villes compactes pour limiter l’étalement urbain, rééquilibrer les inégalités territoriales et loger une population croissante.

Or, créer de la densité implique davantage de promiscuité. Les nouvelles opérations immobilières bousculent les équilibres locaux et créent des situations conflictuelles. Les crises migratoires soumises à des enjeux transnationaux se télescopent avec notre territoire en mutation.

Déjà apparaissent frictions, tensions et oppositions, plus ou moins justifiées, plus ou moins virulentes, toutes nées d’un vivre ensemble nécessaire mais sans projet de société concerté. » (1)

Ces lignes écrites par Olivier LECLERCQ résument de façon éloquente et pertinente la situation présente des normes, nouvelles et changeantes, imposées chaque jour par les innombrables niveaux de pouvoirs représentés par les élus, les administrations, les services publics, les professionnels du bâtiment et de l’immobilier… Et à tous les niveaux, qu’il soit national, régional, départemental, intercommunal, communal… Tous imposent aux habitants et aux usagers des territoires à la fois le cadre et les conditions dans lesquels ils vivront demain.

Comment se fait-il que les pouvoirs publics, en général, et la collectivité, en particulier, soient si réticents à promouvoir et à s’engager dans des processus réellement collaboratifs et participatifs pour « fabriquer » la ville qu’ils appellent de leur vœux ?

Comment fonder un Plan local d’urbanisme citoyen ? En ouvrant de façon urgente trois « chantiers » participatifs.

  1. Engager une pensée des milieux habités.
  2. Interroger les mondes construits et ceux qui les habitent.
  3. Explorer les « modalités d’intervention ».

1. Engager une pensée des milieux habités s’inscrivant dans une problématique du développement durable. Elle doit prendre en compte une réflexion critique sur les mutations et les métamorphoses des « établissements humains », comprenant tout à la fois  « les installations humaines, les peuplements humains, les entités territoriales peuplées que ce soit de façon permanente ou temporaire », et notamment :

  • l’augmentation des mobilités physiques et leurs limites : de plus en plus de temps est passé à certaines heures pour parcourir un même trajet, refus des collectivités d’engager de façon systématique pour chaque territoire des « Enquêtes d’impact de la circulation liée à l’augmentation de nombre d’habitants »
  • la saturation de l’espace terrestre par l’espèce humaine,
  • l’absence d’extériorité qui en découle,
  • le développement des agglomérations urbaines présenté faussement comme étant inéluctable,
  • la place de plus en plus limitée et contrainte de la nature : tous les espaces verts doivent être sauvegardés, ne serait-ce qu’au nom de la défense de la biodiversité. Il faut en finir avec les dérogations qui permettent de construire dans tous les espaces libres, autant de décisions prises à la sauvette sous des prétextes fallacieux (« répondre à la demande…») au mépris des droits moraux des habitants.

Autant de conditions qui transforment de façon radicale à la fois les espaces et la façon de les habiter. Qui s’interroge sur ces mutations spatiales et anthropologiques dans une perspective critique ? Le Groupe d’études et de recherches Philosophie Architecture Urbain relève que « L’homme modifie en permanence l’environnement, geste qui est éminemment artificiel ». (2) Qui est conscient que cette artificialité contre-nature ?


2. Interroger les mondes construits et ceux qui les habitent afin de permettre de co-construire la relation du citadin à l’environnement urbain. Celle-ci passe :

  • par l’analyse de l’expérience ordinaire des espaces vécus,
  • par le développement d’une esthétique de l’environnement urbain (notamment dans la relation ville/nature),
  • par la compréhension de l’espace architectural et urbain à travers les sens. Du point de vue méthodologique et épistémologique, la démarche s’appuie sur un double mouvement.

« Il s’agit d’analyser et de restituer l’expérience sensible de la ville, en termes de sensation, de perception de d’imagination… ». Mais aussi de rapporter une expérience sensible à ses conditions de possibilités d’existences matérielles, techniques et sociales, qui lui donnent une forme historique. Il faut respecter l’historicité des schémas perceptifs et des représentations qui structurent les expériences et les imaginaires urbains.

Toute règle d’urbanisme modifie potentiellement la ville et produit un effet qui affecte la relation que chacun de nous entretient avec le réel.

Elle engage le visiteur, l’habitant, le promeneur, le citadin, le professionnel. Elle agglomère des parcelles de sens, parfois explicites, parfois énigmatiques mais qui, mises bout à bout, dessinent le mystérieux air du temps d’une époque, son imaginaire.


3. Explorer  « les modalités d’invention ». Il faut redéfinir les enjeux de tout projet en le situant dans une civilisation du risque qui réponde à trois exigences :

  • être raisonnable,
  • être ouvert à la métamorphose,
  • être réversible.

Hériter ou transformer ? Tout territoire est soumis à une double tension qui se joue entre :

  • sa capacité à conserver et hériter, d’une part,
  • sa volonté de projeter et prospecter la ville à venir, d’autre part.

Ces deux fonctions constituent une fonction commune, une capacité/volonté, c’est-à-dire une fonction qui comprend en même temps, et en les mêlant d’une façon consubstantielle, trois choses : la capacité de faire, la volonté de faire, et la manière de faire.

Ni la capacité, ni la volonté ne peuvent se concevoir chacune au mépris de l’autre : aucune évolution de la ville construite et vécue, aucune régénération des établissements humains, ne peut être acceptée selon un mode consensuel, et sans le double respect des leurs valeurs propres.


Conserver sans se projeter dans l’avenir constitue un engagement dans la voie du déclin. Mais se projeter dans l’avenir sans conserver, dans le but immédiat de faire du « nouveau commun », et sans prendre le soin de mener les indispensables concertations, ouvertes à une pluralité de scénarios citoyens, c’est-à-dire sans manifester le désir de conserver l’« ancien commun », emprunte un chemin pernicieux C’est celui que le philosophe Simon LEMOINE désigne comme celui des micro-violences et qui constitue un régime du pouvoir au quotidien. (3). Celui-ci, on le sait, génère d’inévitables conflits. La seule question est de savoir quand et comment on en fera l’économie.


RÉFÉRENCES
1. LECLERCQ Olivier,
« L’urbanisme collaboratif n’est pas une option mais une nécessité », Comment fabriquer la ville ?, 7 juin 2017.
http://www.universites-architecture.org/lurbanisme-collaboratif-nest-option-necessite/
2. GROUPE D’ÉTUDES ET DE RECHERCHES PHILOSOPHIE ARCHITECTURE URBAIN (GERPHAU),
« Introduction »,
http://194.199.196.168/gerphau/spip.php?rubrique34
3. LEMOINE Simon, Micro-violences. Le régime du pouvoir au quotidien, CNRS Éditions, 2017, 174 p.

LÉGENDE DES ILLUSTRATIONS

  • Travaux de construction d’un immeuble dans le quartier ancien de Grand Val, rue Vigier à Savigny-sur-Orge (Essonne), le 26 mars 2019. © Photographie BM/CAD, pour PEE.

ARTICLES EN LIGNE SUR LE SITE http://portes-essonne-environnement.fr

© Bermard MÉRIGOT, Sylvie MONNIOTTE-MÉRIGOT. Article mis en ligne le 17 mai 2019, 16 heures 56.

Portes de l’Essonne Environnement
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ISSN 2495-1161. Dépôt légal du numérique, BNF 2019.

Savigny-sur-Orge. Les modifications du Plan local d’urbanisme (PLU)

Les citoyens peuvent ne pas s’intéresser aux plans locaux d’urbanisme (PLU). En revanche, les plans locaux d’urbanisme s’intéressent aux citoyens, à leur foncier, à leurs « biens-fonds », que ceux-ci en soient propriétaires, usagers ou riverains. Un intérêt qui se manifeste dans la plupart du temps, avec une extrême discrétion, un manque de publicité, voire parfois une rétention d’informations publiques pure et simple.

Modification n°1 du Plan local d’urbanisme de la commune de Savigny-sur-Orge (Essonne), avis d’enquête publique, du 8 avril au 30 mai 2019. Affiche.

Dans ce contexte, les enquêtes publiques auxquelles les PLU donnent lieu, sont d’heureux et miraculeux espaces que l’on doit qualifier non pas de «démocratiques», mais de «plus démocratiques» que d’autres.

  • Constituent-ils des moments où le pouvoir descend vers les citoyens (Down) ?
  • Ou bien des espaces de consultation citoyenne qui remonte vers le pouvoir (Up) ?

Autrement dit, s’agit-il d’un dossier bouclé, ou bien des modifications peuvent-elles être apportées ?


Le dossier des modifications du Plan local d’urbanisme (PLU) de Savigny-sur-Orge (Essonne) est consultable, dans le cadre de l’enquête publique, du 8 avril au 9 mai 2019. Il comprend un total de 421 pages.

  • Avis d’enquête publique, 1 p.
  • Rapport de synthèse, 40 p.
  • Arrêté ouverture d’enquête, 3 p.
  • Rapport de présentation, partie 1, 80 p.
  • Rapport de présentation, partie 2, 79 p.
  • OAP, 11 p.
  • Règlement, partie 1, 107 p.
  • Règlement, partie 2, 99 p.
  • Plan de zonage, 1 p

Le dossier est consultable en mairie de Savigny-sur-Orge, 48 avenue Charles-de-Gaulle, 91600 Savigny-sur-Orge,

  • Lundi : 8 H 30 – 12 H, 13 H 17 H 30
  • Mardi : 8 H 30 – 12 H, 13 H 17 H 30
  • Mercredi : 8 H 30 – 12 H
  • Jeudi : 10 h – 19 H 30
  • Vendredi : 8 H 30 – 12 H, 13 H 17 H 30
  • Samedi : 8 H 30 – 12 H

Le commissaire-enquêteur nommé par le Tribunal administratif de Versailles est M. Roland RAYNOUARD. Il est ancien directeur général des services techniques de la commune de Poissy, en retraite. Ses coordonnées personnelles sont publiques et figurent dans le dossier consulté en mairie le lundi 8 avril. En revanche, aucune adresse mail spécifique à l’enquête publique (totalement indépendante et distincte tant de la mairie de Savigny-sur-Orge que de l’établissement public territorial Grand Orly Seine Bièvre) n’est indiquée.
Il assure quatre permanences en mairie :

  • Lundi 8 avril : 14 H 30 – 17 H 30
  • Jeudi 18 avril : 14 H 30 – 17 H 30
  • Samedi 27 avril : 9 H – 12 H
  • Jeudi 9 mai : 16 h – 19 H 30

Le choix d’un ancien fonctionnaire territorial d’une commune peut paraître dans un premier abord comme un choix judicieux au nom d’une compétence administrative acquise au cours d’une carrière professionnelle. Dans un second temps, ce même choix peut se révéler – de façon subliminale, donc insidieuse – comme porteur d’une culture d’entreprise normative appartenant aux gestionnaires de l’urbanisme. N’oublions pas qu’un plan local d’urbanisme est élaboré par des fonctionnaires et des « experts » qui dépendent des administrations.

Il faut souligner qu’il est impératif de prendre en considération que la première exigence démocratique demandée à un rapporteur d’une enquête publique est d’abord de porter un regard indépendant, non pas sur un dossier technique, mais sur la façon dont des normes toujours coercitives sont conçues, appliquées et vécues par des habitants. Son vrai nom devrait être « Plan local d’urbanisme vécu (PLUV) ». Il faut noter que le Premier ministre Édouard PHILIPPE a fait au Grand Palais, ce lundi 8 avril 2019, dans son allocution de clôture du « Grand débat » , un constat d’évidence : il y a trop de normes en France. (1)

Plan de zonage du Plan local d’urbanisme de Savigny-sur-Orge (Essonne), Modification n°1. Extrait du dossier soumis à en quête publique du 8 avril au 9 mai 2019.

RÉFÉRENCES

1. « Nous devons bâtir ensemble une organisation et un fonctionnement qui reposent sur la recherche d’une production beaucoup moins importante de normes et beaucoup plus importante de solutions »
PHILIPPE Édouard, « Discours. Restitution du Grand débat national », Grand Palais, Paris, Lundi 8 avril 2019, https://www.gouvernement.fr/sites/default/files/document/document/2019/04/discours_de_m._edouard_philippe_premier_ministre_-_restitution_du_grand_debat_national_-_08.04.2019.pdf

LÉGENDES DES ILLUSTRATIONS

  • Modification n°1 du Plan local d’urbanisme de la commune de Savigny-sur-Orge (Essonne), avis d’enquête publique, du 8 avril au 30 mai 2019. Affiche.
  • Plan de zonage du Plan local d’urbanisme de Savigny-sur-Orge (Essonne), Modification n°1. Extrait du dossier soumis à enquête publique du 8 avril au 9 mai 2019.

© Marie LAPEIGNE. Article mis en ligne le 7 avril 2019, 20 heures. Mise à jour le 9 avril 2019, 16 heures.


COMMENTAIRES
13 avril 2019

Les conditions matérielles dans lesquelles se déroulent les enquêtes publiques doivent faire l’objet d’une évaluation citoyenne.
A Savigny-sur-Orge, le lundi 8 avril 2019, à 8 H 30, au jour et à l’heure d’ouverture de l’enquête publique portant sur la modification du Plan local d’urbanisme (PLU) de la commune, le dossier mis à la disposition du public est bien accessible en Mairie, 48 avenue Charles de Gaulle.

  • Question : Dans quelles conditions la consultation du dossier de l’enquête publique se fait-elle ?
  • Réponse : Dans le hall, sur une table haute de cafeteria circulaire d’environ 50 centimètres de diamètre (Voir la photo en ligne ci-dessous). Impossible de s’assoir. La consultation se fait debout. Difficile – sinon impossible –  d’ouvrir les dossiers et de prendre des notes. Impossible de déplier le plan de zonage. 

Une table haute de cafeteria de cinquante centimètre de diamètre pour une consultation debout. Conditions matérielles de consultation du dossier de l’enquête publique de modification n°1 du Plan local d’Urbanisme (PLU) de la commune de Savigny-sur-Orge le lundi 8 avril 2019, à 8 H 45. © Photographie pour PEE.


COMMENTAIRES
20 avril 2019

SAVINIENNES, SAVINIENS,
ARRÊTONS LE BÉTONNAGE DE SAVIGNY-SUR-ORGE

« Saviniennes, Saviniens, arrêtons le bétonnage de Savigny-sur-Orge », Tract signé par Bernard BLANCHAUD, Alexandre LEFEBVRE et Olivier VAGNEUX distribué dans les boîtes à lettres de la commune, Exemplaire trouvé le 18 avril 2019. Format 21 cm x 14,85 cm, impression recto verso. Archives Portes de l’Essonne Environnement/CAD.

RÉFÉRENCE
BLANCHAUD Bernard, LEFEBVRE Alexandre et VAGNEUX Olivier,
« Saviniennes, Saviniens, arrêtons le bétonnage de Savigny-sur-Orge », Tract distribué dans les boîtes à lettres de la commune, Exemplaire trouvé le 18 avril 2019. Format 21 cm x 14,85 cm, impression recto verso.
LÉGENDE DE L’ILLUSTRATION
« Saviniennes, Saviniens, arrêtons le bétonnage de Savigny-sur-Orge », Tract signé par Bernard BLANCHAUD, Alexandre LEFEBVRE et Olivier VAGNEUX distribué dans les boîtes à lettres de la commune, Exemplaire trouvé le 18 avril 2019. Format 21 cm x 14,85 cm, impression recto verso. Archives CAD.


DOCUMENT

SAVIGNY-SUR-ORGE
PÉTITION URBANISME

  • Pour demander au maire de Savigny-sur-Orge d’arrêter cette bétonisation à outrance,
  • Pour préserver notre cadre de vie,
  • Pour rappeler à l’édile ses engagements d’urbanisme maîtrisé…

Je vous invite à signer la pétition suivante :
https://www.change.org/p/%C3%A9ric-mehlhorn-pour-un-urbanisme-ma%C3%AEtris%C3%A9-%C3%A0-savigny-sur-orge
Lien court : http://chng.it/599Gsk2Y

  • Une preuve que la densification n’est pas contrôlée. Lors d’une réunion du Conseil municipal, la maire-adjointe à l’enfance avait dit que la construction de 62 logements dans la rue de Champagne serait sans incidence sur la fréquentation des écoles.
  • Bilan : Toutes les classes de l’école Champagne sont passées à 31 élèves en 2017/2018… (Sans parler du refus de la municipalité de réformer alors la carte scolaire pour forcer l’ouverture d’une nouvelle classe sur Jules-Ferry)

Et à en croire la même adjointe, au moment des discussions relatives à l’élaboration du Plan local d’urbanisme, les nouveaux logements n’accueilleront que des couples sans enfants…

  • Non, les nouvelles taxes d’habitation ne vont pas enrichir la Commune ! Beaucoup font un calcul simpliste qui aboutit à un enrichissement de la Commune au moyen des nouvelles taxes d’habitation.

Or, tout ce nouvel argent va rapidement être englouti dans la construction de nouvelles infrastructures nécessaires aux nouveaux habitants, comme les écoles aujourd’hui déjà sous-dimensionnées par exemple pour permettre le dédoublement des classes.

Tant de nouvelles structures qu’il faudra ensuite entretenir !

De plus, la nouvelle population va participer à une usure plus rapide des structures existantes, et déjà largement sous-dimensionnées.

Tout est question d’équilibre, et pour l’instant, la Ville de Savigny agit à l’envers en pensant séparément d’abord l’habitat puis les équipements, ce qui fait que le second ne répond pas au besoin du premier…

Date de mise en ligne : le lundi 14 janvier 2019.
Organisation créateur de la pétition :
Vivons Savigny autrement (VSA)
Site hébergeur : Change.Org

RÉFERENCE
« Pétition urbanisme»,. En ligne le 20 avril 2019. https://oliviervagneux.wordpress.com/petition-urbanisme/


DOCUMENT

SAVIGNY-SUR-ORGE
POUR UN URBANISME MAÎTRISÉ

Pétition en ligne

RÉFÉRENCES
« Pour un urbanisme maîtrisé ». En ligne le 20 avril 2019. En ligne le 20 avril 2019. https://www.change.org/p/%C3%A9ric-mehlhorn-pour-un-urbanisme-ma%C3%AEtris%C3%A9-%C3%A0-savigny-sur-orge


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Orly. L’aéroport de Paris-Orly perd-il le Nord ?

Dans la nuit du lundi 18 au mardi 19 mars 2019, le Groupe ADP, propriétaire et gestionnaire de l’aéroport de Paris-Orly a débaptisé les halls « Orly Sud » et « Orly Ouest » pour leur donner le nom de « Orly 1, Orly 2, Orly 3 et Orly 4 ». L’opération a consisté à remplacer l’ensemble de la signalétique, tant interne qu’externe, entre 21 heures et 6 heures du matin.
Est-ce un acte anodin ? En quoi un changement de dénomination d’un lieu modifie-t-il son identité ? A quelle logique d’entreprise répond-il ? A quelle intelligence territoriale participe-t-elle à l’heure de la privatisation du service public aéroportuaire
et de la mondialisation des transports aériens ?

« Non à la privatisation d'Aéroport de Paris », Aéroport de Paris-Orly, 18 mars 2019. © Photographie Bernard Mérigot/CAD.

« Non à la privatisation d’Aéroport de Paris », Aéroport de Paris-Orly, 18 mars 2019. © Photographie Bernard Mérigot/CAD pour PEE.


« Non à la privatisation » peut-on lire ce lundi 18 mars 2019 sur la banderole, apposée par la CGT de l’aéroport de Paris-Orly. Elle accueille les passagers qui empruntent le Tram n°7 à la station « Aéroport d’Orly ». La modification de la dénomination des différents bâtiments de l’aérogare d’Orly, opérée dans la nuit du lundi 18 au mardi 19 mars, intervient quelques jours après un vote important à l’Assemblée nationale, le jeudi 14 mars 2019, concernant précisément le statut des aéroports.
Les députés, au terme de très longs échanges, ont adopté en nouvelle lecture, par 42 voix contre 17, l’article 49 de la « loi Pacte » qui ouvre la voie à la privatisation d’Aéroports de Paris (ADP). Cet article  prévoit de supprimer l’obligation pour l’État de détenir la majorité du capital d’ADP. Toute la journée, les parlementaires des différents groupes se sont succédé au micro pour donner leur position sur le projet du gouvernement. La majorité des orateurs, de droite comme de gauche, ont farouchement contesté ce projet, reprochant au gouvernement de commettre une « erreur irréparable », comme l’a déclaré le député des Landes, Boris VALLAUD (1).


Propriétés immobilières. Le Groupe ADP est le propriétaire de terrains d’une superficie totale de 6 686 hectares dont 4 601 hectares affectés aux activités aéronautiques, 775 hectares de surfaces non exploitables et 1 310 hectares affectés aux activités immobilières.

La valeur nette des terrains aménageables s’élève à 120 millions d’euros, les constructions immobilières à 5 615 millions d’euros et les infrastructures techniques à 212 millions d’euros. L’activité immobilière de Groupe ADP représente un chiffre d’affaires de 263 millions d’euros en 2016.

ADP possède sur ses terrains 1 125 000 m2 de surface utile commercialisable.

Les terrains loués à des tiers sont situés à :

  • Paris-Charles-de-Gaulle pour 286 hectares,
  • Paris-Orly pour 120 hectares,
  • Paris-Le Bourget et les aérodromes d’aviation générale pour 124 hectares.

À travers plusieurs filiales (dont Cœur d’Orly Investissement et Roissy Continental Square), le Groupe ADP gère ses actifs immobiliers à destination des professionnels sur les sites des aéroports de Paris-Charles de Gaulle et Paris-Orly. Il possède également Roissypôle, un complexe immobilier au cœur de Paris-Charles de Gaulle. Le site comprend 230 000 m2 de bureaux et 112 000 m2 d’hôtels.

L’actualité générale concernant un sujet donné est la superposition de plusieurs actualités partielles. Lorsque l’on considère le contexte institutionnel de l’avenir du Groupe Aéroport de Paris, on ne peut pas  juger que la modification de la dénomination des aérogares est un événement  anodin : il constitue l’acte 1 de la privatisation.

Régis LACOTE, directeur de l’aéroport d’Orly lors du baptême des aérogares « Orly 1-2-3-4 », lundi 18 mars 2019. © Photographie Bernard Mérigot/CAD pour PEE.


L’aéroport d’Orly n’existe pas, c’est un « non lieu » ? Marc AUGÉ s’interroge. Peut-on s’identifier à un supermarché, à une chaîne d’hôtels internationale, à un camps de réfugiés, à des autoroutes, au TGV (qui change de nom : le dernier appartient au sabir franco-américain : « Ouigo»), à des aéroports ? Il s’agit chaque fois d’espaces de transit. Ce sont pour Marc AUGÉ des non lieux où se déplacent des individus solitaires, incapables de proposer la moindre identification : grande indistinction, grand anonymat. (2) Alors, à quoi bon se référer au points cardinaux comme le Sud ou l’Ouest ? Peu importe où l’on se trouve. Peu importe de « se repérer ». De simples numéros sont donc bien suffisants.


Les communes riveraines de l’aéroport d’Orly croient – et font croire – que celui-ci appartient à leur territoire. C’est oublier que l’on n’y vient pas sans raison, et que l’on n’y pénètre pas sans se soumettre à certaines règles. Michel FOUCAULT a défini sous le nom d’hétérotopie (du grec « topos », « lieu », et hétéro, « autre ») ce qu’il a désigné comme des « espaces autres ». (3) Les hétérotopies constituent une localisation physique de l’utopie, des espaces concrets qui hébergent un imaginaire, qui effectuent une mise à l’écart, des lieux à l’intérieur de la société qui obéissent à des règles qui sont autres. Le fondateur de cet imaginaire a un nom, c’est Gilbert BÉCAUD avec sa chanson « Dimanche à Orly ». (4) Ce n’est pas une anecdote. Quant-au tournant de l’hétérotopie mondialisée de l’aéroport d’Orly, ce ne sera pas une chanson, ce sera sa privatisation. Comme pour l’aéroport de Toulouse.

L’acte 2 sera l’inauguration du « bâtiment de jonction » (Orly 3, mis en service le 2 avril), en attendant la construction de Orly 5… Prochain rendez-vous pour les habitants des communes riveraines, les travaux de réfection des pistes durant l’été prochain (du 28 juillet au 2 décembre 2019). De grandes vacances. Nous y reviendrons.

« Orly 1 ». Nouvelle dénomination de l’aérogare « Orly Ouest » par le Groupe ADP (Aéroport de Paris) dans la nuit du 18 au 19 mars 2019. © Photographie Bernard Mérigot/CAD pour PEE.


RÉFÉRENCES

1. « Aéroports de Paris, une privatisation contestable. Éditorial », Le Monde, 19 mars 2019. https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/03/19/groupe-adp-une-privatisation-contestable_5438217_3232.html
2. AUGÉ, Marc,
Non-lieux. Introduction à une anthropologie de la surmodernité, Seuil, 1992. Coll. « La librairie du XXIe siècle ».
3. FOUCAULT Michel, « Des espaces autres »,  Architecture, Mouvement, Continuité, no 5, octobre 1984, p. 46-49. Conférence au Cercle d’études architecturales, 14 mars 1967.
FOUCAULT Michel, « Des espaces autres », Dits et écrits (1984), Tome IV, Gallimard, 1994, p. 752-762.
4. BÉCAUD Gilbert, « Dimanche à Orly » , Paroles de Julie MILLER, 1963.

Dimanche à Orly (1963)
« Lorsque Gilbert Bécaud crée cette chanson en 1963, l’aéroport Orly vient d’être inauguré deux ans auparavant, en 1961, par le président de la République Charles de Gaulle. C’est l’époque des avions « Caravelles », des avions à réaction que tout le monde vient admirer sur les terrasses d’Orly, le quatrième aéroport du monde. Trois millions de visiteurs viennent chaque année, en habit du dimanche, quasiment autant qu’à la Tour Eiffel. »

AURENCHE Sophie, « Gilbert Bécaud et son ode à l’aéroport d’Orly », Douce France, RTL, 28 juillet 2015. https://www.rtl.fr/actu/conso/gilbert-becaud-et-son-ode-a-l-aeroport-d-orly-7779232542


LÉGENDES DES ILLUSTRATIONS

  • « Non à la privatisation d’Aéroport de Paris », Aéroport de Paris-Orly, 18 mars 2019. © Photographie Bernard Mérigot/CAD pour PEE.
  • Régis LACOTE, directeur de l’aéroport d’Orly lors du baptême des aérogares « Orly 1-2-3-4 » le lundi 18 mars 2019. © Photographie Bernard Mérigot/CAD pour PEE.
  • « Orly 1 ». Nouvelle dénomination de l’aérogare « Orly Ouest » par le Groupe ADP (Aéroport de Paris) dans la nuit du 18 au 19 mars 2019. © Photographie Bernard Mérigot/CAD pour PEE.

© Bernard MÉRIGOT et Marie LAPEIGNE , article mis en ligne le 30 mars 2019, 13 heures.

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Aéroport d’Orly. Nouvelles nuisances en perspective, les riverains se mobilisent

Une nouvelle tranche de travaux de réfection des pistes de l’aéroport d’Orly durant l’été 2019 (du 22 juillet au 18 novembre) est annoncée. Elle aura pour conséquence le détournement des avions. De ce fait, de nouvelles zones seront survolées à basse altitude, ce qui créera de nouvelles nuisances pour les habitants survolés. Comme disent les médias, « les riverains se mobilisent ».

Fermeture de la piste 3 (08/26) du 29 juillet au 1er décembre 2019, extrait de « Travaux Orly Piste 3 (08/26) » édité par le ministère de la Transition écologique et solidaire, Direction générale de l’aviation civile, FABEC, SESAR, p. 2.


Mobilisations citoyennes

Il faut qu’une situation se dégrade, ou bien que l’on annonce qu’elle se dégradera, pour que des mobilisations citoyennes se manifestent. Ce principe se vérifie dans tous les domaines, notamment dans celui des relations que les institutions en place entretiennent avec les habitants.

  • D’un côté, le pouvoir et ses représentants (1) essaient de « faire passer » (au nom du progrès, de modernisation, d’amélioration de la sécurité…) des actions qui ont pour conséquence de détériorer des conditions de vie existantes.
  • D’un autre côté, des riverains et leurs associations qui dénoncent ces atteintes. Les uns et les autres sont confrontés à une notion à la fois réelle et fuyante,  celle du seuil de tolérance, dans le cas des nuisances aériennes, vis-à-vis du bruit et de la pollution de l’atmosphère (combustion du kérosène, émission de poussières fines…).

Comment définir l’optimum de tranquillité, de qualité de vie et de limitation des pollutions pour les habitants d’un territoire ? Peut-être comme un état précaire et passager dont le souci est simple : pas d’augmentation des gènes existantes, le moins de nuisances possibles, le plus de réduction des nuisances actuelles.

L’association de Défense des riverains de l’Aéroport de Paris-Orly (DRAPO) a tenu une réunion à Savigny-sur-Orge le vendredi 1er février 2019. Son président Gérard BOUTHIER, maire-adjoint de Yerres (Essonne), a rappelé que « les vols de nuit ont progressé de 2% entre 2014 et 2016, les gros porteurs étant les avions les plus bruyants. L’été dernier, il y a eu jusqu’à un survol toutes les seize minutes ». L’association a été créée en 2001 sous le nom de AVEVY. Son action s’étend sur les 1 900 000 habitants qui vivent dans les 251 communes du Sud Essonne survolées par les avions desservant l’aéroport d’Orly. Elle organise un rassemblement de protestation ce samedi 16 février à l’aéroport à 10 heures.


RÉFÉRENCES DE L’ARTICLE
1. Quels sont les représentants des pouvoirs ? Il est étonnant de constater que les documents publics concernant les nuisances produites sur les riverains par les travaux d’aménagement n’émanent pas d’une autorité, mais d’une pluralité d’autorités responsables :

  • Ministère de la Transition écologique et solidaire
  • Direction générale de l’aviation civile (DGAC)
  • Functional Airspace Block Europe Central (FABEC)
  • Single European Sky ATM Research (SESAR)
  • Groupe ADP/Aéroport de Paris

On peut considérer que la complexité des dossiers traités peut servir de justification à une pluralité d’autorités. En revanche, on doit également prendre en compte le jeu de renvoi que chaque autorité pratique à l’égard des autres : « Ce n’est pas moi, c’est l’autre ». L’espace aérien français appartient de plus en plus à des instances européennes et mondiales (Functional Airspace Block Europe Central, Single European Sky ATM Research). Cela ne saurait en rien excuser que l’habitant ou le riverain des zones survolées se voit imposer des nuisances : il veut savoir ce qui se passe au-dessus de son appartement, de sa maison, de son jardin, de son école, de son entreprise…


LÉGENDE DES ILLUSTRATIONS
Fermeture de la piste 3 (08/26) du 29 juillet au 1er décembre 2019, extrait de « Travaux Orly Piste 3 (08/26) » édité par le ministère de la Transition écologique et solidaire, Direction générale de l’aviation civile, FABEC, SESAR, p. 2.


DOCUMENT

NUISANCES AÉRIENNES AUTOUR D’ORLY
L’INQUIÉTUDE DES RIVERAINS

DRAPO, l’association de Défense des riverains de l’Aéroport de Paris-Orly, est un réseau qui défend les riverains de l’aéroport d’Orly, va mener des actions face à l’accroissement des nuisances faites aux riverains.

Face aux nuisances aériennes autour de la plateforme d’Orly, ils ont décidé de hausser le ton. Les membres du réseau DRAPO, qui défendent les riverains de l’aéroport, comptent bien faire parler d’eux ces prochains jours. Inquiet de la probable privatisation du groupe ADP, ce collectif appelle à un rassemblement de protestation le 16 février à l’aéroport d’Orly.

Ce vendredi 1er février 2019 à Savigny-sur-Orge (Essonne), Gérard BOUTHIER, président de DRAPO, entouré d’élus de communes de l’Essonne, du Val-de-Marne, de Seine-et-Marne, et d’associations environnementales, a rappelé les derniers développements dans ce dossier des nuisances aériennes qui impactent près de deux millions d’habitants autour d’Orly.

Avec le passage d’ADP sous giron privé, les défenseurs des riverains, tout comme certains élus, craignent que des verrous sautent. « Le couvre-feu sera-t-il préservé ? Y aura-t-il des travaux d’extension des pistes ? », questionne ainsi Eric MEHLHORN, maire (LR) de Savigny-sur-Orge. Pour DRAPO, c’est bel et bien la question des pollutions qui est au coeur du débat. Pollution sonore bien sûr mais aussi celle de la qualité de l’air, moins souvent évoquée dans ce débat sur les nuisances aériennes.

« Une étude d’AirParif révèle que les émissions d’oxydes d’azote de la plateforme d’Orly sont équivalentes à celle du périphérique parisien », rappelle Gérard BOUTHIER. « La qualité de l’air autour des aéroports est également dégradée par une présence très supérieure à la normale de particules ultra-fines », ajoute le responsable associatif. « Il y a une vraie communication à mettre en place auprès des habitants qui n’ont pas toujours conscience du lien entre l’activité des aéroports et la pollution de l’air », reconnaît de son côté Michel Papin, le maire (LR) de Lésigny.

De 27 millions à 33 millions de voyageurs

L’extension prochaine de l’aéroport du sud francilien et le passage en 4 ans de 27 millions à 33 millions de voyageurs sont un autre sujet de préoccupation. « Le bruit est un problème de santé publique qui trouble le sommeil et favorise le stress, rappelle DRAPO. Or, les vols de nuit ont progressé de 21, 8 % entre 2014 et 2016. Les gros porteurs sont les plus bruyants. Leur nombre a augmenté de 13% en dix ans. Un record a été battu l’été dernier avec un vol de ces gros avions toutes les 16 minutes. »

Si ADP admet que certaines compagnies aériennes passent volontiers à des appareils de plus forte capacité, elle met aussi en avant la modernisation des flottes : « L’A 320 Néo qui est moins bruyant et consomme moins fait son apparition, avance le groupe. Par ailleurs, le développement d’Orly comme des autres plateformes est très encadré. Nous faisons en sorte de nous montrer exemplaires avec une croissance maîtrisée des aéroports qui restent facteurs de richesses pour les territoires et d’emplois pour les habitants. »

RÉFÉRENCES DU DOCUMENT
« Nuisances aériennes autour d’Orly : l’inquiétude des riverains », Le Parisien, (Édition numérique), 2 février 2019. Article de Laurent DEGARDI.
http://www.leparisien.fr/essonne-91/nuisances-aeriennes-autour-d-orly-l-inquietude-des-riverains-02-02-2019-8002563.php
Voir aussi :
« Les riverains d’Orly haussent le ton », Le Parisien (Édition papier du quotidien), 3 février 2019. Article de Laurent DEGRADI.

© Marie LAPEIGNE, article mis en ligne le 16 février 2019, 8 heures.

Portes de l’Essonne Environnement
http://portes-essonne-environnement.fr
Média numérique
ISSN 2495-1161. Dépôt légal du numérique, BNF 2019

« Slow urbanism ». A quand un « urbanisme lent » dans nos communes ?

Contrairement aux prévisions du début du XXIe siècle, la croissance démographique de l’Ile-de-France – et a fortiori celle de la Métropole du Grand Paris (MGP) – se stabilise, voire accuse un léger déclin durant la période 2011-2016. L’attractivité générale de la région la plus peuplée et la plus dense de France, comme celle de la ville de Paris, n’est plus d’actualité. Elle est dépassée par les métropoles provinciales où la qualité de vie est meilleure.

A l’inverse, les département de l’Essonne et de la Seine-et-Marne voient leur population progresser (en excédents naturel et migratoire). En conséquence la pression immobilière s’exerce sur l’urbanisation en entraînant deux effets majeurs :

  • construire de plus en plus (davantage de mètres carrés construits, davantage de hauteur…),
  • construire de plus en plus vite (en accélérant les travaux pour mettre tout le monde devant des faits accomplis).

Ce danger a un nom : l’urbanisme d’urgence.


Département de l’Essonne. Évolution de la population 2000-2015. « Différence brute de la population légale entre 2010 et 2015 en effectif (60 893 habitants) ». Carte extraite du PowerPoint présenté par Jean-Benoît ALBERTINI, préfet de l’Essonne, lors de son intervention intitulée « Les défis de l’aménagement durable du territoire de l’Essonne à l’horizon 2040 » devant le Conseil économique, social et environnemental (CESEe) le 12 décembre 2018, dans la salle du Conseil départemental à Évry.

L’urbanisme d’urgence, ou encore « urbanisme de l’urgence », a pour caractéristique de privilégier des solutions déjà admises sans prendre le temps de réinterroger les modèles sur lesquels ils se fondent. Comme le remarque Joëlle FOREST, « l’urbanisme de l’urgence est peu favorable à l’ouverture du champ des possibles. Il s’inscrit davantage dans le registre de la reproduction que dans celui de l’innovation. Il va de pair avec un aplatissement de la fonction politique. ». (1) La raison en est simple : la référence temporelle des élus est conditionnée par la durée de leur(s) mandat(s) et par leur échéance électorale.

Cette pratique d’urbanisme malade d’un déficit de réflexivité se traduit dans chaque commune par des réalisations concrètes.  Au fil des permis de construire accordés, qu’il s’agisse de  constructions volontaires, (« on est obligé de construire ») ou de construction autorisées par l’inaction (« on ne peut pas s’opposer à un projet »), a pour effet :

  • de supprimer des terres agricoles ou des terrains maraîchers, d’espaces verts, des jardins,
  • de démolir des bâtiments existants,
  • d’implanter des constructions « au hasard »,
  • de ne pas prendre en considération des conséquences que ce soit pour les populations déjà résidentes ou bien pour les populations nouvelles,
  • de tolérer des réalisations au moindre coût qui dégagent les plus grands profits immédiats des promoteurs.

L’urbanisme lent (Slow urbanism) constitue son exact opposé. La notion a la même origine que des mouvements « slow » : Slow food (1989), Slow management, Slow made (contre l’obsolescence programmée), Slow tech, Slow city, Slow education… Ceux-ci ont en commun de prendre le contre-pied d’une vie moderne marquée par la rapidité (« Fast »). Confondant sans cesse « se dépêcher » et « se précipiter », d’innombrables accélérations sans limites sont imposées, aux individus, aux citoyens, aux usagers, aux consommateurs… les isolant dans la solitude, les privant de leur libre-arbitre individuel, les empêchant d’exercer leur liberté de pouvoir délibérer collectivement avant qu’une décision ne soit prise. Les habitants ne pensent plus leur territoire,  les territoires « sont pensés »  par d’autres, des experts, des aménageurs, des décideurs. (2)

Comment urbanise-t-on ? Il n’existe que deux façons :

  • construire à la place d’espaces naturels, de terres agricoles, d’espaces verts, de jardins…
  • démolir des immeubles, des maisons existantes en construisant à leur place, plus grand et plus haut.

C’est ainsi que se manifeste l’urbanisation actuelle. Elle ne concerne pas que la réalité matérielle, celle du « construit », mais aussi la réalité humaine, celle des conditions de vie. Le mouvement est massif et ses conséquences sont irrémédiables.


Ralentir est une nécessité démocratique. Julien LANGÉ fait une remarque sur le Slow urbanism. « L’accélération produit des décalages grandissants entre les populations « in » (les inclus, les gagnants de la mondialisation, les bénéficiaires de l’élitisme et de la compétition…) et les autres, qu’ils soient « out » ou bien qu’ils soient « off ».» (3)


Ralentir est une nécessité écologique. Depuis les années 1960, le littoral français a été trop urbanisé et trop vite, provoquant d’innombrables altérations de son environnement naturel ainsi que des conditions de vie de ses habitants. Les cas de submersion par la mer d’immeubles, de villas, et de routes sont nombreux. Il en est de même d’inondations par des débordements de rivières et des réseaux d’assainissement. Elles sont induites directement par la sur-densification.

A quand l’abandon de cette densification inutile des centres-villes, des pôles « gares », des zones péri-urbaines de la Métropole du Grand Paris et de l’unité urbaine de Paris ? D’autant qu’elle est souvent réalisée sans concertation réelle avec la population locale, au détriment du patrimoine urbain ou rural historique remplacé par des constructions et des immeubles sans attrait, avec des rez-de-chaussés commerciaux sans « preneurs », avec des places de stationnement résidentiel en sous-nombre… Certains maires défigurent leur ville afin de satisfaire des documents d’urbanisme obsolètes à plus d’un titre ou bien de satisfaire de façon improvisée le quota fatidique de la loi SRU, ou encore d’espérer un afflux massif de population – une manne financière – grâce aux nouveaux transports en commun du Grand-Paris express. Toujours plus d’immeubles, toujours plus de logements, toujours plus de nuisances…

Quel est le prix de cette course effrénée ? Le mode de gestion actuel du territoire génère à terme diverses nuisances irréversibles pour les riverains résidant dans un habitat traditionnel plus ancien, pour des quartiers historiques déjà trop surchargés et souvent mal gérés par les collectivités territoriales constituées, pour des zones non-urbanisées profondément bouleversées par des programmes socio-économiques purement politiques et mondialistes. L’urbanisation excessive de nos sociétés est fille de la mondialisation. Alors que se multiplient les accidents dramatiques (effondrements, incendies, tremblements de terre, éruptions volcaniques, tsunamis, etc.), que le réchauffement climatique nous oblige à changer de comportement et à prendre soin de notre planète, ne devrait-on pas s’attacher à rénover, à réhabiliter, à protéger les espaces urbains et ruraux existants dans leur globalité c’est-à-dire infrastructures et équipements compris, à respecter notre biodiversité dans son ensemble. A quand la slow-urbanisation de nos territoires du quotidien ?


Quartier des Bords de Seine à Juvisy-sur-Orge (Essonne), immeuble rue Jorge Sempun, 3 juin 2017. © Photographie BM/CAD pour PEE.

Les illusions du « ralentissement de l’urbanisation ». Une note de l’Institut d’aménagement et d’urbanisme (IAU) publiée en janvier 2019 commence ainsi : « L’urbanisation de l’Ile-de-France poursuit son ralentissement. Sur la période 2012-2017, près de 590 hectares d’espaces urbanisés sont apparus chaque année. Ce rythme annuel est le plus faible depuis 30 ans. La dynamique de construction se concentre sur la petite couronne, en privilégiant le recyclage urbain. En grande couronne, la baisse de la consommation des espaces naturels, agricoles et forestiers se poursuit ». (4)

La conclusion selon laquelle « l’urbanisation de l’Ile-de-France poursuit son ralentissement sur la période 2012-2017 » laisse à penser qu’une réduction de la détérioration de l’espace est à l’œuvre. Elle appelle plusieurs remarques critiques.

  1. La réduction d’une détérioration ne signifie en rien son arrêt.
  2. Il ne faut pas omettre de prendre en compte que les fondements de cette vision sont modifiées sur un certain nombre de données (soit disponibles, soit collectées volontairement à la suite d’enquêtes) qui constituent une réalité territoriale générale de caractère cartographique C’est une réalité statistique construite qui ne saurait rendre compte de la vérité de la totalité du phénomène considéré.
  3. Il existe une réalité territoriale locale vécue localement par les habitants et les citoyens qui voient chaque jour des terres agricoles ou maraîchères et des espaces verts disparaître, pour être construits, des pavillons -souvent anciens- et des immeubles existants démolis pour être remplacés par des bâtiments plus grands. Cette réalité locale vécue n’est pas cartographiée.
  4. Dans l’immense majorité des cas, il s’agit d’un urbanisme imposé de façon silencieuse et discrète, mettant les riverains et les usagers de la ville devant un ensemble de faits accomplis qui génèrent des nuisances nouvelles.
  5. Cette situation est l’effet de l’évolution du cadre d’exercice de la compétence des collectivités territoriales en matière d’urbanisme.
  • Les Plans d’occupation des sols (POS) des communes, ainsi que leurs modifications, étaient approuvés par une délibération des conseils municipaux votée lors de séances publiques. Les habitants des communes avaient une connaissance directe des décisions concernant leur territoire.
  • Aujourd’hui, les Plans locaux d’urbanisme (PLU), ainsi que leurs modifications, sont votés par une délibération des conseils communautaires (communauté de communes, communauté d’agglomération, établissement public territorial) lors de séances publiques tenues volontairement dans la plus grande discrétion.
  • L’élargissement des territoires de gestion, en allongeant la distance entre le citoyen et le lieu de décision, ont eu pour effet de créer un déficit démocratique. Autant il est possible de trouver un nombre généralement restreint d’habitants qui ont assisté à des séances de conseils municipaux de la commune dans laquelle ils habitent, autant il est impossible de trouver des habitants qui ont assisté à des séances de conseils des intercommunalités dont relève leur commune.

« Les habitants d’un quartier concerné par un projet déclarent ne pas admettre que les décisions qui ont une influence directe sur leur cadre de vie puissent être prises par des « ils » lointains et inaccessibles, sans que l’on songe un seul instant à leur demander leur avis » écrit Jean-Paul LACAZE dans son chapitre consacré à l’urbanisme participatif. (5) C’est l’un des objectifs du Slow urbanism, l’urbanisme lent.


RÉFÉRENCES

1. FOREST Joëlle, « Pour un Slow Urbanism », VertigO – la revue électronique en sciences de l’environnement, 21 janvier 2016. Consulté le 15 janvier 2019. http://journals.openedition.org/vertigo/16856 ; DOI : 10.4000/vertigo.16856

2. Géographie(s) de la lenteur, Carnets de Géographie, n°9, 2016. Sous la direction de Sylvanie Godillon, Gaële Lesteven et Sandra Mallet. https://journals.openedition.org/cdg/272

3. LANGÉ Julien, « Des formes « slow » de l’urbanisme, une chance pour les territoires du off ? », Les Territoires du Off, 2014. (Julien LANGÉ/Acturba). https://territoiresduoff.wordpress.com/2014/02/04/des-formes-slow-de-lurbanisme-une-chance-pour-les-territoires-du-off/

4. INSTITUT D’AMÉNAGEMENT ET D’URBANISME D’ILE-DE-FRANCE (IAU), « Vers un développement urbain et durable », Note rapide, n°797, janvier 2019, https://www.iau-idf.fr/fileadmin/NewEtudes/Etude_1762/NR_797_web.pdf

5. LACAZE Jean-Paul, Les méthodes de l’urbanisme, PUF, 2010, p. 51.

Démolition du Foyer Jean Marsaudon géré par Envoludia/IMC Polyandicap rue Vigier à Savigny-sur-Orge (Essonne). Construction d’un immeuble d’appartements. 31 août 2018. © Photographie BM/CAD pour PEE.

RÉFÉRENCES DES ILLUSTRATIONS

  • Département de l’Essonne. Évolution de la population 2000-2015. « Différence brute de la population légale entre 2010 et 2015 en effectif (60 893 habitants) ». Carte extraite du PowerPoint présenté par Jean-Benoît ALBERTINI, préfet de l’Essonne, lors de son intervention intitulée « Les défis de l’aménagement durable du territoire de l’Essonne à l’horizon 2040 » devant le Conseil économique, social et environnemental (CESEe) le 12 décembre 2018, dans la salle du Conseil départemental à Évry.
  • Quartier des Bords de Seine à Juvisy-sur-Orge (Essonne), immeuble rue Jorge Sempun, 3 juin 2017. © Photographie BM/CAD pour PEE.
  • Démolition du Foyer Jean Marsaudon géré par Envoludia/IMC Polyandicap rue Vigier à Savigny-sur-Orge (Essonne). Construction d’un immeuble d’appartements. 31 août 2018. © Photographie BM/CAD  pour PEE.


DOCUMENT

CONSTRUIRE MOINS POUR VIVRE MIEUX
Une idée qui a de l’avenir ?

Le nouveau plan local d’urbanisme, tel que le veut le maire (LR) vise à ralentir la hausse de la population afin de soulager certains quartiers.
Freiner l’urbanisation en préservant le cadre de vie, limiter la hausse de la population à 28 000 habitants en 2030 (26 500 actuellement), tout en requalifiant certains quartiers, comme celui des Pyramides. Voici l’équation que doit résoudre le nouveau plan local d’urbanisme à Brunoy. Après les quatre ateliers participatifs de fin d’année, l’enquête publique devrait débuter avant l’été, avant une adoption définitive du PLU en fin d’année 2019.

PRÉSERVER LE PATRIMOINE DE LA COMMUNE
Brunoy « est une ville qui a un certain cachet », revendique le maire (LR) Bruno Gallier. C’est pourquoi l’élu compte le préserver en renforçant les règles de constructibilité dans les secteurs pavillonnaires, touchés par le phénomène de division de terrains. « On pourrait par exemple imposer un coefficient d’espace vert sur un terrain donné, pour éviter la multiplication des petits pavillons », propose-t-il.

Dans ces quartiers où s’alignent ces maisons de charme, la municipalité souhaite limiter la hauteur des logements collectifs à un seul étage au lieu de deux actuellement. Cette stratégie est dans la lignée de l’adoption de l’Avap (aire de valorisation de l’architecture et du patrimoine), qui vise à préserver les belles demeures du centre-ville en imposant notamment des normes dans leur rénovation. 

DES LOGEMENTS EN PLUS, MAIS…
La ville se fixe un objectif : 28 000 habitants en 2030, contre 26 500 aujourd’hui. « C’est peu », reconnaît Bruno Gallier. Sa logique reste la même : conserver le calme des quartiers pavillonnaires et ne pas saturer le centre-ville avec la circulation automobile. « C’est déjà la foire d’empoigne aux abords des écoles, et il est parfois difficile de rejoindre le centre-ville en voiture », justifie-t-il.

Ces 1 500 habitants de plus en 10 ans « représentent 600 logements supplémentaires », évalue le maire, qui a une astuce pour ne pas construire davantage. « Nous envisageons d’autoriser la transformation de grands pavillons, qui peuvent avoir du mal à se vendre, en appartements, du moment que cela est réalisé de manière raisonnée et que le stationnement le permet. »
La mairie envisage enfin d’interdire purement et simplement les constructions rue des Vallées, à proximité de l’Yerres, en raison des risques de glissement de terrain.

FAVORISER L’EMPLOI SUR LA COMMUNE
Malgré cette volonté de croissance démographique limitée, Bruno Gallier ne veut pas « mettre la ville sous cloche ». Son ambition : dynamiser l’emploi, dans une ville où 82 % des actifs travaillent en dehors de Brunoy. Pour y remédier, l’ouverture d’un espace de coworking de 120 postes est déjà prévue au mois de juin dans le secteur de la gare. Le futur PLU doit aussi faciliter l’installation d’activités tertiaires le long de la route nationale 6 (RN6), qui fait l’objet d’un projet de requalification. Des logements et des commerces doivent aussi s’implanter place des Pyramides.

Par ailleurs, la municipalité milite pour augmenter le nombre d’accès à la forêt de Sénart, « même si le PLU ne peut pas tout résoudre », prévient le maire.

« Trop de voitures et pas assez de petits commerces »
Alain, 66 ans, qui a participé aux ateliers sur le PLU

Habitant de Brunoy depuis dix ans, Alain a participé assidûment aux ateliers de travail sur le PLU. Pour lui, il faut « une vraie réflexion sur le commerce de centre-ville où il y a trop de banques et d’agences immobilières et pas assez de commerces de proximité ». Il aimerait aussi un plan plus ambitieux pour l’aménagement de pistes cyclables « qui serait une vraie alternative à la circulation automobile ».
Du côté de l’opposition, Jérôme Meunier (SE) salue la trame globale du PLU. « On partage les mêmes objectifs », assure-t-il, mais doute en revanche que la ville se donne réellement les moyens de réussir. « Il n’y a que quatre personnes au service urbanisme, c’est trop peu. Ils n’ont pas les moyens de vérifier si les propriétaires, par exemple sur les grandes propriétés, respectent leur permis de construire. »

Prochain rendez-vous. Café PLU le 2 février, de 10 heures à 12 heures à la salle des fêtes.

RÉFÉRENCES
«Brunoy. Construire moins pour vivre mieux. Une idée qui a de l’avenir ? », Le Parisien, Édition Essonne, 15 janvier 2019. Article de Romain CHIRON.


© Bernard MÉRIGOT, Sylvie MONNIOTTE-MÉRIGOT. Article mis en ligne le 18 janvier 2019, 21 heures.

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