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Paray-Vieille-Poste, la réunion de « concertation » pour la station d’Orly du métro de la ligne 14

Le projet de prolongation de la ligne 14 du métro (actuellement Saint-Lazare – Olympiades) déplace son terminus situé à Olympiades en créant une nouvelle gare « Aéroport d’Orly » à l’horizon 2023-2024. Elle sera située sur le territoire de la commune de Paray-Vieille-Poste. Elle concerne toutes les communes limitrophes, notamment celles de la communauté d’agglomération Les Portes de l’Essonne (CALPE).

Une réunion vient de se tenir. Intitulée « Gare Aéroport d’Orly. Concertation à Paray-Vieille-Poste. Réunion publique le 22 septembre 2014 à 19 H 30, Espace Éric Tabalry », elle était organisée par la Société du Grand Paris – Grand Paris express en présence de la Commission nationale du débat public (CNDP).

Reunion Metro Orly 2014

Annonce de la réunion de concertation sur la gare « Aéroport d’Orly » de la ligne 14 du métro à Paray-Vieille-Poste le 22 septembre 2014. © Société du Grand Paris, septembre 2014.

UNE COMPLEXITÉ VOULUE

A propos du « Grand Paris », il est utile de relever que l’expression désigne un champ rendu complexe par une succession de décisions politiques.

  • Société du Grand Paris est un établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC) créé par la loi n°2010-597 du 3 juin 2010 et régi par la loi du 7 juillet 2010. Elle a été fondée par Christian BLANC. Le président de son conseil de surveillance est André SANTINI. Elle est chargée du réseau de transport dénommé « Grand Paris Express ».
  • Métropole du Grand Paris est un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) qui regroupe Paris et les communes de la petite couronne.
  • Paris Métropole est un syndicat mixte d’études.
  • Grand Paris est un projet qui vise à transformer l’agglomération parisienne en une métropole mondiale.
  • Atelier international du Grand Paris est un groupement d’intérêt public (GIP) chargé de mener une réflexion sur le grand Paris.

La réunion « Gare Aéroport d’Orly Concertation » du 22 septembre 2014 présente un caractère technico-politique manifeste, présentant une tension permanente entre l’appareil administratif et technique qui formule des analyses et des projets, et, l’appareil politique qui décide. On le voit lorsque Pascal NOURY, maire de Morangis, sollicite la prolongation de la ligne au-delà d’Orly. Cette dernière dépend d’une décision politique.

UNE TENSION ENTRE LE FOND ET LA FORME MANIFESTE

Sur le fond, des questions ont été posées. Des éléments de réponse ont été donnés : sur l’interconnection entre trois gares et une station (gare RATP 14 / gare SNCF-TGV / Gare Tramway T7 / Station Orly-Val), sur la prolongation de la ligne au-delà d’Orly, en direction de Morangis, sur le temps de parcours, sur la fréquence des dessertes en heure creuse, sur les parkings, sur les services offerts par les nouvelles gares, etc.

Sur la forme, la pluralité d’institutions intervenantes brouille la lisibilité du programme. Métropole du Grand Paris, la RAPT, le STIF, la SNCF, RFF, Aéroport de Paris… chacun possède des compétences propres et dispose de chefs de projets, d’ingénieurs, de bureaux d’étude, etc.

Ce type de réunion constitue un progrès par rapport à une situation antérieure durant laquelle elles n’existaient pas. Y a-t-il eu des réunions lors de la création du Paris-Orléans au milieu du XIXe siècle, ou lors de celle du métropolitain parisien (le métro) à la fin du XIXe siècle ? En revanche, il est permis d’interroger la correspondance entre la « concertation » annoncée et l’espace public qu’elle construit.

Les personnes présentes l’ont compris dans la non-réponse apportée par Philippe YVAIN, président du Directoire de la société du Grand Paris, sur le financement des investissements et son rapport aux conditions d’exploitation des lignes en service actuellement. La « concertation citoyenne » annoncée n’est pas à ce jour « une concertation d’usagers ».


DOCUMENTS

  1. « Prolongement de le ligne 14 du métro jusqu’à Orly », communiqué de la Société du Grand Paris, organisatrice de la réunion du 22 septembre 2014.
  2. « Salle comble à Paray-Vieille-Poste pour la ligne 14 sud », compte rendu de la réunion, par la Société du Grand Paris, 23 septembre 2014.
  3. « Le métro en Essonne, c’est (presque) pour demain », article du Parisien (24 septembre 2014)

1. PROLONGEMENT DE LA LIGNE 14 DU MÉTRO JUSQU’À ORLY
Le dernier rendez-vous de la concertation sur le prolongement de la ligne 14 au sud se déroulera à Paray-Vieille-Poste, lundi 22 septembre 2014, à 19h30 dans la salle de conférence de l’Espace Éric Tabarly. L’équipe projet de la Société du Grand Paris viendra présenter la gare « Aéroport d’Orly ».
Cette réunion d’échange se déroulera en deux temps. Tout d’abord les équipes de la Société du Grand Paris présenteront le projet en détail : caractéristiques du tronçon Olympiades – Aéroport d’Orly, implantation de la future gare « Aéroport d’Orly », méthodes de construction, enjeux environnementaux, calendrier de réalisation…
Puis un second temps sera consacré aux échanges avec le public. Chacun pourra alors s’exprimer, poser ses questions aux équipes de la Société du Grand Paris qui prendra en considération l’ensemble des observations.
Pierre-Gérard Merlette, garant indépendant de la concertation nommé par la Commission nationale du débat public (CNDP) sera présent. Il veillera à la qualité des échanges et à la bonne participation du public.
Pour participer à la concertation, posez votre question en ligne en complétant le formulaire ici ».
SOCIÉTÉ DU GRAND PARIS, GRAND PARIS EXPRESS
, « Prolongement de le ligne 14 du métro jusqu’à Orly », Communiqué, 22 septembre 2014.

2. SALLE COMBLE À PARAY-VIEILLE-POSTE POUR LA LIGNE 14 SUD
« Hier soir (lundi 22 septembre 2014 à 19 H 30) se tenait à Paray-Vieille-Poste la huitième et dernière réunion publique de concertation renforcée sur le prolongement de la Ligne 14 au sud. Les très nombreux participants se sont notamment penchés sur l’intermodalité de la future gare « Aéroport d’Orly ».
160 personnes étaient présentes hier à l’espace Éric Tabarly à Paray-Vieille-Poste, pour venir s’informer sur  le prolongement de la ligne 14 au sud. Elles ont été accueillies par Franck Degioanni, Premier adjoint au maire de Paray-Vieille-Poste, et par Jérôme Guedj, Président du Conseil général de l’Essonne et membre du Conseil de surveillance de la Société du Grand Paris. Les deux élus ont souligné l’importance de l’arrivée du Grand Paris Express dans le nord de l’Essonne, territoire sur lequel ils ont regretté le sous-investissement en matière d’infrastructures de transport lourd.
En présence de Pierre-Gérard Merlette, garant de la concertation, la future gare Aéroport d’Orly a été au centre des débats de la soirée. Soucieux de la qualité de desserte du futur pôle de transports, les participants ont évoqué les conditions d’intermodalité avec les transports existants et à venir : les bus, le tramway T7, la future gare TGV d’Orly et la ligne 18 du Grand Paris Express. La possibilité d’implanter des parkings a été évoquée. Le site de maintenance et de remisage, dont l’implantation est prévue à Morangis, a également fait l’objet de questions. La future offre de transports a été abordée, à travers des demandes de précision sur les temps de parcours.
La SGP et ses partenaires – Frank Mereyde, directeur de l’aéroport d’Orly, Michèle Chevrant-Breton, du STIF, Lise Nedelec, chef de projet Interconnexion Sud chez RFF – ont répondu aux questions posées par le public. Philippe Yvin, président du Directoire de la SGP, a notamment tenu à rappeler que le Grand Paris Express est un projet qui avance grâce au travail mené avec les élus locaux et partenaires, et qu’il bénéficie de ressources propres qui en garantissent la faisabilité dans le respect du calendrier gouvernemental. »

SOCIÉTÉ DU GRAND PARIS, GRAND PARIS EXPRESS, « Salle comble à Paray-Vieille-Poste pour la ligne 14 Sud », 23 septembre 2014, http://www.societedugrandparis.fr/actualite/salle-comble-paray-vieille-poste-ligne-14-sud.

3. LE MÉTRO EN ESSONNE, C’EST (PRESQUE) POUR DEMAIN

« Paray-Vieille-Poste – Plateau de Saclay. Le métro en Essonne, c’est (presque) pour demain », Le Parisien, 24 septembre 2014.

Document : MÉRÉO Florence, « Paray-Vieille-Poste – Plateau de Saclay. Le métro en Essonne, c’est (presque) pour demain ». © Le Parisien, LP/Infographie, 24 septembre 2014.

Le train sera à l’heure. Voire même en avance ! Initialement prévu en 2027, le prolongement de la ligne 14 du métro parisien d’Olympiade (XIII e) à la future gare Aéroport-d’Orly, située à Paray-Vieille-Poste, devrait être effectif à l’horizon 2023-2024. C’est du moins ce que vient d’annoncer le Premier ministre Manuel Valls. Avec cette gare, les Essonniens pourront, pour la première fois, rejoindre directement la capitale en métro. « C’est une desserte essentielle pour le département, qui, ces trente dernières années, n’a inauguré qu’une seule infrastructure ferrée, le récent tramway T7 à Athis-Mons », a noté le président PS du conseil général Jérôme Guedj, lundi soir, lors de la réunion publique de concertation organisée à Paray par la Société du Grand Paris (SGP).
L’aéroport au croisement des lignes 14 et 18
La gare – accompagnée d’un grand site de maintenance et de remisage qui sera, lui, situé à Morangis – sera aussi le point de départ d’une autre ligne de métro en Essonne. La 18, également en avance, reliera l’aéroport au plateau de Saclay d’ici 2023-2024. Elle terminera sa course à Versailles-Chantiers vers 2030. Ce métro nommé désir dans ce secteur en plein boum est un vrai « atout » pour le territoire, a renchéri lundi soir le président de la chambre de commerce et d’industrie. Avec des commerces et des services à proximité, l’infrastructure devrait « dynamiser et soutenir le développement économique et l’emploi », a assuré Philippe Yvin, président du directoire de la SGP. En plus de rejoindre Paris en quelques minutes, elle permettra d’alléger les RER bondés.
En souterrain, les métros longs de 120 m arriveront dans les tunnels d’Orly, à Paray-Vieille-Poste. Demain, pour aller de la ligne 14 à la ligne 18, depuis Paris jusqu’au Plateau de Saclay et son pôle universitaire où se concentre 10 % de la recherche en France, la correspondance quai à quai se fera en quelques secondes, un peu plus dans l’autre sens. « Ce métro nie l’utilité du T7 (avec lequel on mettra 20 minutes de plus qu’avec la ligne 14 pour rejoindre Paris, NDLR), pourquoi ne pas avoir pensé à une meilleure liaison avant ? », a réagi lundi soir un commerçant d’Athis, inquiet aussi pour le commerce au centre-ville qui pourrait pâtir du pôle gare. »

MÉRÉO Florence, « Paray-Vieille-Poste – Plateau de Saclay. Le métro en Essonne, c’est (presque) pour demain », Le Parisien, 24 septembre 2014.


RÉFÉRENCES
SOCIÉTÉ DU GRAND PARIS, GRAND PARIS EXPRESS
, « Concertation à Paray-Vieille-Poste, réunion publique le 22 septembre 2014, 19 H 30 ». Tract 14,8 x 21 cm.
SOCIÉTÉ DU GRAND PARIS, GRAND PARIS EXPRESS, « Prolongement de le ligne 14 du métro jusqu’à Orly », Communiqué, 22 septembre 2014.
SOCIÉTÉ DU GRAND PARIS, GRAND PARIS EXPRESS, « Salle comble à Paray-Vieille-Poste pour la ligne 14 Sud », 23 septembre 2014, http://www.societedugrandparis.fr/actualite/salle-comble-paray-vieille-poste-ligne-14-sud.
MÉRÉO Florence, « Paray-Vieille-Poste – Plateau de Saclay. Le métro en Essonne, c’est (presque) pour demain », Le Parisien, 24 septembre 2014.

© Bernard MÉRIGOT, 25 septembre 2014.

Autoroute ferroviaire Atlantique, 2e enquête : avis défavorable de PEE

Entre le 23 juin et le 23 juillet 2014, une deuxième enquête publique unique soumet aux citoyens le projet d’une autoroute ferroviaire Atlantique (AFA) entre Dourges (Pas-de-Calais) et Tarnos (Landes), via la région parisienne, soit 1 050 km. Par extension, l’Espagne sera reliée à la Belgique. Le but est de proposer une alternative au transport routier sur des axes français saturés dès le printemps 2016. L’offre s’adresse au trafic de transit, de longue distance, signifiant ainsi qu’il n’y a pas de cabotage entre les terminaux. La France est traversée du nord au sud-ouest et vice-versa. Un contrat de concession entre l’État et VIIA Atlantique, filiale de la SNCF, a été signé le 20 mars 2014. En faisant transporter l’équivalent de 60 semi-remorques par train (sur l’AFA seules les semi-remorques sont embarquées, pas les chauffeurs et les tracteurs), les convois atteindraient plus de 1 km de long en 2019, une première en France. En principe, quatre trains dans chaque sens assureraient une navette quotidienne, traversant l’Essonne via la ligne du RER-C. (1)

AFA. Ile-de-France. Infographie Le Parisien 5 mai 2014

Document : L’AFA en Ile-de-France. Infographie extraite de l’article de Sébastien THOMAS, « Des trains de camions d’1 km de long pourraient passer par le 91, Le Parisien Essonne matin, 5 mai 2014, p. II.

UN DEUXIÈME AVIS DÉFAVORABLE DE PEE SOUTENU PAR D’AUTRES ASSOCIATIONS

Le premier avis défavorable de PEE a été publié sur ce site, dans l’article intitulé « L’autoroute ferroviaire Atlantique passera-t-elle par la ligne du RER-C ? », le 29 mai 2014. (2)

Le deuxième avis de PEE a été coécrit et cosigné avec les fédérations Ile-de-France Environnement (IDFE) et Essonne Nature Environnement (ENE) ainsi que l’association Culture Arts Découvertes (CAD). Il a été adressé au président de la commission d’enquête en lettre recommandée avec accusé réception le 22 juillet 2014, enregistré en préfecture du Pas-de-Calais, siège de la commission, le 23 juillet. (3) Il a également été inséré dans le registre électronique consultable sur le site de ladite préfecture. (4) Onze points ont été développés :

1. Une AFA inscrite dans la loi Grenelle 1, mais une économie du projet incertaine
L’idée d’un transport de fret par voie ferrée plutôt que par la route n’est pas neuve, notamment en Europe. Elle présente des avantages environnementaux incontestables. C’est pourquoi le transport des semi-remorques routières sur rail a été impulsé par la loi Grenelle 1 d’août 2009 qui a inscrit au programme l’AFA, estimée alors à 190 millions d’euros. Les temps de transport peuvent être ainsi raccourcis. On avance une réduction des coûts de 10 à 15 % dans les documents du dossier d’enquête publique unique (DEPU). Les gains supposés ne seraient pas négligeables en diminuant de 10 à 20 % le trafic routier par transfert vers le fret ferroviaire, soit environ 85 000 poids lourds annoncés pour près de 100 000 tonnes équivalent CO2 économisés annuellement à terme et en régime de croisière.

Établies à partir des statistiques issues de l’utilisation des deux autoroutes ferroviaires existantes en France, les données socio-économiques chiffrées ne sont pas convaincantes.  Dans son rapport sur les autoroutes ferroviaires de février 2012, la Cour des Comptes a pointé du doigt ces expériences en utilisant une terminologie rude pour les qualifier : « inabouties », « marquées par des retards », « lancées sans étude suffisante » et « déficitaires ». En résumé, ces autoroutes « peinent à faire » leurs « preuves sur les plans économique et financier », « le modèle n’apparaît viable, dans l’avenir, qu’à des conditions exigeantes ». L’économie générale financière de l’AFA semble précaire. Le Commissariat général à l’investissement s’inquiète d’une forte dépendance aux subventions, des incertitudes sur la rentabilité, le financement et, surtout, la participation de l’Europe alors que ce projet profite davantage aux Européens qu’aux Français.

2. Un possible transfert de nuisances dans une Ile-de-France sur-densément peuplée
Des associations environnementales et certaines municipalités sont très réservées, notamment en Ile-de-France, région la plus densément peuplée traversée par l’AFA. Cette première zone urbaine de France concentre un nombre de nuisances maximales (nuisances sonores continues, pollution permanente de l’air, transports en commun déficients et défaillants, réseau routier saturé, risques sanitaires industriels et technologiques, etc). Les atteintes à la qualité de vie et les déséquilibres écologiques n’ont jamais été aussi importants. Alors que la densité d’habitants à l’hectare est la plus forte comparée aux grandes agglomérations européennes, le Schéma directeur régional d’Ile-de-France (SDRIF) pour 2030, adopté en octobre 2013, prévoit une densification des pôles gares de l’ensemble du réseau francilien. Rien ne laisse présager que le report modal route/rail proposé par l’AFA ne constitue pas un véritable transfert de nuisances pour les riverains franciliens des voies ferrées plus nombreux à l’avenir.

Il est illusoire de faire passer des convois de fret de plus d’un kilomètre de long sur le réseau ferré francilien déjà surchargé, voire saturé et à risque car vétuste. Ainsi, de 2016 à 2029, quatre trains (aller-retour) assureraient une navette quotidienne entre les terminaux en empruntant les lignes de la Grande ceinture et celle du RER-C dont les travaux de modernisation débutent à peine et sont échelonnés sur six années. En phase de test (2015), 10 à 20 allers-retours seront effectués. A terme, en pleine activité selon le programme qui diffère du projet, 20 à 40 trains pourraient rouler sur l’AFA. Avec l’incitation des pouvoirs publics au recours aux transports collectifs et la pression de la demande croissante des usagers, ne doit-on pas s’attendre avec l’AFA à une hyper-saturation d’un réseau de voyageurs franciliens, souvent régulé par la contrainte, les retards et les suppressions de trains ?

3. Des protections phoniques en Ile-de-France ?
Les convois de l’AFA rouleraient à environ 60 km/h avec un matériel peu bruyant. Le bruit généré en soi serait donc moins important que pour n’importe quel autre train de fret d’ancienne génération, mais il s’ajoutera aux autres bruits environnants d’autant plus perceptibles s’ils sont nocturnes… Ainsi, en Essonne, le surplus serait évalué entre 0,2 et 0,8 dB selon les secteurs. Ces mesures sont des moyennes théoriques. Elles ne prennent pas en compte le phénomène d’émergences sonores. Elles ne reflètent pas la réalité qui varie en fonction des conditions climatiques, des vents porteurs, du bruit des roues sur les rails, du sifflement des bruits aérodynamiques, des crissements des freins, des types de rails et de l’environnement des ouvrages d’art. Pour un riverain de l’AFA sis à un point fixe, le passage d’un train d’un kilomètre de long à 60 km/h génèrerait 1 minute de bruit à laquelle il faut ajouter le temps d’écho et de réverbération. Ce bruit s’additionne aux nuisances acoustiques autoroutières et aériennes critiques en Ile-de-France.

Préoccupation constante des Français, la pollution sonore est à l’origine de nombreux problèmes de santé, non pris en compte à leur juste mesure dans les projets publics. Par ailleurs, les impacts socio-économiques (perte d’attractivité du territoire, dévaluation des prix de l’immobilier, etc) des nuisances sonores augmentées ne doivent pas être négligées, surtout dans une Ile-de-France déjà en souffrance. Quel programme de protections phoniques le long des voies dans les milieux urbains denses VIIA/SNCF proposent-elles dans le cadre de l’AFA ? Les murs anti-bruit, on les connaît le long des autoroutes routières. Ils ne sont pas toujours efficaces. Aucune précision n’est apportée dans le DEPU pour l’Ile-de-France.

4. Des solutions pour les nuisances vibratoires en Ile-de-France ?
Tous les riverains des lignes de chemin de fer connaissent les effets négatifs des vibrations (gêne acoustique, dommages sur les bâtiments) liées au roulement des essieux de certaines rames mal équilibrées des trains de fret, aux conteneurs mal calés sur une structure ferroviaire défaillante. VIIA/SNCF appréhenderont-elles l’impact de ces nuisances vibratoires dans tous les secteurs urbains et les solutionneront-elles au même titre que les nuisances sonores ? Agiront-elles à la source partout où cela sera nécessaire ? Le DEPU ne mentionne rien pour l’Ile-de-France, seules les préconisations pour la province sont détaillées.

5. Des mesures dérisoires ou absentes pour l’Ile-de-France
En Ile-de-France, VIIA/SNCF/RFF n’apportent pas les solutions suffisantes pour protéger les Franciliens de toutes nuisances supplémentaires. Les mesures d’évitement inscrites dans le DEPU sont dérisoires ou inexistantes face à la densification des pôles gares prévue par le SDRIF 2030, aux dysfonctionnements constants dans la gestion des transports ferrés de voyageurs de banlieue et de fret actuels. Faire croire que les réductions des vibrations à la source et des nuisances sonores seront assurées sur l’ensemble des points noirs relèverait de l’utopie. L’lle-de-France est écartée de tout véritable programme. L’Autorité environnementale est muette sur la situation francilienne. L’économie générale du projet d’AFA ne prend pas suffisamment en compte ces aspects relevant de la santé publique. Or, ces atteintes supplémentaires à la qualité de vie de millions de Franciliens ne peuvent être oubliées.

6. Assurer le principe de précaution
En Seine-Saint-Denis, les conseils municipaux concernés par le tracé de l’AFA ont voté une motion contre le passage de cette autoroute en zone urbaine dense. Le principe de précaution est mis en avant dans ce refus de voir les communes franciliennes traversées par des trains potentiellement dangereux car transportant des produits inflammables, explosifs, toxiques, et radioactifs. Nous ne pouvons que confirmer cette inquiétude, sachant que les lignes ferroviaires de banlieues franciliennes sont déjà fréquemment empruntées par des convois de déchets nucléaires sans que les populations ne soient averties. Ainsi, en décembre 2013, après un déraillement d’un wagon de l’un de ces convois, le maire de Drancy a décidé de porter plainte contre l’État pour mise en danger de la vie d’autrui.

L’Autorité environnementale a estimé que les risques technologiques et les risques de pollution accidentelle des eaux du projet d’AFA constitueraient à l’échelle locale des enjeux environnementaux de première importance. De manière générale, les risques sont sous-estimés et les études excluent régulièrement les réactions combinées de matières toxiques en cas d’accident. La crainte sur le bruit, la dangerosité, les impacts sur l’homme et son environnement gagne du terrain parmi les élus et les associations locales.

7. Une absence de concertation en Ile-de-France
Les communes, les communautés de communes ou d’agglomération, les associations critiquent à juste titre l’absence de précision concernant la politique menée par la SNCF. Elles dénoncent leur très faible participation aux concertations et aux décisions parce que la SNCF ou l’État l’ont décidé ainsi. D’autant plus qu’en 2013, le débat public précédant toute enquête publique n’a pas eu lieu en Ile-de-France, mais seulement dans les deux départements où se trouveront les futurs terminaux Dourges et Tarnos ! Il faut remonter à 2006 pour trouver une trace d’un débat public sur les lignes à grande vitesse avec mention d’une autoroute ferroviaire sur la façade atlantique de la France.

Il est impossible d’apporter un blanc seing à ce projet d’AFA sans une réelle concertation avec tous les élus, les milieux associatifs et les citoyens sur l’ensemble du tracé au préalable. Elle aurait dû avoir lieu dans toutes les régions traversées, à plus forte raison en Ile-de-France, la zone la plus densément peuplée de cette ligne non dédiée mais empruntant le réseau ferré national existant. Elle est fortement réclamée.

8. Une plateforme de transbordement à Brétigny-sur-Orge (Essonne) sans réelle concertation
Par ailleurs, « à plus long terme, lorsque le service imposera des développements », le projet global prévoit une plateforme multimodale au sud de Paris, le secteur préférentiel étant situé entre Orléans et Paris selon la carte du programme d’autoroute ferroviaire Atlantique. Aucune véritable précision n’est indiquée dans le DEPU en dehors d’un « Brétigny-sur-Orge » apparaissant au détour d’une énumération de sites provinciaux au sujet du dossier remis au candidat concessionnaire de la délégation de service public. L’AFA mise en service début 2016 sera une ligne directe entre deux terminaux nord et sud. Aucun prévisionnel n’est indiqué sur la construction et la mise en service de la plateforme sud-parisienne pouvant offrir le service du report multimodal route/rail en Ile-de-France afin de désengorger certains axes routiers, ce qui reste à prouver.

Or, depuis 2008, des études de faisabilité pour l’implantation d’un terminal d’autoroute ferroviaire pouvant accueillir 1 à 2 trains de 40 wagons par jour à Brétigny – La Norville ont été réalisées par RFF. Le projet a été inscrit dans le contrat de plan Etat-Région et figure dans le SDRIF 2008. Des discussions ont eu lieu entre élus du secteur, RFF, le conseil général et la préfecture de l’Essonne. Des interrogations ont été posées sur l’engorgement de la route départementale 19, principal accès à cet éventuel terminal. L’association locale de protection de l’environnement (ADEMUB) avait insisté sur l’inexistence d’un réseau routier adapté et suffisant à Brétigny pour absorber convenablement le trafic routier supplémentaire attendu. De même, les échappatoires vers la nationale 20, la Francilienne (nationale 104) et les autoroutes A6-A10-A5 sont très délicates car saturées. Elles nécessitent un volet à part entière de toute étude de faisabilité.

Pourquoi tous ces éléments ne figurent-ils pas dans le DEPU de l’AFA, sachant que des publications récentes de la SNCF mentionnent le fait que Brétigny « accueillera bientôt la gare francilienne de la future autoroute ferroviaire qui reliera le nord de la France à la frontière espagnole » ? (5) Pourquoi ce manque de transparence ? En 2008, il n’y a eu aucune enquête publique parce les terrains de Brétigny appartiennent à RFF. Pourtant, la solution de Brétigny-sur-Orge, nœud ferroviaire et routier, nécessite une large concertation sur l’ensemble du territoire essonnien avec tous les acteurs (porteurs du projet, collectivités territoriales, associations, habitants).

9. Aucune voie d’évitement de plus d’1 km n’existe entre Pierrefitte et Étampes
Dernièrement, la chaleur estivale a fortement perturbé les transports en commun, avec pour conséquences des ralentissements, des retards et des annulations de trains de banlieue. Ainsi, la SNCF a précisé que si les rails chauffent à plus de 45 °C, les trains ne peuvent rouler à plus de 40 km/h pour des raisons de sécurité. Quid des convois de l’AFA ? Seront-ils mis en attente ? Mais où exactement entre Pierrefitte et Étampes ? Dans la configuration actuelle, un convoi engagé doit, quelle que soit la conjoncture, passer par l’Ile-de-France. Quid de l’impact sur le trafic voyageur de banlieue en cas d’un quelconque problème technique ou climatologique, chronique ou ponctuel ?

10. Des travaux nocturnes d’ajustement des infrastructures
En pleine cacophonie sur les quais qu’il faut raboter pour le passage des nouveaux TER commandés par la SNCF, il semblerait que, pour celui de l’AFA, il faille aussi réduire certains quais afin de faire circuler des trains larges de 2,55 m. Le DEPU n’indique pas précisément les lieux des 3 800 interventions où ces travaux nocturnes d’ajustement du gabarit bas seront nécessaires. Une lacune… Même remarque pour les infrastructures qui devront être adaptées en hauteur. Dans son avis rendu public le 19 décembre 2012, l’Autorité environnementale insiste sur les coûts élevés du projet, avec notamment un surcoût de retouche des ouvrages de 188 millions d’euros.

11. Un contournement de la région parisienne impératif
Depuis l’accident de Brétigny en juillet 2013, les rapports s’accumulent sur les preuves indiscutables du manque d’entretien du réseau ferré francilien par le binôme SNCF/RFF, ainsi que son obsolescence. RFF reconnaît d’ailleurs que la robustesse du réseau ne permet pas d’accueillir en l’état ces trains longs, de fort tonnage, que sont les convois d’autoroute ferroviaire. Une véritable réflexion doit être conduite sur la promotion du report modal route/rail hors des zones urbaines denses.

En leur temps, Lyon et Montpellier ont été contournées par l’autoroute ferroviaire Perpignan-Luxembourg. Pourquoi pas le bassin francilien ? Selon Jean-Christophe LAGARDE, député-maire de Drancy, le contournement de la région parisienne « apporterait une réponse pertinente sur les longs trajets à la fois pour les marchandises dangereuses et pour les remorques des transporteurs routiers. » En ce sens, au regard de la fiabilité du réseau ferré parisien, la mise en avant du principe de précaution inscrit dans la Charte de l’environnement pour la population concernée, soit plus d’un million de Franciliens, est essentielle. La proposition de contourner l’Ile-de-France est la meilleure solution afin d’éviter des catastrophes en chaîne et des dysfonctionnements supplémentaires pour les millions d’usagers franciliens.

CONCLUSION

L’association Portes de l’Essonne Environnement et les cosignataires considèrent qu’il est utile d’envisager la création d’une autoroute ferroviaire permettant de traverser la France du Nord au Sud afin de répondre à un meilleur respect de l’environnement dans la cadre de la loi Grenelle 1 d’août 2009, à une meilleure qualité de vie et à une amélioration de la santé des habitants de villes actuellement polluées par le trafic incessant des poids lourds.

L’association Portes de l’Essonne Environnement et les cosignataires considèrent cependant qu’il est irraisonnable d’ajouter un nouveau trafic traversant la région Ile-de-France en utilisant la ligne C du RER et la Grande ceinture, saturées. L’accident de Brétigny-sur-Orge en juillet 2013 figure dans toutes les mémoires des usagers et des riverains : il rappelle la vétusté et les carences d’entretien des infrastructures ferroviaires. Réclamée depuis plus de 20 ans par les associations de défense des usagers de la ligne du RER-C, la modernisation du réseau ferré sud-francilien commence à peine. Les incidents à répétition qui émaillent le trafic journalier ne seront pas pour autant en voie d’extinction avec le mode de gestion des lignes franciliennes choisi par les opérateurs.

L’association Portes de l’Essonne Environnement et les cosignataires considèrent que le projet de la Métropole du Grand Paris et le SDRIF 2030 inquiètent les Franciliens sur la capacité à assurer un nombre de déplacement toujours plus élevé dans la région qui bat tous les records de densité de population en Europe. Il suffit de comparer la situation de Londres (avec 4 300 hab/km2), Berlin (avec 3 900 hab/km2) et Paris élargi à ses trois départements limitrophes (avec 8 500 hab/km2) pour s’apercevoir que l’hyper-saturation est propice à des dysfonctionnements et des nuisances exponentielles. Il faut tirer toutes les conséquences en matière d’aménagement urbain qui découlent du dépassement de ce seuil, notamment en matière de transport de voyageurs et de fret.

Pour ces motifs, en l’absence du contournement de la région parisienne, l’association Portes de l’Essonne Environnement, Ile-de-France Environnement, Essonne Nature Environnement et Culture Arts Découverte émettent un avis défavorable au projet de création d’une autoroute ferroviaire Atlantique traversant une zone urbaine densément peuplée comme l’Ile-de-France.

Sylvie MONNIOTTE-MÉRIGOT, trésorière et responsable éditoriale
de Portes de l’Essonne Environnement
et
Catherine GIOBELLINA, vice-présidente d’Ile-de-France Environnement
Jean-Pierre MOULIN, président d’Essonne Nature Environnement
Bernard MÉRIGOT, président de Culture Arts Découverte



COMMENTAIRES

Le 24 juillet 2014, lors d’une conversation téléphonique avec le président de la commission d’enquête, des éclairages ont été apportés aux fédérations et associations signataires.

  •  L’enquête publique sur le projet d’AFA n’est pas une enquête d’utilité publique car elle porte sur trois projets sis sur des propriétés de la SNCF et de RFF. Cela explique qu’il n’y ait pas eu de concertation au préalable, notamment en région parisienne – ce n’est pas une obligation. La présente enquête est exceptionnelle, il n’y en pas eu précédemment pour les autoroutes ferroviaires Perpignan-Luxembourg (mise en service en 2007, 1 045 km) et Turin-Chambéry (mise en service en 2003, 175 km).
  • La ligne AFA sera effectivement directe, sans arrêt entre Dourges et Tarnos. La plateforme de Brétigny serait abandonnée. Les porteurs du projet d’AFA ont confondu « programme » et « projets ». Dans le premier, il y a une faisabilité possible à Brétigny. Dans le second, ce n’est plus le cas. S’il devait y en avoir une, une nouvelle enquête devrait être déclenchée.
  • RFF reconnaît un problème de saturation et de robustesse du réseau francilien, mais cela ne compromet pas le projet pour 4 allers-retours, puis 9-10 dans un second temps, voire plus au-delà de 2030 selon certains éléments du dossier « programme ». Mais, le projet est fondé sur les 4 allers-retours, ce qui fait que l’on ne peut pas apprécier la réalité de l’AFA.
  • Les nuisances sonores et vibratoires sont un réel souci. RFF n’a pas envisagé dans le DEPU de s’occuper desdites nuisances en Ile-de-France parce que 1/ elles existent déjà, 2/ historiquement, la région a toujours été traversée par des trains de fret, 3/ le matériel roulant de l’AFA sera plus moderne donc moins bruyant.
  • Le contournement n’étant pas l’objet de l’enquête, la commission d’enquête ne pourra pas répondre pleinement sur le sujet.
  • Enfin, le rapport de la commission d’enquête et son avis seront rendus le 3 septembre 2014. Ils seront consultables sur le site de la préfecture du Pas-de-Calais.

 

SOURCES
1. Le dossier d’enquête publique est consultable sur le site www.viia.fr, ainsi que sur le site www.pas-de-calais.gouv.fr.
2. Les principaux éléments du dossier d’enquête et le premier avis de PEE est consultable sous le lien suivant : http://portes-essonne-environnement.fr/lautoroute-ferroviaire-atlantique-passera-t-elle-par-la-ligne-du-rer-c/.

3. L’avis conjoint de PEE, IDFE, ENE et CAD en pdf : 2014-07-21 Avis AFA EP2 IDFE-ENE-CAD-PEE definitif.
4. Registre électronique en pdf de la deuxième enquête publique sur l’AFA, extrait du site internet www.pas-de-calais.gouv.fr : Observations au 23 juillet. L’avis conjoint de PEE figure en pages 98-103.
5. SNCF, 2013. Voyages au coeur de SNCF, mai 2013, 52 p. (SNCF_RA_BD).

© Sylvie MONNIOTTE-MÉRIGOT, 28 juillet 2014.

Autoroute ferroviaire Atlantique : action du député-maire d’Etampes, Franck Marlin

Dans le cadre de la première enquête publique sur le projet d’autoroute ferroviaire Atlantique (AFA) qui traverse la région francilienne via la ligne du RER-C (et notamment Étampes, Brétigny-sur-Orge, Juvisy-sur-Orge), PEE a adressé une copie de son avis au député-maire d’Étampes, Franck MARLIN. En retour, ce dernier a fait part de son opinion plutôt défavorable sur le sujet ainsi que des démarches entreprises auprès de l’État. Quelles sont-elles ? Quelles conclusions peuvent-elles être tirées ?

LA RÉPONSE DE FRANCK MARLIN À PEE (20 juin 2014)

Le député-maire d’Étampes, Franck MARLIN, remercie PEE de son initiative. Il « partage pleinement » son analyse « quant à l’absence extrêmement préjudiciable de concertation » et comprend les « légitimes inquiétudes » relatives à l’impact du tracé proposé par le concessionnaire (VIIA, filiale de la SNCF).

Afin de compléter le dossier de l’association, il a l’amabilité de lui adresser une copie des courriers qu’il a rédigé le 12 mai 2014 à l’attention de Frédéric CUVILLIER, secrétaire d’État chargé des Transports, de la Mer et de la Pêche, de Jacques RAPOPORT, président de Réseau Ferré de France (RFF), de Guillaume PÉPY, président de la SNCF. Il y ajoute une copie de la réponse de Jacques RAPOPORT. (1)

Par ailleurs, il informe de la tenue d’un conseil municipal de la commune d’Étampes au cours de laquelle sera votée « une motion sollicitant des informations complémentaires dans le cadre d’une concertation élargie et l’organisation d’une nouvelle enquête publique » (NDLR : en cours au moment où le présent article est rédigé).

2014-06-20 Lettre de Franck Marlin a PEE

Lettre du député-maire Franck MARLIN à PEE, 20 juin 2014. © PEE.

LES INQUIÉTUDES DE FRANCK MARLIN

En premier lieu, le député-maire s’étonne de l’absence de concertation et de consultation des élus locaux concernés par le tracé, en particulier ceux du Paris-Orléans. Puis, il s’interroge sur les conséquences d’un tel projet générant des nuisances supplémentaires pour les riverains en période nocturne (sonores notamment), une dangerosité ferroviaire accrue, une hausse du trafic et un impact indéniable sur l’actuel usage de la ligne empruntée par les convois de l’AFA. Il attire l’attention de ses correspondants sur l’utilité écologique du ferroutage, progrès annoncé pour la préservation de l’environnement, mais qui ne doit pas se faire au détriment du cadre et de la qualité de vie des riverains. Le « transfert de nuisances » est inacceptable, selon lui. Cette conclusion ne peut être que partagée.

CONSULTATION SANS CONCERTATION DES POPULATIONS CONCERNÉES !

La réponse du directeur général de RFF est pour le moins surprenante : « L’enquête publique en cours vise précisément à recueillir l’avis du public sur ce projet de report modal (NDLR : trafic routier reporté sur le trafic ferroviaire), ainsi que les impacts associés et les mesures proposées pour y remédier ». Jacques RAPOPORT écrit le 17 juin 2014, alors que l’enquête est bouclée depuis le 5 juin.

Il estime que l’information des populations est satisfaisante. Il précise même que la commission d’enquête est la « garante de l’égal accès à l’information de toutes les populations concernées ». Il annonce que, pour les 470 communes traversées par l’AFA, 40 lieux d’enquête ont été ouverts (NDLR : soit 1 pour 11,75 communes), 80 permanences ont été tenues (NDLR : soit deux par lieu d’enquête), 300 affiches et 450 DVD ont été distribués (NDLR : même pas une affiche et un DVD par commune !), enfin un registre électronique était accessible sur le site de la préfecture du Pas-de-Calais, siège de l’enquête publique.

ENTRE LA SOUMISSION ET LA RÉVOLTE, IL Y A LE DÉBAT !

Selon le président de RFF, la procédure d’enquête publique a pour objet de répondre aux questions posées et à « porter des recommandations éventuelles de modification du projet proposé ». C’est le but de toute enquête publique. Mais, en lisant entre les lignes de Jacques RAPOPORT, il est aisé de constater que la décision a été prise avant que l’enquête ait eu lieu. Le projet sera réalisé : l’AFA est sur les rails, et ce quel que soit le résultat de l’enquête. Or, les maires n’ont pas été informés du dossier au préalable. Certains, les nouveaux édiles portés à la fonction lors des élections de mars 2014, ignorent tout. A leur tour, ils n’ont pas pu transmettre les éléments à leurs administrés par le biais de leurs différents vecteurs de communication (bulletins municipaux, lettres d’information, sites internet, totems…). La plupart n’ont pas été en mesure de tenir des réunions d’information. Le temps de la concertation avec les services publics, le concessionnaire, les élus et les administrés a été confisqué aux conseils municipaux récemment renouvelés.

PEE a participé au colloque international « Le citoyen et la décision publique », placé sous le haut patronage du président de la République, organisé par la Commission nationale du débat public (CNDP) les 16 et 17 juin 2014. Une phrase doit être retenue : « Entre la soumission et la révolte, il y a le débat ». (2) Où est le débat pour l’AFA ? Il a eu lieu en catimini, noyé dans le grand débat public sur les lignes à grande vitesse (LGV), en 2006 : il y a 8 ans ! Qui s’en souvient ? De qui se moque-t-on ? L’enquête publique n’a jamais été considérée comme un moment de débat entre l’auteur du projet et le citoyen. La société politique ( les élus, les collectivités locales…) et la société civile (les citoyens, les entreprises, les associations…) doivent sans cesse rappeler à l’État, aux pouvoirs publics, aux délégataires de services publics ou concessionnaires leur exigence du débat, préalable à toute décision concernant les équipements publics et leur fonctionnement.

Couverture de la plaquette du colloque international organisé par le CNDP en juin 2014. CNDP.

Couverture de la plaquette du colloque international organisé par le CNDP en juin 2014. © CNDP.

L’État et ses opérateurs doivent évoluer en passant d’une gouvernance verticale, qui impose du haut vers le bas, à une gouvernance horizontale, fondée sur une co-élaboration des projets collectifs.

POUR LE CONTOURNEMENT DE LA RÉGION PARISIENNE ET SON RÉSEAU FERRÉ OBSOLÈTE

Le président de RFF termine par un aveu également surprenant : l’Autorité de régulation des activités ferroviaires (ARAF), sollicitée afin d’émettre un avis « sur les conditions de mise en oeuvre des navettes d’Autoroute Ferroviaire », ne le rendra qu’au cours de l’été ! Il aurait été bien utile de l’insérer dans les documents d’enquête, notamment pour la partie francilienne du projet.

A l’heure où les expertises judiciaires, accablantes pour la SNCF et RFF, sur le déraillement de Brétigny-sur-Orge en juillet 2013 sont rendues publiques avec maintes interrogations sur la qualité du réseau ferré francilien et sa maintenance plus qu’insuffisante, les convois de l’autoroute ferroviaire peuvent-ils emprunter ce réseau vétuste et saturé de la Grande Ceinture et traverser nos gares, nos communes franciliennes, sans susciter de réelles inquiétudes ? Il ne se passe pas un jour sans que les usagers, les riverains et les professionnels du rail subissent les dysfonctionnements et l’entretien déplorable du réseau francilien. Les ingénieurs chargés des expertises, eux-mêmes, sont préoccupés par une telle situation de défaillance quasi généralisée dans certains secteurs. (3)

Dans ces conditions, peut-on envisager sereinement que des trains de fret au contenu inconnu, long d’un kilomètre, circulant la nuit (et pourquoi pas le jour aux heures creuses ensuite), traversent la région la plus peuplée de France et possédant le réseau ferré le plus délabré ? Un état qui est démenti par la SNCF, mais que tous les usagers et les riverains constatent depuis des années, voire des décennies. Ne vaut-il pas mieux appliquer le principe constitutionnel de précaution et contourner la région parisienne ?

SOURCES
1. Lettre de Franck MARLIN, député-maire d’Étampes, adressée à PEE, en date du 20 juin 2014. Dossier joint comprenant copies des lettres de Franck MARLIN à Frédéric CUVILLIER, Jacques RAPOPORT, Guillaume PÉPY, en date du 12 mai 2014, et une réponse de Jacques RAPOPORT à Franck MARLIN en date du 17 juin 2014. Correspondance sous format pdf : 2014-06-20 Franck Marlin Dossier AFA – PEE.
2. Colloque international « Le citoyen et la décision publique : enjeux de légitimité et d’éfficacité », sous le haut patronage de Monsieur François HOLLANDE, président de la République, organisé par la Commission nationale du débat publique (CNDP), les 16 et 17 juin 2014 à la Cité des sciences et de l’industrie Paris.
3. Articles du Parisien en date du 7, 8 et 9 juillet 2014 : Vincent VÉRIER « Drame de Brétigny : un rapport accuse la SNCF », 7 juillet 2014 (p. 16),  2014-07-07 LP Accident Bretigny p.16 ; Vincent VÉRIER, « La SNCF face à ses responsabilités », 8 juillet 2014 (p. 2), 2014-07-08 LP Accident Bretigny p.2.

© Philippe TRENTY et Sylvie MONNIOTTE-MÉRIGOT, 9 juillet 2014.